Nous tous/Anniversaire
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LXXIX
ANNIVERSAIRE
Ô mon Maître ! un nouveau printemps,
Avec ses souffles palpitants
Baise ta chevelure, insigne
Comme le cygne.
Tes deux enfants sont dans tes bras ;
Et tout ce que tu célébras
Vient acclamer ta force élue
Et te salue.
Au loin, sous la rumeur du flot,
La mer te dit, dans un sanglot :
J’ai moins de colère et de rages
Que tes orages.
Le bois touffu te dit : J’ai moins
D’oiseaux, les cieux m’en sont témoins,
Que n’en accueille dans son ombre
Ta strophe sombre.
Le ciel, en son tragique effroi,
Dit : Ton esprit est, comme moi,
Plein de gouffres et de désastres,
Mais criblé d’astres.
Le glaive, au chaste éclair d’acier,
Te dit : Poète et justicier,
Je suis effrayant, moi le glaive,
Moins que ton rêve.
Et la lyre, pleine de voix,
Que seul tu touches et tu vois,
Murmure : Je suis ta servante
Et je m’en vante.
Et les humbles et les petits,
Déchirés par leurs appétits,
Les groupes cent fois adorables
Des misérables ;
Les femmes, si souvent en pleurs,
Que tout blesse, comme des fleurs ;
Et les cohortes vagabondes,
Les têtes blondes ;
Les enfants, dont tu sais les noms,
Te disent : Maître, nous venons
Louer la douceur infinie
De ton génie. —
Ô grand songeur plein de pitié,
Par qui le crime est châtié,
Terrasse la haine méchante :
Vis ! Aime ! Chante !
Marche, auguste, dans ton chemin,
Et contre tout glaive inhumain
Lève ta main pensive et calme
Qui tient la palme !