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Notice tératologique sur un œuf de poule

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NOTICE TÉRATOLOGIQUE
SUR
UN ŒUF DE POULE
POURVU DE SA COQUILLE
ET CONTENU DANS UN AUTRE ŒUF ÉGALEMENT POURVU DE SON ENVELOPPE CALCAIRE


Par D. A. GODRON.




Il n’est pas extrêmement rare de rencontrer des œufs de poule qui contiennent deux vitellus et certaines poules même en produisent presque habituellement. On s’explique facilement cette anomalie, lorsque deux ovules s’échappent à peu près simultanément des capsules de l’ovaire : en arrivant dans l’oviducte, les deux vitellus sont enveloppés par l’albumen et une seule membrane, doublée extérieurement de son enveloppe calcaire, protége le tout.

Mais il est infiniment plus exceptionnel de rencontrer un œuf normal, pourvu de sa coquille, contenu dans un autre œuf également recouvert d’un dépôt calcaire. Les annales de la science n’en ont inventorié jusqu’ici que trois ou quatre exemples, dont l’un est déposé au musée de Copenhague[1] ; un second existe dans la collection de M. le baron de Morogues[2] et un troisième au musée zoologique de La Rochelle[3].

Il y a quelques années, mon collègue, M. Nicklès, m’apporta un petit œuf, dont le grand axe mesurait 16 millimètres et le petit 10 seulement. Cet œuf liliputien, parfaitement encroûté de calcaire, s’était échappé d’un œuf de grosseur ordinaire au moment où on cassait ce dernier pour l’employer à un usage culinaire.

La Faculté des Sciences possède, dans ses collections, une pièce bien plus remarquable en ce qu’elle porte avec elle la preuve irrécusable de l’existence d’un œuf complet, de grosseur presque ordinaire, inclus dans un œuf plus grand[4]. L’œuf extérieur a la forme d’un ellipsoïde allongé ; son grand diamètre est de 0m,089 et son épaisseur est de 0m,055. Sa coquille parfaitement organisée est très-mince à ses deux extrémités et la pression des doigts a suffi pour la rompre sur ses deux points ; là se voient deux brèches irrégulièrement circulaires dont l’une mesure 0m,021 et l’autre 0m,005, par lesquelles l’œuf enveloppant s’est vidé. Ces deux fenêtres accidentelles permettent de voir dans l’intérieur un second œuf à coquille bien formée et présentant à peu près la grosseur ordinaire des œufs de la poule[5]. Ses dimensions ne permettent pas de supposer que l’œuf inclus ait pu être introduit dans l’intérieur de l’œuf enveloppant par l’une ou par l’autre des deux ouvertures dont celui-ci est percé, mais du reste sans aucune autre fracture.

Cet œuf monstrueux a été pondu par une poule du pays, à Vandœuvre, près de Nancy, dans le poulailler du garde champêtre. Il a été porté immédiatement à mon parent, M. Buquet, ancien maire de cette commune et ornithologiste distingué, qui a engagé le propriétaire de cette pièce intéressante à la déposer dans les collections de notre Faculté, où les savants pourront vérifier l’exactitude des faits.




Fig. 2.

Fig. 1.

Fig. 3.
  1. Voy. l’Institut du 5 février 1862, p. 42.
  2. Revue et magazin de zoologie, t. 5 (1853), p. 287. (Notre figure 1 indique la coupe longitudinale des deux œufs.)
  3. Revue et magazin de zoologie, t. 5 (1853), p. 288.
  4. Ces mêmes collections renferment encore : 1o Un œuf de grosseur ordinaire, pondu par une poule cochinchinoise, et déprimé sur deux faces opposées dans le sens de son petit diamètre, de telle sorte que sa coupe transversale représente une ellipse ; 2o Un petit œuf aussi de poule remarquable par une constriction circulaire transversale, qui lui donne presque la forme d’un bissac (figure no 2) ; 3o Un œuf de la même espèce animale fortement atténué dans une de ses moitiés (figure no 3).
  5. Le grand axe = 0m,058 et le petit axe = 0,037.