Nouvelle Biographie générale/Nicot (Jean)

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NICOT (Jean), sieur de Villemain, diplomate et érudit français, né à Nîmes, en 1530, mort à Paris, le 5 mai 1600. il était fils d’un notaire de Nîmes, qui ne lui laissa guère en mourant qu’une bonne éducation. Nicot se sentit à l’étroit dans sa ville natale ; il vint à Paris, y perfectionna ses études et ses façons, fit connaissance avec quelques seigneurs lettrés, ou du moins qui affichaient de l’être, et, aidé par son naturel insinuant, obtint d’être présenté à la cour. Il sut si bien y plaire que Henri II lui accorda une partie de sa confiance et l’admit dans son conseil. François II conserva à Nicot la faveur dont il avait joui près du roi Henri ; il le chargea même d’une ambassade auprès de Sébastien, roi de Portugal (1560). Il réussit dans sa mission ; mais ce qui lui assura l’immortalité ce ne furent ni ses talents diplomatiques, ni son esprit remarquable, ni ses connaissances sérieuses, ce fut d’avoir introduit en France la plante dont l’emploi est universellement connu sous le nom de tabac.

L’étymologie du mot tabac ou tabaco dérive, selon toute probabilité, du nom de Tabaco (1),[1]

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l’une des Antilles, dans laquelle pour la première fois les Espagnols en apprirent l’usage ; mais les indigènes nommaient généralement cette plante petun (1)[2]. Quoi qu’il en soit, le tabac, dont Christophe Colomb et Las Casas avaient eu connaissance, fut introduit en Europe au commencement du seizième siècle. En 1518, Cortès envoya des graines de cette plante à Charles-Quint ; mais il ne paraît pas que l’on ait donné alors à sa culture ou à son emploi la moindre attention ; car un négociant flamand qui revenait d’Amérique, rencontrant Nicot à Bordeaux, crut lui faire un présent de quelque valeur en lui donnant des graines de pétun. Nicot en envoya quelques-unes à Catherine de Médicis et lui offrit la plante elle-même et ses produits lors de son retour. Il en offrit aussi au grand prieur, d’où vint qu’elle fut nommée herbe du grand prieur, et herbe à la reine ou Médicée. Le cardinal de Sainte-Croix, nonce en Portugal, et Nicolas Ternabon, légat en France, ayant les premiers introduit cette plante en Italie, donnèrent aussi leur nom au tabac qui fut appelé herbe sainte ou sacrée (2)[3]. La culture sérieuse en France n’en commença qu’en 1626. Nicot ne se doutait guère qu’un jour (1861) elle rapporterait à son pays cent cinquante millions de contributions indirectes ! Les botanistes ont donné, à la plante importée par Nicot le nom de nicotiana.

On a de Nicot deux ouvrages : Aimonii monachi, qui antea Ammonii nomine circumferebatur, historiæ Francorum, lib. IV, etc. ; Paris, 1566, in-8o ; — Trésor de la langue française, tant ancienne que moderne ; auquel entre autres choses, sont les mots propres de marine, vénerie et fauconnerie, etc., ramassés par Aimar Ranconnet , suivi, d’une grammaire françoise et latine de J. Masset, et du Recueil des vieux proverbes de la France, ensemble le Nomenclator de Junius, mis par ordre alphabétique, et creu d’une Table particulière de toutes les dictions ; Paris, 1606, in-fol. ; Rouen, 1618, in-4o. L — z — r.

Ménard, Hist. de Nîmes, t. V, p. 306. — Goujet, Mém. mss. — Raynal, Hist. philosophique des deux Indes. — F. Hoefer, Dict. de botanique pratique.

  1. (1) Cette étymologie est contestée. Lorsque Christophe Colomb aborda pour la première rois à Cuba, en octobre 1492, il chargea deux hommes de son équipage d’explorer le pays. « Ces envoyés trouvèrent en chemin , dit le célèbre navigateur dans son journal, un grand nombre d’Indiens, hommes et femmes, qui tenaient en main un petit tison allumé, composé d’herbes dont ils aspiraient le parfum , selon leur coutume. » L’évèque de Chiapa, Barthélémy de Las Casas, contemporain de Colomb, dit, dans son Histoire générale des Indes « que le tison signalé par Colomb est une espèce de mousqueton (pipe probablement) bourré d’une feuille sèche que les Indiens allument pur un bout, tandis qu’ils sucent ou hument par l’autre extrémité. Ces mousquetons sont appelés tabacos par les Indiens ». C’est encore ce nom que les habitants de la Havane donnent aux cigares. Le met de tabac serait donc plus ancien chez les indigènes que chez hs Européens et antérieur à la découverte de l’île de Tabago.
  2. (1) D’où le nom de petunia, donné par Jussieu à un genre de solanées originaires du Brésil et ayant beaucoup d’affinité avee les Nicotiana (Laurent de Jussieu, Genera Plantarum).
  3. (2) Voy. M. le Dr F. Hoefer, Dictionnaire de botanique, p. 473.