Notice sur la Commission royale de Pomologie
Notice sur la Commission royale de Pomologie.
Dans les siècles antérieurs au nôtre, on cultivait un nombre très-restreint de variétés fruitières, généralement bien connues et donnant lieu assez rarement à des erreurs synonymiques. Il n’en est plus ainsi de nos jours ; à partir de 1760, une impulsion décisive fut imprimée à l’amélioration des arbres fruitiers au moyen des semis : après les horticulteurs du Hainaut, Van Mens, en formulant son système, en poursuivit l’application sur une large échelle ; il fut suivi dans cette voie, non-seulement en Belgique, mais surtout aux États-Unis, en Angleterre, en France et en Allemagne.
Ces divers travaux ont eu pour résultat inévitable d’accroître dans une énorme proportion le nombre des fruits cultivés, car, grâce à la facilité des communications, les nouveautés d’un pays pénètrent rapidement dans les autres contrées. Il en est encore résulté beaucoup de confusion dans la nomenclature ; en effet, des erreurs s’y glissent facilement, et sont propagées par l’intérêt des uns, et l’ignorance du plus grand nombre ; d’un autre côté, l’amour-propre de beaucoup de semeurs ou obtenteurs de fruits nouveaux les engage à mettre dans le commerce des variétés d’une valeur très-contestable, ou même tout à fait nulle.
Les inconvénients de cet état de choses sont très-sérieux pour le public, qui ne s’occupe guère de pomologie ; la plupart des personnes désireuses de planter leurs propriétés, doivent le plus souvent consulter des catalogues incomplets ou erronés, et l’on sait qu’une plantation mal combinée est à la fois une perte de temps et d’argent.
Vers l’année 1834, une première tentative eut lieu en Belgique pour remédier à cet état de choses, et introduire de l’ordre dans les nomenclatures fruitières. M. Laurent de Bavay venait de créer les pépinières Royales de Vilvorde : homme de sens et d’esprit, il ne tarda guère à reconnaître les écueils inévitables qu’il rencontrerait dans son entreprise, et la nécessité de réformer les catalogues sur un nouveau plan synonymique. Aide d’un petit nombre de collaborateurs avec lesquels il entretint une correspondance des plus actives, il améliore sans cesse ses catalogues, qui sont devenus depuis un modèle suivi généralement, tant en Belgique qu’à l’étranger.
Sans aucun doute, ces catalogues ont préparé les voies à une rénovation de la pomologie, mais ce moyen ne pouvait suffire. Au mois de septembre 1847, M. Royer, de Namur, l’un des plus actifs correspondants de M. Laurent de Bavay, se trouvait à Paris. Ses relations avec des professeurs du Muséum, lui permirent de visiter avec le plus grand détail les collections d’arbres fruitiers, du jardin des plantes et du Luxembourg : de connaître l’organisation des cours publics de taille, donnés dans le premier de ces établissements, enfin de visiter aussi les cultures de Montreuil et d’entretenir M. Lepere, l’habile cultivateur de pécher. De retour en Belgique, M. Royer rédigea un mémoire sur les mesures à prendre en faveur de l’arboriculture fruitière, et l’adressa à M. Rogier, qui venait de composer un nouveau ministère, et dont les sympathies en faveur de l’horticulture étaient bien connues.
Les conclusions de ce mémoire portaient sur deux points principaux.
1° L’érection d’écoles de jardiniers sur des bases capables de propager les meilleurs principes de culture et de taille dans le pays,
2° La nomination d’un comité d’hommes spéciaux, chargé de publier un ouvrage sur les fruits, élaboré aux divers points de vue suivants :
Réforme de la nomenclature synonymique, choix des variétés recommandées à propager dans les jardins, et dans les vergers ou la grande culture ;
Leurs origines et descriptions exactes ;
Les indications diverses de sol et de culture propres a chaque variété recommandée.
Les motifs à l’appui de ces conclusions peuvent se résumer ainsi, d’après le texte du mémoire.
« La taille et la conduite des arbres fruitiers sont livrées jusqu’ici à l’empirisme et à l’esprit routinier de praticiens sans aucune instruction. Cette branche importante de la production se trouve dans un état d’infériorité d’autant plus déplorable, que d’autres branches de l’horticulture, par contraste, et notamment la culture des plantes de luxe, brillent en Belgique du plus vif éclat.
« On peut affirmer que la taille des arbres fruitiers n’est comprise et pratiquée, suivant des principes raisonnés et scientifiques, que dans certaines localités telles que Montreuil pour le pécher, Thomerie pour la vigne, et les écoles du Luxembourg et du Jardin des plantes, à Paris, quant à l’ensemble des divers genres.
« Cependant, au point de vue de la production, la taille des arbres ne représente qu’une des deux faces de la question, le succès, en arboriculture, dépend peut-être plus encore du choix des espèces et variétés cultivées.
« À quoi servirait-il, en effet, d’offrir à la vue, un arbre parfaitement conduit, régulièrement taillé, si le fruit est mauvais, ou en le supposant d’une bonne qualité, s’il est placé dans des conditions de forme, d’exposition ou de terrain qui ne lui conviennent pas ?
« On dit vulgairement qu’un bon arbre ne tient pas plus de place qu’un mauvais, et cet axiome n’est pas moins frappant de vérité, si on l’applique au degré de fertilité, si variable dans chaque individualité fruitière.
« L’amélioration systématique des espèces fruitières par des semis pratiqués avec suite et intelligence, n’a commencé que vers la seconde moitié du XVIIIe siècle ; antérieurement, on s’en rapportait à l’aveugle hazard, du soin d’enrichir nos jardins et nos vergers de variétés nouvelles. Cette vérité est rendue évidente par la lecture des auteurs qui ont écrit sur la pomologie dans les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle. Lorsque dans leurs ouvrages on fait mention de l’origine d’un fruit, on l’indique comme ayant été trouvé dans les haies ou les forêts ; là sans doute la nature l’avait produit par des germes apportés accidentellement ; de là vient l’étymologie de la dénomination de Bezi ou sauvageon, si souvent employée dans les anciens catalogues ; une grande partie des fruits acquis et cultivés depuis deux à trois siècles, lesquels sans doute étaient trouvés bons à leur origine, ont été successivement abandonnés comme mauvais, car non seulement le goût s’est épuré, on est devenu plus exigeant, mais beaucoup de fruits anciens ont dégénéré. La théorie posée par Van Mons sur la dégénération des variétés, est maintenant bien connue, et appuyée sur des faits irréfutables.
« Actuellement encore, nous voyons cultiver partout des fruits ne valant guère mieux, et qui devraient être supprimés, si l’apathie et la routine n’y mettaient obstacle.
« Reste un petit nombre de variétés anciennes d’une bonté et d’un mérite incontestables. Malheureusement, dans le poirier surtout, les plus importantes ne peuvent convenir qu’a la culture de luxe, c’est-à-dire aux jardins, qui, entourés de murs, leur procurent l’abri de l’espalier, abri nécessaire à ces arbres par suite de la sensibilité des variétés et souvent à cause de leur origine plus méridionale que notre climat.
« Enfin, des pomologues zélés, en France, en Belgique, aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne ont consacré leur temps et leurs soins à la recherche et à la production de variétés régénérées, réunissant la qualité au volume, la vigueur des arbres à une fertilité convenable pour la grande culture ; le besoin s’en faisait vivement sentir, et nous pouvons affirmer que ce but est maintenant atteint en grande partie.
« La Belgique peut s’honorer d’avoir produit un grand nombre de ces hommes utiles, et notamment, le premier de tous, le professeur Van Mons. Ses semis, poursuivis sur une vaste échelle, basés sur des théories que nous n’avons pas à apprécier ici, ont enrichi la Pomone moderne de centaines de variétés plus ou moins précieuses. Parmi ses continuateurs, Bouvier, de Jodoigne, mort également, ajouta un beau contingent aux catalogues de son ami. Plusieurs autres pomologues continuent ce genre de conquêtes et ajoutent sans cesse de nouvelles richesses à celles que nous possédons. Il faut citer surtout MM. Esperin, de Malines ; Bivort, de Geest-St-Remi ; Grégoire, de Jodoigne ; Berkmans, de Heyst, etc…
« Mais pour faire un emploi judicieux de tant de richesses pomologiques, de bons jardiniers sont indispensables, et nous devons bien l’avouer, ils sont rares, nous n’avons guère sous ce nom, que des coupeurs d’arbres, étrangers à toute notion de physiologie végétale. Le plupart travaillent par routine. Les pratiques perfectionnées introduites par la science, leur sont inconnues. Ils ne sont que trop fréquemment cause par leur ineptie, de la perte ou de l’infertilité des arbres, ce qui décourage les propriétaires.
« Ce serait donc une mesure éminemment utile, que la création d’un bon enseignement dans cette branche de connaissances : il est nécessaire du reste, que les professeurs soient praticiens autant que théoriciens. On ne fera de bons élèves en ce genre, qu’en démontrant les principes, la serpette à la main.
« Si le gouvernement était convaincu de la nécessité de mettre cette partie de nos cultures dans la voie du progrès, il serait non moins nécessaire, selon nous, d’adopter en outre les mesures suivantes :
« Nommer une commission de Pomologie, composée de personnes connues dans leurs provinces par leurs travaux et leurs études en ce genre. Cette commission serait investie des attributions suivantes.
« 1° Proposer au gouvernement les moyens d’organiser un bon enseignement sur la matière ;
« 2° Examiner les divers procédés de culture et de taille des arbres, qui peuvent convenir à la Belgique pour être propagés par l’enseignement.
« 3° Rassembler et coordonner les matériaux et renseignements nécessaires, afin de rédiger une Pomologie Belge, comprenant les espèces et variétés fruitières avantageuses à notre climat, et l’emploi le plus convenable de chacune d’elles, soit dans la grande culture et les vergers, soit dans les jardins ;
« 4° Organiser des expositions centrales de fruits, dans des combinaisons propres à répandre le goût et les connaissances de ce genre dans le public.
« Il conviendrait de choisir les membres de la commission dans les diverses parties du pays ; de ne leur offrir aucun traitement, tant pour ne pas grever le budget, qu’afin de ne pas exposer le gouvernement aux sollicitations de tant d’hommes, auxquels toutes les places rétribuées conviennent, et qui se croient modestement aptes à les remplir toutes ; il ne sera pas difficile sans doute, de trouver des hommes capables, assez amis de leur Pays, pour lui consacrer un travail gratuit, en considération du bien qui doit en résulter.
« Cette question est d’autant plus digne de la sollicitude et des méditations du gouvernement, qu’elle fait partie d’un sujet plein d’actualité, l’affaire des subsistances.
« Depuis plusieurs années, la hausse continue des denrées alimentaires, en présence de la stagnation dans le prix des journées d’ouvriers, constitue pour notre pays une situation anormale et pleine de dangers, la crise alimentaire que la Belgique vient à peine de traverser, démontre suffisamment que nos produits territoriaux ne sont plus en rapport avec la population ; nous avons dû chercher au dehors des ressources que notre sol nous refusait, et l’on a compris, peut-être un peu tard, la nécessité de proclamer la liberté du commerce des grains et du bétail étranger.
« Mais, si nous devons chercher à l’extérieur un supplément de ressources alimentaires, il serait bien mieux encore de les trouver chez nous, en améliorant toutes les branches de la production. Sur ce point, rien n’est indifférent, les produits des vergers et des jardins sont presque aussi importants dans l’économie domestique et l’alimentation des familles, que les produits des campagnes… »
Ces considérations, et d’autres de même nature, accueillies favorablement par M. le Ministre, furent prises en considération, et l’année suivante, au mois de juillet 1848, M. Royer reçut du département de l’intérieur, l’invitation de présenter ses propositions au congrès agricole convoqué pour les fêtes de septembre.
En effet, le mémoire, présenté au congrès, fut au nombre des diverses propositions renvoyées à l’examen de la quatrième section de cette assemblée. Une autre proposition, tendante aussi à la création d’un comité de Pomologie, avait été formulée par MM. Laurent de Bavay et Hennau, professeur d’économie politique à l’université de Liége.
Ces vues obtinrent un assentiment général dans la section. Cependant, une question de priorité fut soulevée entre les diverses propositions déposées sur le bureau. Après une longue discussion, environ 90 voix sur 120 votants assurèrent la priorité à la proposition déposée par MM. Royer, de Bavay et Hennau, et M. Van Parys fut chargé de motiver des conclusions dans ce sens, en assemblée générale du congrès.
Parmi les arguments présentés par le rapporteur et quelques orateurs qui prirent la parole en faveur du projet, nous reproduisons les considérations suivantes :
« Parmi les nombreuses questions sur lesquelles l’attention de votre 4me section est appelée, il en est une dont l’utilité et l’urgence ont été constatées et admises par tout le monde… Cette question, Messieurs, est relative à une branche de l’horticulture, la Pomologie.
« La proposition que la section m’a chargé de vous développer, est conçue comme suit :
« La 4me section exprime le vœu que le Congrès veuille appuyer près du Gouvernement sur l’utilité et la nécessité de l’institution d’un comité central de Pomologie.
« Messieurs, l’utilité de cette partie de l’horticulture n’est pas contestable. Son importance sur la santé publique, les produits de cette source de prospérité sont tellement réels, qu’il ne faut pas de longs développements pour en faire sentir tous les besoins.
« La situation particulière de la Belgique, placée au centre de l’Europe, et la fertilité de son sol, est surtout propre à cette culture qui doit la rendre un jour, si je puis m’exprimer ainsi, le jardin de l’Europe, cette situation, dis-je, explique l’opportunité de la proposition.
« Jusqu’ici, tout le monde a pu s’en convaincre, la pomologie a fait peu de progrès dans nos cultures. Les bons fruits y sont encore très-peu répandus ; la culture des arbres y est peu soignée ; il suffit d’examiner les fruits exposés sur nos marchés, pour se convaincre de l’utilité d’un point central, d’une inspection toute particulière sur cette branche de nos produits agricoles. La formation d’un comité qui élaborerait des projets nouveaux, aurait encore le grand avantage de centraliser, de rendre uniformes les mesures qui pourraient être prises.
« Le premier moyen qui a été indiqué, est celui de la rédaction d’une Pomone belge, ouvrage qui contiendrait les noms des fruits connus, (toutefois d’une manière certaine), les qualités de ces fruits et les terrains qui leur seraient le plus avantageux. Aujourd’hui, il faut bien le reconnaître, la pomologie a fait si peu de progrès que souvent tout en ayant le désir et souvent la conviction d’avoir un fruit nouveau et excellent, on n’obtient qu’un fruit généralement connu sous des noms différents et qui se trouve déjà dans le commerce des pépinières ; de telle sorte que, trompé dans son attente, on est découragé, et l’on renonce à une collection si difficile à acquérir… »
« Il s’agit d’envisager la production des fruits au point de vue de l’alimentation et des substances alimentaires ; si nous calculons la proportion dans laquelle les fruits entrent dans l’alimentation en Belgique, nous ne trouvons qu’une fraction très-minime. Dans d’autres pays, au contraire les fruits constituent une source puissante d’alimentation ; c’est ainsi qu’en Allemagne, dans certaines fermes bien constituées, on trouve des fruiteries ou magasins, contenant des quantités assez considérables de fruits pour suppléer à l’insuffisance d’autres denrées alimentaires… »
« Le premier orateur demande un comité de Pomologie ; le second recommande ce comité au point de vue de la subsistance. À mon tour, je viens dire que la Pomologie doit être un chapitre de l’instruction primaire, qui, en ce moment préoccupe tous les esprits. Quand l’instruction agricole primaire sera suffisamment organisée, on pourra y ajouter ce cours de pomologie, ainsi que plusieurs autres offrant de l’utilité. »
« Plusieurs membres de cette assemblée ont proposé l’institution d’un comité de pomologie par les soins du gouvernement ; il importe donc d’apporter à l’appui de cette proposition les raisons qui militent le plus en sa faveur ; c’est ce qui m’a engagé à prendre la parole, et à réclamer un instant votre attention.
« La branche de l’horticulture qui a pour objet la production des fruits, peut rapporter des sommes immenses, et fournir aux communes des ressources très-considérables, dont elles sont actuellement privées. C’est s ce point de vue que l’institution dont on parle, peut surtout devenir réellement utile.
« Notre sol est la terre classique des bons fruits ; dans beaucoup d’autres contrées du continent, on a essayé d’obtenir des fruits par semis, ceux de notre pays les ont toujours surpassés.
« Il est vrai de dire que chez nous, les bons fruits sont moins répandus, mais cela tient à la cherté des arbres de bonne qualité (l’orateur aurait pu ajouter, à la routine et à l’ignorance). La formation d’un comité de Pomologie, composé d’hommes compétents, impartiaux et dégagés de tout intérêt particulier, pourrait donc amener ce résultat immense d’augmenter la production, non seulement des fruits, mais encore des arbres qui les produisent ; c’est une culture à laquelle les deux tiers de notre sol se prêtent admirablement…
« Il importerait surtout, pour obtenir ces résultats, de développer l’instruction des jardiniers, car c’est évidemment à leur peu de connaissances qu’est dû, en partie du moins, l’état de choses qu’on nous a signalé.
« C’est un des points les plus importants qui devront faire l’objet des méditations du comité de Pomologie. »
«Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close. »
La proposition de la 4me section est adoptée à une grande majorité par assis et levés.
Tel fut le premier vote du congrès agricole de 1848, vote qui depuis s’est traduit en fait.
Peu de temps après, les gouverneurs des provinces furent invités, par le département de l’intérieur, à désigner les personnes qui par des études et des travaux connus pourraient être choisies pour faire partie de la commission projetée.
À cette époque, peu de personnes, en Belgique, s’étaient occupées de Pomologie avec une certaine notoriété. Il fut très-difficile de répondre aux demandes du gouvernement et dans quelques provinces, cela fut même impossible. D’un autre côté, M. Alexandre Bivort, acquéreur des collections de Van Mons et continuateur des travaux de l’illustre professeur, publiait alors un ouvrage intitulé Album de Pomologie, destiné à faire connaître les meilleurs fruits cultivés, à donner leurs descriptions et leurs synonymies. Il était donc important de s’assurer le concours de M. Bivort dont l’ouvrage, parvenu en 1851 à son 4me volume, jouissait d’une estime et d’une faveur méritées.
M. Bivort comprit cependant que les appréciations d’un seul Pomologue, si éminent qu’il fût, ne pourraient obtenir, auprès du public, la même autorité et jouir d’une aussi grande confiance que les jugements d’une commission d’hommes spéciaux, choisis dans les diverses parties du royaume, et se rattachant, par ses membres correspondants, aux pays étrangers. Avec un désintéressement des plus honorables, M. Bivort prit le parti d’abandonner sa publication pour se rallier à la combinaison officielle ; dès lors, les obstacles étaient levés, et l’arrêté royal dont la teneur suit, parut au Moniteur.
Considérant qu’il serait utile de publier, au point de vue de l’agriculture belge, un ouvrage complet sur les fruits.
Sur la proposition de notre Ministre de l’Intérieur,
Art. 1er. Notre Ministre de l’Intérieur est autorisé à prendre les mesures nécessaires pour la publication d’un ouvrage complet sur les fruits.
Art. 2. Les dépenses à résulter de cette disposition seront imputées sur les crédits alloués chaque année au budget du département de l’intérieur en faveur de l’agriculture.
Art. 3. Notre Ministre de l’Intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Donné à Wiesbaden, le 16 juin 1852.
La mesure fut mise à exécution et régularisée par les arrêtés ministériels suivants.
Considérant qu’il serait utile de publier sur les fruits un ouvrage spécial, destiné : 1° à décrire les variétés anciennes qui, ayant conservé leurs qualités, méritent encore d’être cultivées, ainsi que les variétés nouvelles qui, dans ces derniers temps, ont été introduites en grand nombre dans le commerce ; 2° à classer les fruits, tant anciens que nouveaux, en remédiant à la confusion de la synonymie et en représentant les meilleurs types par des dessins faits d’après nature ;
Considérant qu’un ouvrage pareil ne peut être achevé avec succès et acquérir l’autorité nécessaire que pour autant qu’il soit entrepris par une réunion d’hommes compétents désignés par le gouvernement et ayant des relations suivies dans le pays et à l’étranger ;
Vu l’arrêté du 16 juin 1852 ;
Art. 1er. Une commission dont les membres sont nommés par le ministre de l’intérieur est chargée de réunir et de coordonner tous les matériaux nécessaires à la publication d’un ouvrage complet sur les fruits.
Art. 2. La commission a son siégé à Vilvorde, près de l’école d’horticulture.
Art. 3. Les fonctions des membres de la commission sont gratuites.
Art. 4. Le bureau de la commission est composé d’un président, d’un secrétaire-rédacteur et d’un secrétaire-archiviste, nommés par le ministre de l’intérieur.
Art. 5. Un comité de rédaction, chargé spécialement d’élaborer les matériaux mentionnés à l’art. 1er, et d’en surveiller la publication, est désigné par le ministre de l’intérieur.
Art. 6. La commission peut se mettre en relation directe avec les corps savants ou les hommes compétents qui, en Belgique ou à l’étranger, s’occupent d’arboriculture.
Des membres correspondants agricoles ou étrangers peuvent être nommés par elle sous l’approbation du ministre de l’intérieur.
Art. 7. Les séances de la commission ont lieu sur la convocation écrite du président.
Il est tenu un procès-verbal pour chaque séance ; il est lu au commencement de la séance suivante et, après son adoption, transcrit sur un registre et signé par le président et le secrétaire.
Il en est transmis copie au ministre de l’intérieur.
Art. 8. La commission ne peut délibérer si la moitié au moins de ses membres n’est réunie ; leurs noms sont inscrits au procès-verbal.
Une liste de présence, destinée à recevoir la signature des membres, est déposée sur le bureau et arrêtée par le secrétaire.
Art. 9. Le président ouvre et clot les séances, communique la correspondance, accorde la parole, pose les questions et prononce les décisions.
Il est spécialement chargé de veiller à l’exécution du règlement.
Art. 10. Le secrétaire-archiviste est chargé de la rédaction du procès-verbal des séances, de la lecture des pièces, de la conservation des archives, de la correspondance courante et généralement de tout le travail qui est du ressort du bureau.
La correspondance est signée par le président et le secrétaire.
Art. 11. Chaque membre a le droit de faire des propositions. Il les remet signées au président ; mention en est faite au procès-verbal.
La discussion en est remise a la séance suivante, si deux membres le demandent.
La question préalable ou l’ordre du jour peuvent toujours être réclamés.
Art. 12. Le comité de rédaction règle l’ordre de ses travaux.
Aucun document ne peut être publié par le comité de rédaction avant d’avoir été approuvé par la commission.
La publication de l’ouvrage en vue duquel la commission est instituée, ne pourra commencer avant que six livraisons au moins soient préparées, et que les matériaux nécessaires aux six livraisons suivantes soient réunis.
Art. 13. Toutes les décisions, tant de la commission que du comité de publication, seront prises à la majorité absolue des votes des membres présents.
En cas de partage, la voix du président est prépondérante.
Art. 14. La commission, avant de commencer ses travaux, arrêtera un cahier des charges contenant toutes les clauses et conditions sous lesquelles aura lieu la publication de l’ouvrage en vue duquel elle est instituée.
Le cahier des charges qui sera approuvé par le ministre de l’intérieur, déterminera entre autres objets :
a) Le format, le caractère, le papier, les planches et les autres conditions matérielles de la publication ;
b) Le nombre des livraisons de l’ouvrage, le nombre de pages du texte et celui des planches, ainsi que le prix de chaque livraison ;
c) Le concours pécuniaire du gouvernement ;
d) L’intervention tant du gouvernement que du comité de rédaction et de la commission dans la publication ;
e) Les obligations et les droits de l’éditeur.
Bruxelles, le 20 juin 1852.
Vu l’arrêté royal du 16 et l’arrêté ministériel du 20 juin, relatifs à la publication d’une Pomologie ;
Art. 1er. Sont nommés membres de la commission de Pomologie, MM. d’Avoine, docteur en médecine à Malines ; de Bavay, directeur de l’école d’horticulture à Vilvorde ; Bivort, propriétaire des semis de Van Mons, à Fleurus ; Delnest, Jacques, naturaliste, à Mons ; Gailly, directeur des jardins du Roi à Laeken ; Hennau, professeur à l’université de Liége ; Reinaerts-Bernaerts, président de la Société d’horticulture à Courtray ; Royer, conseiller provincial à Namur ; Scheidweiler, professeur à l’école d’horticulture de Gendbrugge-lez-Gand.
Art. 2. Sont nommés membres du comité de rédaction, mentionné à l’article 5 de l’arrêté du 20 juin, MM. de Bavay, Bivort, Hennau et Royer.
Art. 3. M. Royer remplira les fonctions de président, tant de la commission que du comité de rédaction ; M. de Bavay est chargé des fonctions de secrétaire-rédacteur, et M. Parent de celles de secrétaire-archiviste, ce dernier sans voix délibérative.
Bruxelles, le 21 juin 1852.
M. Delnest n’ayant pas accepté, fut remplacé par M. Durieux de Franquen, de Bruxelles.
Plus tard, MM. d’Avoine et Laurent de Bavay étant décédés, ont été remplacés par MM. Grégoire, de Jodoigne, et Florent Schouman, des Écaussines.
M. Hennau, démissionnaire pour cause de santé, est remplacé par M. Defays-Dumonceau, de Liége.
Le premier soin de la Commission fut de se compléter par l’adjonction de membres étrangers, en position de la seconder dans la tâche qui lui était confiée.
Sur sa présentation, le gouvernement a nommé successivement en cette qualité, les personnes suivantes :
M. Funck, directeur des jardins du prince de Salm-Dyck, à Dyck, Prusse Rhénane.
M. Liegel, G., auteur de la Monographie du prunier, à Braunau-sur-lnn.
M. Oberdiek, auteur de divers ouvrages sur les fruits, à Nieubourg, Hanovre.
M. Rubens F., auteur d’une Pomologie, à Hessenbaus.
M. Rivers, F., pomologue, propriétaire des pépinières de Sawbridgeworth.
M. de Liron d’Airolles, Jules, auteur des Notices pomologiques, à Nantes.
M. Hardy, professeur de taille et directeur des jardins de Luxembourg, à Paris.
M. Lepère (Alexis), auteur du Traité spécial de la taille du pêcher, à Montreuil, près Paris.
M. Sahut, G., botaniste et pomologue, à Montpellier.
M. Maz, A., président de la Société d’horticulture pratique de l’Ain, à Bourg, en Bresse.
M. Millet, président de la Société d’horticulture d’Angers.
M. Millot, pomologue, à Nancy.
M. Rousselon, rédacteur principal de la Société impériale d’horticulture, à Paris.
M. Vibert, pomologue, à Angers.
M. Villermoz, C.-F., directeur des pépinières départementales du Rhône, à Écully, près de Lyon.
MM. Prevôt, de Rouen, Tougard et Léon Leclercq, sont décédés depuis leur nomination.
Afin de donner une sanction pratique à ses travaux théoriques, la Commission obtint de Sa Majesté le Roi son haut patronage en faveur de la Société Van Mons, qu’elle jugea indispensable de fonder (voir plus loin la notice sur cette Société) et le gouvernement lui assura également son appui. À la fin de 1860, la commission aura terminé et publié les sept premiers volumes de ses Annales de Pomologie belge et étrangère.
Cet ouvrage, dont chaque volume contient quarante huit tableaux de fruits peints d’après nature, est du format petit in-folio pour l’édition de luxe, in-quarto pour l’autre tirage. Quatre à cinq cents variétés fruitières ont déjà été décrites, et cependant la Commission s’est imposé l’obligation de se renfermer dans un choix sévère et épuré. Lors des premières prévisions, il avait été jugé que six volume suffiraient à un ouvrage complet sur les fruits, mais les communications et les envois des membres étrangers ont été si nombreux, si important, notamment des États-Unis, de l’Allemagne, de la France et de l’Angleterre, que le gouvernement, sur la proposition de la Commission, a jugé nécessaire d’augmenter les Annales de deux volumes, sans préjudice de suppléments qui seraient nécessités par des circonstances ultérieures.
Les autres travaux de la Commission royale de Pomologie consistent dans de nombreux rapports adressés au gouvernement sur des objets se rattachant à son institution. Une étude générale des fruits de vergers cultivés en Belgique, étude entreprise en 1853 au moyen de collections envoyées de toutes les provinces par les soins du ministre de l’intérieur.
Lorsque les huit volumes des Annales de Pomologie seront complets, à côté de cette publication de luxe, la Commission jugera, sans doute, utile d’en extraire une Pomologie populaire à bon marché, dans l’intérêt des campagnes et de la grande culture.
Pour terminer, nous ferons remarquer que les résultats produits par les institutions créées depuis le congrès agricole de 1848 dans l’intérêt de l’horticulture, sont incontestables et commencent à se produire au grand jour. Sur les marchés des villes les bons fruits arrivent chaque année en plus grande abondance. Si l’on explore attentivement nos expositions, on y trouve des collections plus nombreuses, mieux choisies et plus exactement étiquetées. Si l’on parcourt les catalogues des pépinièristes, et surtout, si on les compare à ceux d’autrefois, on doit y reconnaître aussi un choix plus sévère, l’expulsion graduelle et progressive des variétés médiocres ou sans valeur, enfin, des indications synonymiques plus exactes. Il reste beaucoup à faire sans doute, mais la Belgique est en bonne voie dans la culture des fruits, qui doit lui assurer un immense accroissement de ressources alimentaires et commerciales. Ces résultats peuvent être entrevus dès aujourd’hui, car, depuis plusieurs années, les pépiniéristes s’accordent à signaler la demande toujours croissante d’arbres fruitiers ; il arrive même souvent que ce commerce, en Belgique, ne peut suffire aux demandes, et doit recourir à l’étranger. Cet élan vers les plantations ne se ralentira plus sans doute, et des classes aisées, il se communiquera aux petits cultivateurs des campagnes, encore fort en arrière sous ce rapport.