Nouveau Larousse illustré/1898/Préface

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Librairie Larousse (I : A-Belp. I-II).

PRÉFACE



’ouvrage que nous publions aujourd’hui n’est pas un abrégé du Grand Dictionnaire Larousse. Il se rattache à son devancier par l’idée essentiellement encyclopédique qui a présidé à son élaboration, et, sous ce rapport, un lien unit étroitement l’une à l’autre les deux publications ; mais le Nouveau Larousse illustré a son originalité propre, ses caractères particuliers, ses avantages spéciaux, qu’il importe de mettre en relief.

Il existe tant en France qu’à l’étranger des répertoires encyclopédiques. Ces recueils, dont quelques-uns jouissent d’une renommée légitime, conviennent à l’homme de cabinet, au savant. Peut-on dire qu’ils conviennent de même au grand public, c’est-à-dire à cette catégorie si nombreuse de personnes qui, disposant d’un temps limité, en dehors de leurs occupations professionnelles, doivent avoir sous la main un dictionnaire concis, pratique, de consultation facile ? La réponse n’est pas douteuse. À ce public, auquel nous avons songé en concevant le plan du Nouveau Larousse, il ne faut pas de ces recueils considérables qui, sur chaque question, sur chaque événement, donnent une véritable monographie de la matière, et obligent le lecteur, pour rechercher une date, pour connaître un fait, à lire des pages et des pages. À ce public, il y a lieu de présenter une encyclopédie de dimensions moyennes, aussi complète que possible, et qui puisse constituer le livre de fonds de toutes les bibliothèques, de toutes les familles.

Il n’est pas de tâche plus délicate que celle qui consiste à faire connaître les résultats de la haute culture scientifique. Désireux de conduire à bien une œuvre de vulgarisation sincère, nous avons pris soin de grouper autour de nous des hommes capables de nous seconder avec efficacité. Que le lecteur consulte, à la fin de chaque volume, les noms de ceux qui ont pris part à la rédaction ou à l’illustration : il constatera que tout collaborateur, même le plus modeste, a qualité pour tenir la plume et ne parle que de ce qu’il sait. L’histoire est traitée par des historiens, la géographie par des géographes, la médecine par des médecins, etc. C’est une vérité banale, mais qu’il est à propos de rappeler ici, que l’on ne peut résumer en quelques lignes les éléments d’une question si on ne connaît bien cette question tout entière ; car, ainsi qu’on l’a dit très justement, un jour de synthèse est l’aboutissement de plusieurs années d’analyse patiente. De là, le soin que nous avons eu de faire appel soit à des savants, soit à leurs disciples, afin que le lecteur fut toujours certain d’avoir sous les yeux des articles sûrs. Nous ne prétendons pas à l’infaillibilité : plus qu’aucune autre, une œuvre encyclopédique, par la masse même des matériaux qu’elle met en œuvre, est incidemment sujette à l’erreur ; mais nous avons fait tous nos efforts pour amasser ici la plus grande somme possible de vérité.

Une autre difficulté consistait dans l’établissement du vocabulaire. Après mûre réflexion, nous avons décidé de n’omettre aucun mot consacré, de ne passer sous silence aucun vocable littéraire, aucun terme familier, aucune expression enfin ayant acquis chez nous droit de cité. Mais nous n’avons pas hésité à jeter par-dessus bord quelques mots complètement tombés en désuétude, les infiniment petits, les biographies de certains personnages obscurs des siècles passés qui encombreraient inutilement les colonnes de notre
Dictionnaire. L’élimination judicieuse de ces détails oiseux nous a permis de donner tout le développement nécessaire aux sujets d’ordre général.

Quant à l’esprit dont s’inspire le Nouveau Larousse, c’est l’esprit purement scientifique : nous entendons par là que nous considérons cette encyclopédie non comme une machine de guerre, non comme une œuvre de polémique, mais comme un exposé de faits et d’idées. Résolu à l’impartialité, nous avons donc choisi nos collaborateurs sans distinction d’opinion, de parti, de confession, n’ayant en vue que leur compétence, et il nous a semblé que de ce groupement d’hommes réciproquement respectueux de leurs idées, associés à une tâche de bonne foi, il ne pouvait sortir qu’une œuvre harmonieuse en toutes ses parties et salutaire pour le lecteur.

La partie matérielle du Nouveau Larousse n’a pas été, moins que sa rédaction, l’objet d’une sollicitude sévère. Les caractères employés sont un peu fins — car il fallait faire tenir en quelques volumes une somme énorme de matériaux, — mais ils sont très lisibles. La lecture des notices est d’ailleurs sensiblement facilitée par l’illustration. Grâce au perfectionnement des procédés, la gravure a acquis une précision et une netteté qui lui assurent un large rôle partout où se fait sentir le besoin de documents exacts. Elle est donc toute désignée pour une encyclopédie nouvelle où l’image doit être constamment l’auxiliaire de l’idée ; elle parle aux yeux et épargne au lecteur la fatigue de descriptions trop touffues, d’explications trop longues.

Toutes nos gravures ont leur utilité et leur raison d’être. Dessinées spécialement d’après nature ou d’après les documents les plus dignes de foi, elles égalent en variété le texte qu’elles illustrent : reproductions de monuments et d’œuvres d’art, portraits de personnages célèbres, sites géographiques, types et costumes, animaux et plantes, minéraux et fossiles, monnaies et médailles, schémas et reproductions de machines, d’appareils, figures de géométrie, etc. De plus, des tableaux synthétiques facilitent dans l’esprit la formation des vues d’ensemble et des idées générales. Nous avons mis aussi à profit les progrès immenses réalisés par la cartographie : des cartes physiques, politiques, économiques, forment un ensemble de documents géographiques aussi précieux qu’abondants. Elles occupent chacune la place assignée par l’ordre alphabétique, à portée du texte correspondant ; seule disposition qui permette de s’y reporter commodément et de les consulter avec fruit.

Ainsi, le Nouveau Larousse illustré se présente avec le double caractère d’un dictionnaire encyclopédique et d’un musée iconographique. Le lecteur connaît notre plan ; il sait ce que nous avons voulu faire : une œuvre écrite à l’usage de tout le monde par des auteurs capables de vulgariser avec compétence et originalité. Il lui appartient de dire si l’exécution est à la hauteur de la conception et si le Nouveau Larousse est bien l’œuvre sincère, utile et accessible à tous que nous avons résolu de mettre au jour.

CLAUDE AUGÉ.