Nouvelles diverses/20 septembre 1896

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NOUVELLES DIVERSES


ÉTRANGER

De notre correspondant de Belgique (16 septembre). — Les débuts, à la Monnaie, de Mlle Kutscherra dans Lohengrin ont été, comme on s’y attendait, « sensationnels », tout au moins par la foule qu’ils avaient attirée, l’intérêt qui s’y attachait et les discussions auxquelles ils ne pouvaient manquer de donner lieu. Une interview de l’artiste, publiée quelques jours auparavant dans un journal quotidien, nous avait appris quel désir avait Mlle Kutscherra de se voir vengée par le public bruxellois « si connaisseur, avait-elle dit au reporter, si différent du public parisien », de la « vilenie » dont elle fut victime à l’Opéra — victime « d’un chauvinisme stupide », — elle qui « s’était donné la tâche admirable d’initier la France (ingrate France !) aux beautés de l’art wagnérien »… On voit que Mlle Kutscherra a vite oublié qu’elle fut applaudie aux concerts Colonne et Lamoureux, et que c’est ce même public parisien « si peu connaisseur », qui fit sa réputation… Mais voilà, le public parisien n’a pas eu l’esprit de l’applaudir toujours, et alors, vous comprenez, il n’y a plus que le public bruxellois qui pouvait conserver à ses yeux la chance d’être intelligent. Je crains fort que cette chance ne soit assez mince. Le public bruxellois a été fort aimable, samedi, pour la nouvelle Elsa, « révélatrice » de Wagner ; mais l’admiration est loin d’avoir été unanime. On a trouvé cette nouvelle Elsa extraordinairement bien portante, réalisant peu le type rêvé, si poétique, si frêle, si jeune, et n’en ayant ni la plastique, ni surtout la voix, que le rôle demande pure, fraîche, sans les outrages que le temps peut faire subir à un organe déjà for surmené par de précédentes et anciennes « révélations ». Du reste, Mlle Kutscherra n’est point banale ; elle a de la physionomie, du style, de l’autorité. Le tout est de savoir si ces qualités-là, qui sont assurément d’une artiste, feront oublier les autres, qu’elle n’a pas, notamment une articulation nette et une prononciation compréhensible. — À côté de ce début nous en avons eu un autre, celui de Mme Goulancourt, une lauréate du Conservatoire de Bruxelles, élève de Mme Cornélis-Servais, dans le rôle d’Ortrude. Pour être plus modeste, Mlle Goulancourt ne s’est pas moins fait remarquer très avantageusement ; depuis longtemps on n’avait plus entendu sur la scène de la Monnaie une voix aussi riche, aussi étendue, et, chez une débutante, un tempérament aussi accentué et des promesses aussi sérieuses. Enfin, M. Imbart de la Tour a confirmé, sous le casque de Lohengrin, l’excellente impression qu’il avait produite dans Samson. C’est décidément un chanteur de goût, plein de distraction et de charme, et sa jolie voix, au timbre velouté, n’est pas incapable, quand il le faut, de force et d’éclat. L’ensemble de cette reprise de Lohengrin a été bon. Le lendemain, la reprise de Lakmé a fait applaudir à nouveau la gracieuse Mme Landouzy, et par la même occasion les débuts d’une nouvelle basse, M. Blancart, qui a chanté le rôle de Nilakanta très convenablement, avec une voix superbe.

L. S.

M. F.-A. Gevaert, le savant directeur du Conservatoire de Bruxelles, vient d’ajouter à son ouvrage sur la Mélopée antique dans le chant de l’Église latine un deuxième appendice consacré notamment au nouvel hymne delphique dont le texte, tant poétique que musical a été établi par MM. Alexandre Weil et Théodore Reinach. Cet ouvrage avait été précédé d’une brochure sur les Origines du chant liturgique de l’Église latine qui provoqua de vives discussions dans le monde religieux, M. Gevaert s’étant permis de soumettre à une critique respectueusement impitoyable la légende qui attribue au pape Saint Grégoire le Grand la paternité de l’Antiphonaire. Un bénédictin de Maredsous, dom Morin, moine érudit mais passionné, fit preuve en cette affaire d’une sorte d’acharnement, et alors que le clergé séculier se montrait plus clément, le clergé régulier semblait prendre fait et cause pour la thèse bénédictine. Or, depuis, M. Gevaert a été nommé chevalier de l’ordre de ce même saint Grégoire le Grand, auquel il n’avait pas craint de s’attaquer, et l’éditeur de l’appendice et de ses travaux antérieurs, considérant qu’ils s’adressent avant tout « aux personnes vouées à l’étude du chant liturgique, ecclésiastiques pour la plupart », a eu l’idée d’y annexer le texte du bref par lequel le cardinal de Ruggiero notifie à M. Gevaert, au nom du pape Léon xiii, la distinction qui lui est conférée. Bien que les bénédictins de Maredsous n’aient jamais eu qualité pour excommunier un directeur de Conservatoire ou le frapper d’une peine ou censure ecclésiastique quelconque, il est clair que ce bref papal adressé au « dilecto filio Augusto Gevaert, musici instituti Bruxellis moderatori », est fait pour calmer dom Morin et lui apprendre à ne pas se montrer plus grégorien que le successeur de saint Grégoire le Grand.

— On annonce que l’Opéra impérial de Berlin donnera, au printemps prochain, la première représentation de Manon, de Massenet. Les deux interprètes seraient Mme Sembrich et, très vraisemblablement, M. Van Dyck.

— Le vieux répertoire français se maintient de l’autre côté du Rhin beaucoup mieux que chez nous. L’Opéra royal de Stuttgard annonce, à l’occasion de la fête du roi, une reprise brillante des Diamants de la Couronne, d’Auber, avec costumes et décors nouveaux. On aurait pu craindre que les chanteurs allemands, habitués au style de Richard Wagner, seraient incapables de rendre la musique pimpante, légère et passablement agrémentée de « cocottes » de la partition d’Auber. Il faut espérer qu’il n’en est rien.

— Le nouveau théâtre allemand de Munich, qui est devenu le plus beau théâtre de la capitale bavaroise, mais qui n’est pas encore entièrement terminé, se trouve déjà en proie à des difficultés financières. Les créanciers ont cependant décidé d’accorder aux entrepreneurs un crédit de 200.000 francs pour qu’ils puisse commencer l’exploitation en octobre. On jouera aussi l’opérette à ce théâtre.

— Un nouvel opéra en un acte, intitulé l’Amour défendu, dont la musique a été écrite par un compositeur viennois, M. François Soucoup, a tellement plu à la célèbre chanteuse italienne Mme Gemma Bellincioni, qu’elle en a fait l’acquisition pour le jouer dans ses tournées et au théâtre qu’elle va diriger en province.

— Pour M. Hans Richter, premier kapellmeister à l’Opéra impérial de Vienne, la visite de Nicolas ii à la cour d’Autriche a été une source intarissable de distinctions honorifiques. Nous avons déjà mentionné sa décoration russe et le cadeau superbe que l’empereur de Russie lui fit remettre quelques jours après le concert à la cour. Or, l’empereur d’Autriche vient de conférer à M. Richter l’ordre de la Couronne d’or, en vertu duquel le célèbre chef d’orchestre a droit au titre héréditaire de chevalier.

— L’Opéra royal de Budapest vient de jouer avec succès un nouvel opéra patriotique intitulé Mathias Corvinus, musique de M. Charles Frotzler. Le compositeur, qui a pris sur l’affiche le nom d’Auer, est chef d’orchestre du théâtre particulier du comte Esterhazy à Totis, en Hongrie. On se rappelle que Joseph Haydn a commencé sa carrière dans des conditions analogues chez le chef de la famille Esterhazy. Reste à souhaiter à M. Frotzler qu’il atteigne un jour à la gloire de Joseph Haydn.

— Une nouvelle à sensation parcourt en ce moment les journaux italiens. Elle a été lancée par le Pungolo parlamentare de Naples, qui a reçu de son correspondant de Milan la dépêche suivante : « Une personne très respectable, et qui est en mesure de le savoir, m’assure que Verdi n’écrira plus, quoi qu’on en ait dit, aucune œuvre théâtrale, mais qu’il a presque terminé un oratorio pour grandes masses, sur le type de l’Elie de Mendelssohn ».

— On a donné à Fermo la première représentation d’un opéra nouveau en deux actes, Wanda, dont la musique a été écrite par un jeune compositeur débutant, M. Romolo Bacchini, qui paraît avoir fait preuve de talent et dont l’œuvre a été accueillie par le public avec beaucoup de faveur. Cinq morceaux ont été bissés et l’auteur a été l’objet de vingt rappels, pour lesquels il s’est présenté avec une modestie qui lui a gagné toutes les sympathies.

— Un impresario qui paraît avoir de l’estomac, c’est M. Romiti, le nouveau directeur du théâtre Brunetti, de Bologne, qui, entre autres ouvrages, n’annonce pas moins de trois opéras nouveaux qu’il entend offrir au public au cours de la prochaine saison de ce théâtre. Ces ouvrages sont Innocente, de M. De Angelis ; la Visione di Oberto, de M. Campagnoli, et Yanko, de M. Bandini.

— C’est M. Hans Huber, professeur de piano à l’École de musique de Bâle, qui vient d’être appelé à la direction de cette école, devenue vacante par suite de la mort de M. S. Bagge, que nous avons annoncée récemment.

— La saison des concerts à Londres s’annonce comme devant être vigoureuse. Au Crystal Palace, la série commencera dès le 3 octobre. Au Queen’s Hall, où M. Robert Newmann a organisé des concerts-promenades, la soirée d’ouverture a eu lieu dès le 29 août ; chaque semaine un programme sera consacré à Beethoven, un autre à Wagner. C’est au Queen’s Hall que M. Colonne et son orchestre donneront quatre concerts, dont le premier aura lieu le 12 octobre. Pendant ce même mois d’octobre et durant le mois de ovembre, M. Richter conduira trois concerts, M. Lamoureux en donnera six, et M. Félix Mottl viendra en diriger deux. Les habitués n’auront pas à se plaindre. Saint-Jame’s Hall aura aussi ses soirées à sensation. C’est là que M. Sarasate donnera trois concerts, et que M. Ysaye se fera entendre deux fois, après quoi le violoniste belge entreprendra, dit-on, une grande tournée dans les provinces anglaises.

— On sait quelles réceptions enthousiastes ont été faites par toute la Norvège au courageux explorateur Nansen, au retour de son hardi voyage au pôle Nord. La poésie et la musique se sont mises de la partie pour le fêter en ce qui les concerne. Un journal de Christiania, qui avait ouvert un concours pour la meilleure pièce de prose ou de vers destinée à glorifier le célèbre voyageur, n’a pas reçu moins de 843 manuscrits. Quant à la musique, il paraît que c’est par milliers que l’on vend à Chirstiania diverses compositions inspirées par le voyage de Nansen, et particulièrement une marche de M. Oscar Borg intitulée Nordpol March, et un morceau qui porte ce titre aussi original que météorologique : 86° 14′.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

À l’Opéra, petite modification dans la distribution de Don Juan. Le rôle d’Ottavio ne sera pas chanté par M. Alvarez, mais bien par M. Vaguet, doublé par M. Gautier. On a commencé les études en scène.

— À l’Opéra Comique.

Tous les artistes qui doivent interpréter Don Juan ont été convoqués pour la première fois, mercredi dernier, et on leur a remis, comme traduction de l’opéra de Mozart, celle de M. Durdilly, qui est, paraît-il, la meilleure de toutes celles qui existent. Les études individuelles ont commencé, dans les foyers, sous la direction de M. Fauchey.

Don Juan aura neuf décors, dont voici la nomenclature avec les noms des peintres à qui ils ont été confiés : 1er  tableau : place à Burgos, la nuit, de Rubé et Moisson ; 2e , campagne aux environs du château de Don Juan, de Rubé et Moisson ; 3e  place à Burgos, le jour, de Rubé et Moisson ; 4e , entrée du parc de Don Juan, de Carpezat ; 5e , le jardin du château, de Carpezat ; 6e  un carrefour, maison d’Elvire, de Jambon ; 9e , salle à manger de Don Juan, de Carpezat. — Les costumes seront dessinés par Thomas.

Avant son départ pour l’Amérique, Mlle Calvé donnera quelques représentations de la Navarraise, Carmen et Cavalleria rusticana.

Mlle Van Zandt, avec Manon et Lakmé, chantera également Mignon et le Pardon de Ploërmel.

M. Carvalho semble avoir arrêté son choix, parmi les ouvrages nouveaux à donner la saison prochaine après Cendrillon, sur Kermaria, légende bretonne de M. Gheusi, musique de M. C. Erlanger.

— Ce n’est qu’au conseil des ministres, qui aura lieu demain lundi, que seront réglés définitivement le gala de l’Opéra et le demi-gala de la Comédie-Française, auxquels doivent assister les souverains russes.

— Nous avons annoncé que, à l’Odéon, l’un des premiers spectacles antiques de la saison, les Persees, serait accompagné d’une partie musicale de M. Xavier Leroux. Les directeurs du second Théâtre-Français, qui semblent avoir un heureux penchant pour la musique, ainsi que M. Porel qui n’eut pas à s’en plaindre, viennent de commander à M. Coquard une partition pour accompagner la représentation de Philoctète, qui formera le second spectacle antique.

— Nos étoiles parisiennes au Théâtre-Lyrique de Milan. Mlle Sibyl Sanderson a quitté Paris au commencement de la semaine, se rendant à Milan, où elle va chanter, au Lyrique de M. Édouard Sonzogno, Manon de Massenet, puis Phrymé, de Saint-Saëns. Mme de Nuovina, qui doit débuter au même théâtre, le 27 de ce mois, par la Navarraise de Massenet, a pris le train hier samedi. La saison de M. Sonzogno commence le mardi 22 septembre.

— Le gentil petit Théâtre-Lyrique de la galerie Vivienne nous annonce sa réouverture pour le 15 octobre prochain, par un spectacle ainsi composé : les Deux Chasseurs et la Laitière, de Duni, l’Irato, de Méhul, et la Perruche, de Clapisson. Les Deux Chasseurs sont parvenus aujourd’hui à l’âge vénérable de cent trente-trois ans ! L’apparition de ce petit ouvrage, dont Duni écrivit la musique sur un amusant livret d’Anseaume, souffleur et régisseur de la Comédie-Italienne, remonte en effet au 23 juillet 1763. L’Irato, dont le poème était dû à Marsollier, vit le jour à l’Opéra-Comique le 17 février 1801. Quant à la Perruche, où Clapisson avait pour collaborateurs Dupin et Dumanoir, la première représentation en eut lieu à la salle Favart le 28 avril 1840. C’est donc presque un spectacle historique que nous promet le petit théâtre de la galerie Vivienne, en nous offrant dans la même soirée trois ouvrages qui représentent trois époques bien distinctes de notre musique. Il nous annonce pour la suite la Servante maîtresse, le délicieux chef-d’œuvre de Pergolèse, le Maréchal-Ferrant, un excellent opéra-comique de Philidor, musicien de génie injustement oublié depuis plus de quatre-vingts ans, et le Bijou perdu, d’Adolphe Adam, qui fut un des triomphes de Mme Cabel à l’ancien Théâtre-Lyrique du boulevard du Temple, alors dirigé par M. Carvalho.

— Une audition assez intéressante a eu lieu la semaine dernière à l’Exposition du théâtre et de la musique, au Palais de l’industrie. Il s’agissait d’entendre un nouveau piano pédalier d’un nouveau système, imaginé par M. Cateura, facteur à Barcelone. Il s’agit ici d’un jeu de pédales, au nombre de six, toutes indépendantes, dont chacune produit un effet particulier. Il n’y a pas à parler des pédales forte, céleste et tonale, dont l’usage est courant et qui sont suffisamment connues. Les trois nouvelles du système sont la pédale sourdine, qui affaiblit et étouffe les sons d’une façon véritablement curieuse, et leur donne une fluidité qui les ferait presque disparaître ; la pédale claire, qui au contraire donne au son une grande intensité en même temps qu’une sécheresse qui rappelle d’une façon frappante la sonorité nette et détachée du clavecin ; enfin la pédale harmonique, qui fait ressortir les harmoniques du son frappé sur la touche et qui est d’un effet neuf et assez agréable. Les six pédales sont placées de la façon suivante : pour le pied droit, pédale forte, pédale claire, pédale sourdine ; pour le pied gauche, pédale céleste, pédale harmonique, pédale tonale (de rétention), et le mécanisme, dit-on, ne demande, qu’un peu d’habitude et n’offre point de difficultés. C’est un jeune et habile pianiste espagnol, M. Emilio Sabater, ancien élève de notre Conservatoire, qui s’était chargé de nous faire connaître le nouvel instrument. Son programme était ainsi composé : Fantaisie villageoise (Nollet) ; Prélude et Gavotte (Bach) ; Wachterlied, romance (Grieg) ; Intermezzo (Lemaire) ; Romance sans paroles (Mendelssohn), Sérénade (Albeniz) ; Menuet (Paderewski) ; Au village (B. Godard). Ce programme, exécuté avec goût, a fait ressortir comme il convenait les qualités spéciales de l’instrument inauguré par M. Cateura.

A. P.

— Dans notre dernier numéro, à propos des concerts de l’Exposition du Théâtre et de la Musique, une erreur d’impression semble attribuer à M. Génécaux le succès de la Méditation de Thaïs. C’est M. Laforge, violon solo à l’Opéra et professeur au Conservatoire, qui a exécuté la page célèbre de Massenet ; c’est donc à lui que sont justement allés les bravos.

— La maison Pleyel-Wolff vient de faire paraître le troisième recueil de la publication qu’elle a pris l’habitude de nous offrir chaque année et qui reproduit intégralement les programmes de tous les concerts qui ont lieu dans la salle Pleyel au cours de la saison précédente. Cela n’a rien assurément de frivole, mais cela constitue un document utile et fort intéressant qui, comme tous ceux de ce genre, sera singulièrement utile dans l’avenir. On sera certainement bien aise de trouver plus tard dans ce recueil, sans avoir besoin de les chercher ailleurs, les programmes des concerts de MM. Delaborde, Joseph Wieniawski, Joseph Thibaud, de Mmes Szarvady, Roger-Miclos, Clara Chattelyn, Henry Jossic, de la Société des compositeurs, de la Société nationale, de la Société d’art, de la Société académique musicale, ceux des séances de musique de chambre de MM. Weingaertner, Parent, Schneklud, Hayot, de la Société d’instruments anciens de MM. Delsart, Diémer, Van Waefelghen et Grille, etc. Le volume, très élégant, est précédé d’une excellente préface de M. Oscar Comettant et d’une introduction intéressante de M. Henry Eymieu, qui n’est autre chose qu’une étude très documentée sur les concerts et la musique de chambre. Voila une publication qui fera la joie des historiens à venir.

A. P.

— De notre confrère Nicolet, du Gaulois : « De Marseille. On avait prêté à notre édilité socialiste la pensée intelligente de redonner l’éclat d’antant à notre École communale de musique en lui restituant son titre de « succursale du Conservatoire de Paris » ; il paraît qu’il n’en est rien. » Un mauvais point à la municipalité marseillaise !

— Au casino de Lamalou-les-Bains, succès sans précédent, nous écrit-on, pour la première représentation de Werther. M. Monteux et Mme Burty-Monteux ont été acclamés la soirée entière. On a donné déjà quatre représentations du chef-d’œuvre de M. Massenet.

— Rouen. — Après la musique française, la musique allemande : mais, en chantant la fraternité humaine, Beethoven n’est-il pas un sans-patrie sublime ?… Tout est dit, semble-t-il, et l’on vient trop tard pour parler de la Neuvième, que les cerveaux classiques regardent comme une aventure musicale, comme la flamme suprême d’une éloquence qui s’éteint, — alors que les tempéraments romantiques y découvrent le sommet fulgurant de la musique et le Sinaï de l’Art moderne : n’est-il point remarquable que pareilles divergences ont salué l’apparition d’Alceste et de Parsifal ?… Toujours est-il que la Symphonie avec chœurs reste la définitive émanation du génie de Beethoven, le portrait le mieux ressemblant de son âme

Où l’éclair gronde, où lui la mer, où l’astre rit,
Et qu’emplissent les vents immenses de l’esprit…

Vigueur prométhéenne de l’Allegro maestoso, riant paysage du Molto vivace, mélancolie passionnée de l’Adagio molto e cantabile, poignant comme des mémoires d’outre-tombe, hosanna prodigieux du Finale qui chante l’âge d’or, le chef-d’œuvre a triomphé. Les festivals de Rouen ont donc bien mérité de l’art en l’admettant au septième et avant-dernier programme, sous la chaleureuse direction de M. N. Brument, avec des solistes tels que MM. Gandubert et Fournets, Mlle Lina Pacary, et, avant tous, Mlle Jenny Passama, que les Concerts Lamoureux ont mise au premier rang. — Pour conclure, la somptueuse Marche de Tannhäuser.

Raymond Bouyer.

— Charmante matinée musicale à Tours, chez M. Hardion, le distingué architecte de la ville. Le maître Charles Dancla a fait presque tous les frais du programme en jouant du Beethoven, du Mendelssohn, et sa belle transcription du Nocturne de Chopin. Très grand succès pour l’exécutat et le compositeur.

— À propos de la fête patronale de Sassetot, très jolie messe en musique à la paroisse. On y a entendu Mlle Brueil dans le Souvenez-vous de Massenet, et M. et Mme Marquet dans le Pater Noster de Faure.

— Quelques jours auparavant, les mêmes artistes, avec l’Ave verum de Faure et l’Ecce Panis de Th. Dubois, avaient prêté leur concours à une messe dite à Saint-Martin-aux-Bruneaux.

Cours et leçons. — Réouverture des cours Sauvrezis, 44, rue de la Pompe, le 7 octobre. Mlle Sauvrezis ajoute à ses nombreux collaborateurs les noms de M. Van den Heuvel (chant d’ensemble) et de M. Ch. Bordes (musique sacrée et plain-chant). Mlle Sauvrezis recevra, à partir du 2 octobre, le vendredi, de 4 à 7 heures, 4, rue de la Sorbonne, et le samedi, de 2 à 4 heures, 44, rue de la Pompe. — Mme Girardin-Marchal reprendra ses cours et leçons de piano, solfège, harmonie, à partir du 1er  octobre, 115, rue Notre-Dame-des-Champs et 21, rue d’Aboukir. — M. Manoury, 13, rue Washington, reprend ses cours et leçons pour gens du monde et artistes. Parmi ces derniers, ont été engagés : M. Gautier à l’Opéra, Mlle Demours à Alger, M. Declery à Rouen, miss Emma Stanley à Gand et M. Stoll à Tournai.

NÉCROLOGIE

Cette semaine est mort, à l’âge de 69 ans, un excellent artiste, Étienne Portéhaut, qui, après avoir occupé à Paris une situation très honorable, était devenu directeur de la Société de Sainte-Cécile de Bordeaux, sa ville natale. Élève d’Alard au Conservatoire, Portéhaut avait obtenu un second prix de violon en 1847, et le premier l’année suivante. À cette occasion se produisit même un fait assez rare, c’est que les trois seconds prix de la même année se trouvaient obtenir ensuite les trois premiers prix ensemble ; seulement, l’ordre des noms était changé : tandis qu’en 1847 les trois lauréats étaient ainsi nommés : Reynier, Portéhaut, Altès, en 1848 ils étaient proclamés dans l’ordre suivant : Portéhaut, Altès, Reynier. De ces trois camarades, Reynier étant mort il y a deux ans, un seul reste aujourd’hui, M. Ernest Altès, qui fut chef d’orchestre à l’Opéra et qui est vice-président de la Société des compositeurs de musique. Quant à Portéhaut, il devint chef d’attaque des premiers violons au Théâtre-Italien, puis second chef d’orchestre à ce théâtre. C’est à la suite de la disparition de notre scène italienne qu’il accepta les fonctions de directeur de la Société de Sainte-Cécile de Bordeaux, où il a laissé, comme partout, le souvenir d’un galant homme et d’un excellent artiste. Portéhaut avait un frère cadet, qui, après avoir fait aussi ses études au Conservatoire, fut ténor à l’Opéra pendant plusieurs années.

— D’Italie on annonce la mort d’un artiste qui jouit naguère d’une réelle notoriété, Raffaele Vitali, un chanteur qui, après avoir obtenu de grands succès comme ténor, termina sa carrière comme baryton. Il avait fait ses études à Bologne et fit ses premiers armes à Odessa, où naquit sa fille, Mlle Giuseppina Vitali, une cantatrice aimable que nous avons connue naguère à feu notre Théâtre-Italien. Vitali n’était pas seulement un chanteur habile, il était aussi un remarquable comédien, et faisait preuve de rares qualités pathétiques, entre autres dans Otello et dans Lucia. Un soir, à Rome, tandis qu’il chantait Luisa Miller, il fut frappé subitement d’un abaissement de la voix qui le mit dans l’impossibilité d’achever son rôle ; il était devenu tout à coup baryton. C’est en cette qualité qu’il put, au bout de quelque temps, reparaître à la scène ; mais au bout de deux années, sa voix ne lui permettant plus de se livrer à ses élans dramatiques, il abandonna définitivement le théâtre. Depuis lors, il s’était consacré à l’enseignement.

— La doyenne des chanteuses d’outre-Rhin, Mme Caroline Fiscjer-Achten, vient de s’éteindre dans sa quatre-vingt-dixième année. Elle était née à Vienne en 1806, entra en 1821 à l’ancien Opéra impérial en qualité de prima-donna soprano, chanta à Francfort et à Brunswick et se retira de la scène en 1853.

— Les journaux américains nous apportent la nouvelle de la mort, à New-York, d’un facteur d’orgues et de pianos nommé Johann Luther, qui vient de s’éteindre à l’âge raisonnable de 90 ans, et qui était, à ce qu’on assure, le descendant direct de Martin Luther, le chef de la Réforme. Ce Johann Luther, qui était né en Allemagne, à Asler, près de Wetzlar, s’était établi à New-York en 1837 et y avait fondé la première fabrique de pianos qui ait existé en cette ville.


Henri Heugel, directeur-gérant.


AVIS AUX PROFESSEURS. — Belle salle pour auditions, cours et leçons, matinées et soirées. Location au mois et à la séance. — S’adresser Maison musicale, 39, rue des Petits-Champs. Paris.