Nouvelles Lettres d’un voyageur/3/5

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Calmann Lévy, éditeur (p. 329-332).


V

LOUIS MAILLARD

DISCOURS PRONONCÉ SUR SA TOMBE
LE 25 JANVIER 1865


Celui à qui nous disons adieu ici, avec l’espoir de le retrouver dans l’immortalité de tout ce qui est, fut dévoué corps et âme à cet éternel devenir de l’humanité. Il a servi la civilisation avec la famille saint-simonienne, ce grand et fécond agent du progrès au dix-neuvième siècle. Il a servi son pays comme individu, en portant dans une de nos colonies les plus françaises l’activité, l’intelligence, la conscience et le zèle qui font durables et bienfaisants les travaux de l’ingénieur. Il a servi la science en lui apportant le fruit de recherches et d’observations vraiment fécondes et heureuses, faites avec cette vraie lumière qui, chez les hommes épris de la nature, supplée aux études spéciales. Il a servi aussi les lettres par son dévouement aux idées généreuses et à quiconque autour de lui s’attachait à les répandre.

Mais tous ces travaux, tous ces efforts, tous ces dons d’une volonté aussi ardente que sérieuse, n’ont pas assouvi la sainte prodigalité de cette riche et tendre organisation. Nous le savons ici. Il a été le meilleur ami de tous ses amis. Rien ne lui coûtait pour les aider, pour les préserver, pour les consoler. Il était toujours là, lui, dans nos dangers ou dans nos désastres, sachant, ou conjurer le malheur, ou dire la parole simple et vraie qui sauve l’affligé en le rattachant à l’amour des autres. Il était le compagnon toujours prêt et toujours utile, le confident toujours délicat et sûr, le conseil sage, le secours prompt et soutenu. Il était, pour tous ceux qui ont eu le bonheur de vivre près de lui, un élément de leur être, une part de leur âme.

Reçois nos remercîments, toi qui ne voulais jamais être remercié, toi qui te regardais ingénument comme notre obligé quand tu nous avais fait du bien ! On peut dire de toi que tu as eu le génie de la bonté, comme d’autres en ont l’instinct. Où que tu sois, dans le monde du mieux incessant et du développement infini, reçois les bénédictions de l’impérissable amitié.