Notice sur Mme Gay

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Notice sur Mme Gay
Mme Veuve Dabo (p. 185-186).


NOTICE
SUR MADAME GAY.




Madame Sophie GAY, née De La Valette et veuve du receveur général des finances à Aix-la-Chapelle, sous le gouvernement impérial, avait composé pour elle-même, sans aucune espèce de dessein de passer pour auteur, un roman intitulé Laure d’Estelle. Le célèbre chevalier de Bouflers, lui en ayant dérobé le manuscrit, le fit imprimer d’accord avec son mari même, en 1800, chez Charles Pougens, leur ami commun, et à l’insu de Mme Gay ; Chénier a donné les plus vifs éloges à l’idée principale sur laquelle est fondée cette charmante production.

Nous avons encore de cette dame deux autres romans très-jolis, intitulés, l’un, Léonie de Montbreuse, en 2 vol., 1813 ; et l’autre, Anatole, en 2 vol., 1815.

Mme Gay s’étant senti du goût pour l’art dramatique, à la culture duquel d’ailleurs ses amis l’invitaient, elle débuta par la Sérénade, comédie de Regnard, qu’elle avait arrangée en opéra-comique, et qui fut jouée le 2 avril 1818. Le Marquis de Pomenars fut joué l’année suivante.

Ensuite elle donna en opéra-comique le Maître de Chapelle, comédie de M. Duval, et qui parut en 1821.

Enfin sa dernière pièce, jouée le 5 mars 1822, a pour titre : Une Aventure du chevalier de Grammont, en 3 actes et en vers. Cette pièce est languissante et d’un faible intérêt, par une raison que beaucoup de gens trouveront sans doute bizarre, c’est qu’elle sent trop la bonne compagnie. Elle est trop pleine de ce qu’on appelle du bon ton, et c’est aux dépens du comique, des sentimens, des idées et des situations. Molière, le modèle des comiques, n’a pas cherché à le faire dominer dans le style de ses comédies, et elles n’en sont pas plus mauvaises pour cela. Tout ouvrage dramatique où l’on ne reproduit que le vernis des caractères sociaux et non leur fonds, doit être nécessairement froid. Nous croyons faire un éloge de Mme Gay, tout en lui reprochant un défaut ; et il lui sera toujours facile de mettre dans ses ouvrages, où l’esprit abonde, plus de sensibilité et moins de ce même bon ton qui, par malheur, manque à beaucoup d’auteurs qui ne sont pas doués d’esprit et de sensibilité au même degré qu’elle.