Nouvelle Biographie générale/Abano (pierre d’)

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Firmin-Didot (1p. 29-30-31-32).

ABANO (Pierre d’), en latin Petrus de Apono, médecin et alchimiste italien, né à Abano, près de Padoue, en 1246, mort vers 1320 (d’après Facciolati, Fasti gymnasii Patavini, p. 15). On le nomme aussi Petrus de Padua. Sa vie, comme celle de tous les astrologues et alchimistes, est un mélange de contes et de réalités. Il étudia, dit-on, le grec à Constantinople, les mathématiques à Padoue, et fut reçu à Paris docteur en médecine et en philosophie. Il revint ensuite à Padoue, où il professa avec éclat la médecine, d’après la doctrine des Arabes, dont il fut un admirateur enthousiaste. Il s’acquit une grande réputation de praticien, et en abusa : on raconte qu’il refusait de voir des malades hors de la ville à moins de cinquante écus par visite ; et qu’il ne se rendit auprès du pape Honorius IV, qui l’avait fait appeler, qu’après qu’on lui eût promis quatre cents ducats par jour. Ses ennemis, jaloux de sa renommée et de ses richesses, le dénoncèrent à l’inquisition comme magicien. Ils l’accusèrent de posséder la pierre philosophale, de faire revenir dans sa bourse, avec l’aide du diable, l’argent qu’il dépensait. Sa pierre philosophale, c’était de savoir se faire payer de ses clients ; le diable, c’était son économie. Ils l’accusaient aussi d’avoir appris les sept arts libéraux, par le moyen de sept lutins qui tenaient leur académie dans une fiole. Les inquisiteurs instruisirent son procès. D’Abano eût été condamné au supplice du feu, si la mort naturelle ne l’eût frappé dans cet intervalle. Le tribunal n’en prononça pas moins l’arrêt de condamnation : il ordonna que le corps fût exhumé, et livré au bûcher. Un ami enleva le cadavre secrètement, et le cacha dans une église. Les inquisiteurs s’en prirent au portrait d’Abano, et le firent brûler en place publique par le bourreau. En 1560, Pierre de Lignamine fit une épitaphe latine très-simple en mémoire d’Abano, à l’entrée de l’église de Saint-Augustin. Frédéric, duc d’Urbin, plaça parmi les statues des hommes illustres celle de ce médecin alchimiste. Le sénat de Padoue la fit mettre sur la porte de son palais, parmi celles de Tite-Live, d’Albert, et de Junius Paulus. On a signalé comme une particularité d’Abano son aversion extrême pour le lait et le fromage : il n’en pouvait voir même, dit-on, sans tomber en syncope.

On a de lui plusieurs ouvrages sur la médecine, sur l’astrologie et sur l’alchimie. Le plus connu est son Conciliator differentiarum quas inter philosophas et medicos versantur ; Mantoue, 1472, et Venise, 1476, in-fol., ouvrage rare, quoique imprimé plusieurs fois (Florence, 1520 ; Venise, 1483, 1496, 1548, in-fol. ; Pavie, 1490 ; Bâle, 1535, in-fol.). L’auteur y cherche à concilier les opinions des philosophes avec celles des médecins, et cite souvent les médecins arabes, particulièrement Averroës. — Ses autres ouvrages sont : 1o De venenis, eorumque remediis, trad. en français par L. Boet ; Lyon, 1593, in-12. La bibliothèque de Bâle possède un beau manuscrit latin ( in-fol.) de ce traité des poisons. — 2o Geomantia ; Venise, 1505, et 1556, in-8o  ; — 3o Expositio problematum Aristotelis ; Mantoue, 1475, in-4o  ; — 4o Hippocratis de medicorum astrologia libellus, en gr. et lat. ; Venise, 1485, in-4o  ; — 5o Astrolabium planum in tabulis ascendens, continens qualibet hora atque minuta sequationes domorum cæli, etc. ; Venise, 1502, in-4o  ; — 6o Diocnides, digestus alphabetico ordine ; Lyon, 1512, in-4o  ; — 7o Heptameron ; Parisis, 1474, in-4o  ; — 8o Textus Mesues noviter emendatus, etc. ; Venise, 1505, in-8o  ; — 9o Decisiones physionomicæ, 1548, in-&° (la Bibliothèque nationale de Paris possède un ms. (no 2598) de cet ouvrage, sous le titre Liber compilationis a Petro de Padua) ; — 10o Questiones de febribus ; Padoue, 1482, ms. no 4872 de la Bibliothèque nationale ; — 11o Galeni tractatus varii a Petro Paduano latinitate donati, manuscrit de la bibliothèque de Saint-Marc à Venise ; — 12o Les éléments pour opérer dans les sciences magiques, manuscrit français de la bibliothèque de l’Arsenal à Paris.

Eloy, Dictionnaire historique de la médecine, article Apono. — L. Hain, Repertorium bibliographicum, art. Abano. — Mazzuchelli ; Raccolta d’opuscoli scientifici e filologici ; Venise, 1741. — Fabricius, Bibliotheca latina mediœ et infimæ latinitatis, t. V, p. 241. — Tiraboschi, Storia della letteratura italiana, t. V, p. 172. — Sprengel, dans Allgemeine Encyclopœdie. — F. Hoefer, Histoire de la Chimie, t. I.