Nouvelles diverses/11 octobre 1896

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Heugel (no 41p. 6-8).

NOUVELLES DIVERSES


ÉTRANGER

Échos de Saint-Pétersbourg : Mercredi soir, à la représentation du théâtre Panaiew, le public, sous l’impression des nouvelles de Paris, a demandé la Marseillaise, qui a été exécutée trois fois aux acclamations frénétiques de la salle. L’Hymne national russe a été aussi exécuté trois fois. Il régnait dans la salle une grande émotion patriotique. — Le même soir, pendant un entr’acte de la représentation du beau drame de Victorien Sardou, Patrie ! joué en russe au théâtre du Cercle artistique et littéraire russe, l’orchestre a exécuté la Marseillaise. Le public entier s’est levé, applaudissant et bissant l’hymne français. L’Hymne national russe, réclamé, a été joué ensuite. L’enthousiasme était indescriptible.

— Le compositeur tchèque Smetana continue de faire florès après sa mort. Son opéra la Fiancée vendue vient d’être joué à l’Opéra impérial de Vienne avec un succès marqué. Le deuxième et le troisième acte ont surtout plu au public. On n’ignore pas que la princesse de Metternich fait de grands efforts pour que cet opéra soit présenté au public parisien sur la scène de M. Carvalho.

— Un fait qui est à peu près complètement ignoré, c’est qu’une adaptation française de la Fiancée vendue avait été projetée du vivant même de l’auteur, en vue de la représentation de l’ouvrage à Paris, où il ambitionnait d’être joué. À cet effet, Smetana, pour étoffer sa partition, y avait ajouté plusieurs morceaux ainsi qu’une scène de danse, et avait divisé la pièce en trois actes, au lieu de deux qu’elle comportait originairement. Or, c’est cette version « parisienne » de l’œuvre qui est jouée actuellement sur presque toutes les scènes allemandes, et si le compositeur n’a pas été assez heureux pour réaliser le rêve qu’il avait caressé d’être présenté au public parisien, sa famille a du moins la satisfaction de voir que le projet qui en avait été formé a été très utile au succès de la Fiancée vendue et à la gloire posthume de Smetana.

— Au petit théâtre du château de Schœnbrunn, près Vienne, que Marie-Thérèse fit construire pour amuser ses jeunes filles et sa cour, le célèbre ténor Van Dyck fera prochainement ses débuts comme jeune premier. On y jouera, à l’occasion du mariage du duc d’Orléans avec l’archiduchesse Marie-Dorothée, le proverbe d’Alfred de Musset : Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, et Mme de Hohenfels, de Burgthéâtre, l’interprétera en français avec M. Van Dyck. Malheureusement, le nombre des personnes qui assisteront à ce début intéressant sera fort restreint, car le théâtre de Schœnbrunn peut à peine contenir trois cents spectateurs. Il est fort gentiment décoré dans le style Louis xv, et on vient d’y introduire un nouveau système d’éclairage.

Mlle Lola Beth, qui avait quitté il y a seize mois l’Opéra impérial de Vienne, a signé avec ce théâtre un nouveau contrat pour cinq années, à partir d’octobre 1897, étant obligée de remplir plusieurs engagements à l’étranger avant de pouvoir se fixer de nouveau à Vienne.

M. Lévi, le célèbre chef d’orchestre wagnérien, actuellement directeur général de la musique à l’Opéra royal de Munich, a été forcé, par suite du mauvais état de sa santé, de donner sa démission. Le prince-régent de Bavière lui a conféré l’honorariat de sa charge. En même temps, le régent a nommé kappellmeisters de la Cour les chefs d’orchestre Erdmannsdoerfer et Richard Strauss. Ce dernier, on le sait, est encore jeune et compte déjà parmi les compositeurs allemands les plus remarquables.

— Le Grillon du foyer, l’opéra nouveau de M. Goldmark, vient d’être joué avec succès à l’Opéra royal de Budapest, en langue hongroise. Le compositeur, qui est de nationalité hongroise, assistait à cette première, mais ne la dirigeait pas. Le public a fait une ovation à son célèbre compatriote, et M. Goldmark a dû se montrer quatorze fois à la fin de la représentation.

— À l’exposition nationale de Buda-Pest se trouvait une vaste entreprise de spectacles variés qui avait pris le titre de Constantinople. Cette entreprise paraît n’avoir été rien moins que fortunée, car elle vient d’être déclarée en faillite. Or, son passif s’élève, paraît-il à la somme rondelette de 333.000 florins, soit quelque chose comme 750.000 francs environ.

— Un nouvel opéra-comique intitulé le Flocon de neige, paroles de M. Willner, musique de M. Henri Berté, vient d’être joué avec succès à l’Opéra allemand de Prague. On reproche cependant à cette œuvre de se rapprocher trop du genre de l’opérette. L’affiche était complétée par un nouveau ballet avec chant intitulé la Joueuse de luth, musique de M. Richard Heuberger, dont le succès a été assez modeste.

— Les Tchèques de Bohême et de Moravie se proposent la construction d’un théâtre tchèque à Brünn, capitale de la Moravie, qui ne possède jusqu’à présent qu’un très joli théâtre allemand, de construction récente. À cet effet, le directeur du théâtre national de Prague, M. Subert, a organisé, avec les artistes de ce théâtre, un concert à Prague, dont le succès matériel et artistique a été fort important. Le programme ne contenait que des œuvres de compositeurs tchèques.

— On vient de frapper à Prague une médaille commémorative en l’honneur du compositeur tchèque Smetana et de son opéra le plus populaire, la Fiancée vendue. L’avers de cette médaille présente le portrait de Smetana avec le théâtre national de Prague dans le fond et, cet exergue : l’Art est victorieux ; le revers fait voir les deux amants fiancés dans leur costume national. Les Tchèques achètent beaucoup cette médaille.

— Le théâtre grand-ducal de Weimar vient d’adopter une réforme de l’orchestre préconisé par Richard Wagner. Le niveau de l’orchestre a été abaissé d’un mètre pour les instruments à vent et de cinquante centimètres pour les instruments à cordes. Mais la première représentation qui devait inaugurer cette réforme a joué de malheur. On avait d’abord annoncé le Vaisseau fantôme, ensuite on a changé l’affiche au dernier moment en annonçant Carmen, et le théâtre était bondé. Mais plusieurs artistes qui devaient joué Carmen au pied levé sont restés introuvables et ont dut rendre l’argent.

— On vient de trouver un document important concernant J.-S. Bach. À Dornheim, petit village de Thuringe, on a découvert dans les registres de l’église protestante l’inscription suivante : « le 18 octobre 1707, le très honorable sieur Johann Sébastien Bach, célèbre organiste de Saint-Blaise à Mulhouse, fils légitime survivant à son père, feu le très honorable sieur Ambroise Bach, célèbre organiste de la ville et musicien à Eisenach, et la vertueuse, demoiselle Barbe Bach, dernière fille légitime survivante à son père, feu le très honorable sieur Johann Michel Bach, célèbre organiste dans le bailliage de Jehren, ont été mariés ici, dans notre temple de Dieu, avec la permission de notre bienveillant seigneur, après la publication des bans à Arnstadt. » L’église du village de Dorhnheim était, d’après ce document, une église, patronale et la permission du seigneur du village était nécessaire pour la célébration du mariage.

— On vient de trouver à Zurich une composition inconnue de Richard Wagner, qui porte ce titre : « Deuxième ouverture de concert » ; elle date du premier séjour de Wagner à Paris. Il paraît, en effet, que cette œuvre a été écrite avant Rienzi. Le chef d’orchestre M. Hegar, à Zurich, qui a eu la chance de découvrir cette composition dans un vieux carton, l’a déjà fait exécuter par son orchestre dans une répétition à huis clos.

— Au théâtre lyrique de Milan, le succès de la Navarraise et de sa belle interprète, Mme de Nuovina, est allé croissant toute la semaine, et on en est déjà à la sixième représentation.

— Pour procurer à ses gardes une distraction utile et convenable, Léon xiii a fait construire dans les jardins du Belvédère, au Vatican, un petit théâtre dont la direction a été confiée à M. Arturo Durantini. On y donnera aussi des concerts et des soirées musicales. Jusqu’à présent, il n’a pas été décidé s’il sera permis aux femmes de se produire sur cette scène ; mais le pape permettra aux hommes, invités spécialement aux représentations, d’y amener leurs femmes et leurs filles. Inutile de dire que le répertoire du théâtre sera soumis à une censure rigoureuse au point de vue des mœurs et de la politique.

— Une traduction inconnue du Malade imaginaire. Il existe plusieurs traductions italiennes de la dernière comédie de Molière, et on en connaît une version en dialecte napolitain, qui a été imprimée en 1835. Maintenant on vient de découvrir qu’il en existe une en dialecte bolonais, laquelle est conservée dans un recueil de la Royale Bibliothèque Victor-Emmanuel, de Rome. Elle forme un beau manuscrit du dix-huitième siècle, composé de trente-deux feuillets numérotés. « Il est étrange, dit un de nos confrères italiens, que ni Corrado Ricci dans son livre : i Teatri di Bologna nei secoli xvii e xviii, ni C. G. Sarti dans son Teatro dialettale bolognese, n’en fassent mention. Aujourd’hui le professeur Giorgio Rossi fait un bel examen de cette traduction, mettant en relief comme il convient les différences qu’elle offre avec l’original. Entres autres choses, elle compte trois personnages de moins. » C’est ce qu’on peut appeler une traduction libre. Mais rien de ce qui touche Molière ne saurait être indifférent.

— Le Politeama de Trieste ouvrira sa saison le 31 octobre prochain, avec un spectacle composé de Maria et Coppélia. Parmi les ouvrages annoncés pour cette saison, nous trouvons Fra Diavolo et les Diamants de la couronne, d’Aubert, una Partita a scacchi de M. Cornaglia, Stratagemma d’amore, de M. Marenco, etc.

— Deux opéras nouveaux viennent d’être donnés en Italie, avec un succès médiocre pour le premier, absolument nul pour le second. C’est au théâtre Bellini de Naples, que le premier s’est présenté, le 26 septembre, sous le titre de Padron Maurizio ; c’est un opéra en deux actes, dont la musique est due au compositeur Giovanni Giannetti. Le second, un Mafioso, est un drame lyrique, aussi en deux actes, qui a paru sur le théâtre Social de Varèse, le 29 septembre. Celui-ci est l’œuvre de M. Giuseppe Bonaspetti pour les paroles, et pour la musique de M. Enrico Mineo, jeune musicien sicilien, élève de M. Platania. La critique juge surtout ce dernier d’une façon très sévère pour les deux auteurs.

— On écrit de Catane à la Gazzetta musicale de Milan : « Comme nous l’avions annoncé, le 23 septembre a eu lieu la commémoration de la mort de Bellini. Sur le monument érigé sur la piazza Stesicorea, sur la tombe du Dôme et sur le demi-buste duj ardin qui porte le nom de l’immortel compositeur, furent déposées, par les soins du municipe et de la musique civique, des couronnes de fleurs fraîches. Le soir, le jardin Bellini a été splendidement illuminé, les allées pavoisées et le concert communal a exécuté un programme de morceaux belliniens, écouté par un public exceptionnellement nombreux. La commémoration était modeste, sans doute, mais cordialement accueillie, parce qu’ici l’auteur de Norma est idolâtré. »

— Parmi les artistes engagés au théâtre Argentina de Rome pour la prochaine saison de carnaval-carême, on cite les noms suivants : soprani : Mmes Barducci, De Frate et Ricci de Paz ; mezzo-soprano : Locatello : ténors : MM. Mariacher, Granados, Sigaldi et Borgatti ; barytons : Scotti et Cioni. Manquent encore les noms des artistes qui seront chargés de l’interprétation du Crépuscule des Dieux, de Wagner. On sait cependant que le rôle de Siegfried sera tenu par le ténor Grani, qui y a obtenu déjà un grand succès enchantant cet ouvrage au théâtre royal de Turin.

— La direction du théâtre royal de Madrid vient de publier le tableau de sa troupe pour la prochaine saison d’hiver. Voici les noms des artistes engagés. Soprani : Mmes Teresa Arkel, Elena Fons, Regina Pacini, Bendazzi-Garulli, Adalgisa Gabbi, Tetrazzini ; mezzo-soprani : Giuseppina Pasqua, Mila Nicolini, Ines Salvador ; ténors : MM. Garulli, Russitana et Stampanoni ; barytons : Ramon Blanchart, Buti, Sammarco et Tabuyo ; basses : Navarrini, Carlo Walter et Giulio Rossi. Les chefs d’orchestre sont MM. Giovanni Goula et Pietro Urrutia.

— Il y a à l’étranger des théâtres qui ne flânent pas, et qui pourraient servir d’exemple à quelques-uns des nôtres. Celui de la Zarzuela, à Madrid, qui a rouvert sa saison le 26 septembre, promet pour cette saison à son public une véritable avalanche d’œuvres nouvelles dont voici les titres : Caracalla, paroles de M. Felipe Perez, musique de MM. Angel Rubio et Marqués ; Manolos y patrimetres, paroles de MM. Felipe Perez et Fernandez Shaw, musique de M. Jimenez ; la Piel del diablo, paroles de M. Fiacro Iraizoz, musique de M. Jimenez ; la Parranda, paroles de M. Fernandez Shaw, musique de M. Zavala ; la Boda de Luis Alonzo, paroles de M. Javier de Burgos, musique de M. Jimenez ; la Bora del lobo, paroles de M. Merino, musique de M. Angel Rubio ; la Fantasia de Carmen, paroles de MM. Arniches et Celso Lucio, musique de M. Valverde fils ; la Expulsion de los judios, paroles des mêmes, musique de M. Caballero ; los Arrastraos, paroles de MM. Lopez Silva et Jackson Veyran, musique de M. Chueca ; la Tribu salvage, paroles de M. Enrique Gaspar, musique de MM. Caballero et Romea ; Sastreria y colchoneria de Pepe Garcia, de M. Ricardo de la Vega ; el Padrino del nese o todo por el arte, paroles et musique de M. Romea. À ces ouvrages il en faut ajouter encore dont on ne donne pas les titres, paroles de MM. Miguel Echegaray, Iraizoz, Larra, Gullon, Alvarez, Anaya, Aguso, Labra, musique de MM. Caballero, Larregla, Breton, Manuel Nieto, Hermoso, Chalons et autres. Décidément, ce théâtre est infatigable.

— On vient de représenter avec un succès énorme à Malaga, sur le théâtre Lara, une nouvelle zarzuela comique intitulée la Boca del Lobo, dont la musique a pour auteur un artiste très populaire, M. José Cabas Galvan.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

Cette semaine a eu lieu, au Conservatoire, l’élection des quatre professeurs appelés par leurs collègues à faire partie du conseil supérieur d’enseignement. Dans la matinée, on a procédé à l’élection du professeur à la section de l’enseignement dramatique. Le scrutin a été assez laborieux. Après plusieurs tours, les cinq professeurs ont fini par se mettre d’accord sur le nom de M. Leloir, qui a été élu. — Dans l’après-midi, à trois heures, les professeurs de l’enseignement musical se réunissaient et après un seul tour de scrutin ont été élus membres adjoints de cette section MM. Saint-Yves-Bax, Jules Delsart et Alphonse Duvernoy. — Les deux séances ont été tenues dans la petite salle des examens attenant au cabinet de M. Théodore Dubois, qui les a présidées l’une et l’autre. Ce sont les deux plus jeunes professeurs, MM. Vidal et Xavier Leroux, qui ont dépouillé le vote.

— À l’Opéra-Comique, la distribution donnée de Don Juan n’est exacte ne varietur que pour MM. Maurel (Don Juan), Fugère (Leporello) et Gresse (le Commandeur). Les titulaires cités des autres rôles répètent à peu près tous « pour essai », et c’est en voyant ses artistes au milieu du travail des études, en jugeant leurs efforts et leurs aptitudes particulières, que M. Carvalho désignera définitivement les interprètes du chef-d’œuvre de Mozart, place du Châtelet. Voilà une communication grosse de désillusions et de mécomptes futurs.

— Au moment où le cortège impérial a débouché jeudi, sur la place du Châtelet, une fanfare, installée par M. Carvalho à la fenêtre centrale du foyer du théâtre national de l’Opéra-Comique, a attaqué la Marche du drapeau du régiment des hussards de la garde impériale dont Sa Majesté est le colonel. Le tsar, surpris d’entendre cette marche de son régiment, s’est tourné vers le théâtre et a salué. La foule, qui comprenait que quelque chose de particulier se produisait, a redoublé ses acclamations.

— Les suites d’un gala. Il est à peu près certain que M. Alvarez, qui a été ce fameux soir le partenaire très remarqué de Mme Rose Caron dans les fragments de Sigurd, chantera désormais en représentation régulière le bel ouvrage de M. Reyer.

— Le petit raout littéraire et musical, — qu’on pourrait appeler l’impromptu de Versailles tant il avait été rapidement préparé, — donné dans les salons du grand roi en l’honneur de l’empereur et de l’impératrice de Russie, a tenu toutes ses promesses. Avec Sarah Bernhard, Delaunay, Coquelin aîné et Réjane, Leurs Majestés ont pu compléter leurs notions sur l’ensemble des célébrités dramatiques de Paris. Et avec les « danses anciennes » organisées par MM. Bertrand et Gailhard, ils ont eu comme une reconstitution des divertissements qu’on donnait autrefois dans le merveilleux palais. En intermède musical, Mlle Delna, MM. Delmas et Fugère se sont fait entendre aussi. Leurs Majestés ont paru enchantées de cette petite fête improvisée, qui a trouvé son épilogue avec les clairons de la revue de Châlons, — autre genre de musique qui n’a pas laissé le tsar insensible.

M. Camille Saint-Saëns vient de rentrer à Paris, après une tournée triomphale en Suisse. Dans toutes les villes où il a passé, ses concerts d’orgue et chant ont eu un énorme succès.

Mlle Emma Calvé est de retour à Paris, revenant de ses montagnes de l’Aveyron où elle a passé l’été. C’est le mois prochain qu’elle s’embarquera pour sa nouvelle tournée d’Amérique.

— Un violoniste polonais fort distingué, M. Stanislas Barcewicz, s’est fait entendre avec un succès sincère et très légitime dans deux concerts russes donnés à l’Exposition du théâtre et de la musique, au palais des Champs-Élysées. Le talent de cet artiste est remarquable : un beau son, une rare justesse, des doigts superbes, une virtuosité qui ne redoute aucune difficulté et qui les résout comme en se jouant, telles sont ses qualités, qui lui ont valu de la part du public un accueil bruyant et chaleureux et d’unanimes applaudissements. On peut regretter seulement que le choix de la musique qu’il exécute ne soit pas à la hauteur du talent de l’artiste. Le concerto de Wieniawski est une œuvre bien peu musicale, sans plan, sans style et sans idées, où l’accumulation des notes est simplement pour déployer une virtuosité vertigineuse. Quant à la mazurka de Kontzki, avec ses excentricités, ses sons harmoniques et ses pizzicati de la main gauche, c’est proprement de la musique d’acrobate. Le talent pur et sérieux de M. Barcewicz vaut beaucoup mieux que cela.

A. P.

NÉCROLOGIE

De Londres on annonce la mort d’un artiste belge, Aloys Kettenus, violoniste et compositeur, depuis fort longtemps fixé en Angleterre, où il occupait une situation importante, après avoir passé plusieurs années de sa jeunesse en Allemagne, où il s’était fait entendre avec succès. Né à Verviers le 22 février 1823, Kettenus, qui paraît avoir eu un certain talent de virtuose, s’est fait connaître aussi comme compositeur. On a de lui un concerto de violon, un concertino de hautbois, une fantaisie pour clarinette, un concertino pour quatre violons et orchestre, un duo pour piano et violon, des mélodies vocales, etc. Son œuvre la plus importante est un opéra intitulé Stella Manti, qui fut représenté au théâtre de la Monnaie de Bruxelles en février 1862 et dont le succès d’ailleurs a été médiocre.

— À Gmünden (Autriche) est mort un artiste distingué nommé J. E. Habert, qui était directeur et organiste de la cathédrale. Remarquable et fécond, dit-on, comme compositeur de musique sacrée, il avait été l’éditeur et le rédacteur en chef d’une revue de musique religieuse qui avait contribué efficacement au progrès du chant religieux en Allemagne.

— Un artiste espagnol, Juan Bautista Plasencia Aznar, organiste du collège du Corpus Christi, à Valence, vient de mourir dans des circonstances assez singulières. On s’était aperçu d’une perturbation fâcheuse de ses facultés mentales, et, le 14 du mois dernier, on le conduisait dans le train express de Valence à Barcelone, jusqu’à une maison de fous située à San Bay, lorsque auprès de Tortosa, entre les stations de Santa Barbara et d’Ulldecona, il mourut subitement. On dut transporter son corps jusqu’à Tortosa, où il fut inhumé.

— Un chanteur italien, Gennaro De Filippo, qui revenait de Constantinople à Catane sur le vapeur Scrivia, s’est suicidé pendant la traversée.

— Une chanteuse de café-concert, miss Bessie Belwood, qui dit-on, était populaire à Londres comme l’est à Paris Mlle Yvette Guilbert, vient de succomber en cette ville à une maladie de cœur.


Henri Heugel, directeur-gérant.