Nouvelles diverses/9 août 1896

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Heugel (p. 5-8).

NOUVELLES DIVERSES


ÉTRANGER

On nous écrit de Vienne qu’à l’occasion du prochain séjour des souverains russes dans la capitale autrichienne, aura lieu, le 27 août, une représentation de gala à l’Opéra impérial. On jouera, par ordre de l’empereur, la Manon de Massenet avec Mlle Renard et M. Van Dyck. Comme aucun opéra russe ne se trouve au répertoire viennois, qui ne joue plus depuis quelques années le Néron de Rubenstein, il était tout indiqué d’offrir aux souverains russes une œuvre française, et Manon se recommandait non seulement par la valeur de la partition, mais aussi par son succès constant à l’Opéra de Vienne.

— Franz de Suppé va avoir son monument à Vienne, sur le tombeau d’honneur que la ville lui a décerné. Le statuaire Richard Tautenhayn l’a sculpté sur la demande de la veuve du compositeur, et l’œuvre est parfaitement réussie. Le buste en bronze de Franz de Suppé est d’une ressemblance frappante, et les génies allégoriques qui décorent le socle produisent un effet très gracieux. Un enfant qui joue de la flûte rappelle que c’est cet instrument qui a ouvert au compositeur la carrière musicale. Une feuille de papier à portées, sculptée dans le socle, reproduit les premières mesures de la chanson : Ô mon Autriche ! qui a obtenu une popularité immense dans la patrie du compositeur.

— À Budapest vient d’avoir lieu un duel au sabre entre M. le baron de Nopcsa, surintendant des théâtres royaux, et M. Diosy, critique musical du Neues Pester Journal. M. le baron de Nopcsa a reçu plusieurs blessures peu graves au nez et à la poitrine. Le duel a eu pour motif une discussion vive au sujet de M. Mahler, ancien directeur de l’Opéra royal, actuellement premier chef d’orchestre à l’Opéra de Hambourg.

— Nos lecteurs see rappellent que l’ancien théâtre Kroll, à Berlin, a été transformé en une succursale de l’Opéra royal. Or le surintendant des théâtres royaux vient de décider que le nouveau théâtre prendrait désormais officiellement le titre de Nouvel Opéra royal. Les représentations de ce théâtre sont déjà annoncées sous sa nouvelle dénomination.

— Le théâtre grand-ducal de Weimar va jouer prochainement un nouvel opéra intitulé Mathaswintha, musique de M. Xavier Scharwenka, le célèbre compositeur prussien.

— Un concours singulier est ouvert au Conservatoire de Dresde. M. Alfred Stelzner a construit deux nouveaux instruments à cordes qui doivent servir d’intermédiaire entre l’alto et le violoncelle. L’un de ces instruments est baptisé « violotte » et ressemble à l’alto ; l’autre se nomme « cellone » et ressemble au violoncelle. L’inventeur offre deux primes de 500 marcs chacune aux compositeurs d’un quatuor pour violon, alto « violotte », violoncelle et « cellone ». On se demande comment les compositeurs pourront se rendre compte de l’effet de ces nouveaux instruments, qu’ils ne peuvent pas encore connaître, pour en faire un usage approprié, et s’il est réellement utile d’ajouter de nouveaux instruments à cordes à ceux qui ont suffi à l’orchestre de Beethoven, voire même de Richard Wagner. Ce n’est pas là d’ailleurs tout à fait une nouveauté, et l’on sait bien qu’il a existé naguère un instrument qui tenait le milieu entre l’alto et le violoncelle et qu’on nommait baryton. Les musées spéciaux de divers pays en possèdent des spécimens. Au dernier siècle déjà, on connut une viola di bordone ou viola di fagotto, à laquelle on donnait aussi le nom de baryton ; c’était une sorte de basse de viole de petit format, montée de six ou sept cordes de boyau et ayant, sous la touche, une série de cordes sympathiques de métal. Deux musiciens de la chambre du prince Esterhàzy, Anton Lidl et Karl Krantz, acquirent une très grande habileté sur le baryton, ce qui fait qu’Haydn n’écrivit pas moins de 63 pièces pour cet instrument. Karl Krantz publia lui-même douze concertos pour le baryton. On voit que la prétendue invention nouvelle n’est, comme il arrive souvent, qu’un grand retour en arrière.

M. Robert Sipp, l’ancien professeur de violon de Richard Wagner à Leipzig, vient de célébrer le 90e anniversaire de sa naissance et a reçu à cette occasion beaucoup de cadeaux de ses anciens élèves et collègues. Mme Cosima Wagner et son fils Siegfried n’avaient pas oublié non plus le vieux musicien que Richard Wagner estimait beaucoup et avait même invité à assister à la première représentation de l’Anneau du Niebelung, en 1876. Les leçons n’avaient cependant pas profité au maître de Bayreuth, qui, déjà pianiste fort médiocre, avait complètement délaissé le violon.

— Le doyen des choristes allemands, M. Antoine Lutz, du théâtre grand-ducal de Weimar, vient de célébrer le 80e anniversaire de sa naissance. Il a commencé sa carrière comme chanteur en 1836, à l’âge de vingt ans, et en 1855 Franz Liszt le fit engager à Weimar, où il se trouve depuis plus de quarante ans. M. Lutz remplit encore fort bien ses devoirs artistiques.

— Est-ce que l’enthousiasme wagnérien pâlirait, même aux lieux où l’on devrait lui reconnaître la plus grande ardeur ? Au récent congrès de la Société Richard Wagner de Bayreuth, la direction a communiqué à l’assemblée l’attristante nouvelle que, de 8.900, le nombre des sociétaires est descendu aujourd’hui à 3.000. En présence d’une diminution aussi alarmante, le baron de Deckendorf, qui n’y va pas par quatre chemins, a fait une proposition radicale : la dissolution de la société ! L’assemblée pourtant n’a pas été de cet avis ; elle a simplement décidé la publication d’une « proclamation » par laquelle on inviterait le public allemand, et spécialement les personnes riches, à venir au secours de la société, qui a pour but de cultiver l’art du plus grand compositeur allemand. — Il faut toujours avoir la main à la poche, dans cette maison-là !

— En 1895 ont paru en Allemagne 6867 nouvelles compositions pour tous instruments, 3946 pour chant et 313 ouvrages sur la musique !

— À l’exposition nationale de Bavière qui se tient en ce moment à Nuremberg, on pourra étudier une expérience intéressante. Une salle d’exposition a été mise en communication, par téléphone, avec l’Opéra de Munich, et on croit que les visiteurs de l’exposition entendront fort bien de Nuremberg les œuvres jouées dans la capitale de la Bavière.

— Au Grand-Théâtre de Genève on a donné, le 18 juillet, la première représentation d’un opéra-comique inédit en un acte, le Vin de la cure, paroles de MM. Sarnette et Delécraz, musique de M. A. Krantz, professeur de flûte au Conservatoire de cette ville. Cet ouvrage paraît avoir omplètement réussi. — Au village suisse de l’Exposition, la société chorale Liederkranz a fait entendre avec succès une composition nouvelle, Sennen-Fakrten, scènes alpestres, dont l’auteur est M. F. Schneeberger, de Bienne, rédacteur du journal der Volksgesang.

— On prépare déjà, à Genève, les programmes des concerts d’abonnement pour la prochaine saison d’hiver. Parmi les noms des virtuoses qui se feront entendre on cite ceux de trois artistes français, MM. Saint-Saëns, Risler et Brun, puis ceux de MM. Carl Reinecke, Petchnikoff, etc.

— Les Italiens sont décidément infatigables, et les ardeurs de l’été font éclore chez eux autant d’opéras nouveaux que les rigueurs de l’hiver. Nous avons ainsi à enregistrer la naissance de deux œuvres nouvelles. À l’Eden de Milan, sorte de « Moulin-Rouge » transformé pour la circonstance en véritable théâtre, on a donné, le 20 juillet, la première représentation d’une « idylle joyeuse » en deux actes, Strategia d’amore, paroles de M. C. A. Blengini, musique de M. Romuald Marenco, compositeur qui n’était connu jusqu’ici que par la musique de nombreux ballets tels que Sieba, Excelsior, etc., que nous avons pu apprécier sous ce rapport il y a quelques années, lors de la vogue éphémère de notre propre Éden, aujourd’hui défunt. Strategia d’amore avait pour interprètes Mme Perigozzi, le ténor Quadri et le baryton Rebonati. — D’autre part, à Savona, le théâtre Chiabrera a eu la primeur d’un opéra sérieux en un acte, la Tradita, dont le maèstro Giacomo Medini a écrit la musique sur un livret de M. Giacomo Schianelli. Ici le succès, d’après les journaux, a paru prendre les proportions d’un triomphe.

— Il paraît qu’à Parme un grave différend s’est élevé, disent les journaux, « entre les musiciens professionnels et les professeurs du Conservatoire, qui acceptent de faire partie de l’orchestre du théâtre Reinach, ce qui porte préjudice aux intérêts des premiers. » Ceci tendrait à faire croire qu’un professeur au Conservatoire n’est pas un professionnel, ce qui peut sembler singulier. D’autre part, est-ce que les appointements de professeur au Conservatoire de Parme sont tellement brillants qu’on n’ait qu’à se croiser les bras en dehors des heures de leçons ?

— À Venise, dans un concert donné par la société Giuseppe Verdi, on a exécuté, sous la direction de l’auteur, une grande cantate de M. Riccardo Drigo, dont les soli étaient confiés, à défaut de M. Kaschmann, indisposé, au baryton Scaramella. M. Riccardo Drigo est un compositeur italien depuis longtemps fixé à Saint-Pétersbourg, où il s’est fait une véritable renommée en écrivant la musique de nombreux ballets, entre autres celui qui a été représenté récemment à l’occasion des fêtes pour le couronnement du czar.

M. LuigiTorchi, président de la célèbre Académie philharmonique de Bologne, vient de publier sous ce titre : Commemorazione di Alessandro Busi (Bologne, typographie royale, in-8o de 32 p.), la notice lue par lui en séance de cette Académie sur cet artiste modeste autant que distingué. Busi était un compositeur non sans talent, mais surtout un excellent théoricien, qui fut pendant longues années professeur de contrepoint, de composition et de chant au lycée musical de Bologne. La notice de M. Torchi dépeint bien la vie tranquille et laborieuse de ce bon serviteur de l’art, cette existence consacrée tout entière à cet art qu’il chérissait et auquel il dut ses plus vives et ses plus nobles jouissances.

A. P.

— On annonce déjà, pour la prochaine saison de carnaval-carême à la Scala de Milan, les engagements de Mme Ehrenstein, des ténors Borgatti, Duc et De Lucia, du baryton Camera et de la basse Scarneo. Le chef d’orchestre sera M. Vittorio-Maria Vanzo.

— C’est les mardi 6, mercredi 7, jeudi 8 et vendredi 9 octobre prochain qu’aura lieu à Norwich, dans la salle Saint-André, sous le patronage de S. M. la reine Victoria, du prince de Galles, et de tous les princes et les princesses de la famille royale, le vingt-cinquième festival musical triennal. La liste des œuvres qui seront exécutées à ce festival comprend Jephté, oratorio de Hændel, la Rose de Sharon, cantate de M. Mackenzie, Peer Gynt, d’Édouard Grieg, Elie, oratorio de Mendelssohn, la Rédemption, de Gounod, Fridolin, cantate de M. Alberto Randegger, Fidelio, de Beethoven, Ero e Leandro, de M. Luigi Mancinelli, et enfin le troisième acte de Lohengrin, de Wagner. Les artistes engagés pour l’exécution de ce programme substantiel sont Mmes Emma Albani, Izard, Ella Russel, et MM. Edward Lloyd, Reginal Brophy, Ben Davies, le fameux violoniste tchèque Tivadar Nachez, l’organiste Bennett, Watkin Mille, Andrew Black, etc. C’est M. Alberto Randegger qui sera le conductor du festival.

— Les principaux amateurs de Londres viennent de former un syndicat pour organiser une campagne d’opéra dans la capitale anglaise pendant la saison prochaine. Comme « directeur », c’est-à-dire chefs responsables de l’administration, figurent lord Grey et M. H.-V. Higgins, un avoué mélomane ; M. Faber, titulaire du bail de Covent-Garden, sera nommé troisième administrateur délégué dès que la location du théâtre de Covent-Garden sera chose décidée. La direction artistique sera confiée à M. Maurice Grau, directeur du Metropolitan Opera House de New-York, qui est en fort bons termes avec les principaux artistes et les grands éditeurs de musique européens, et auquel plusieurs chanteurs de tout premier ordre ont déjà promis leur concours.

— Nous avons annoncé l’année dernière que le célèbre ténor anglais Sims Reeves venait de convoler en secondes noces à l’âge de soixante-treize ans. Aujourd’hui l’artiste, qui n’a pas cessé de chanter, annonce la naissance d’un fils. C’était à prévoir !

— On annonce pour le mois d’octobre prochain l’ouverture à Jassy (Roumanie) d’un nouveau théâtre, qui sera, paraît-il, consacré à l’opéra français. Plusieurs engagements d’artistes sont déjà signalés, entre autres celui de Mlle Della Rogers qui, ces deux dernières années, remporta de brillants succès à la Scala de Milan, où elle créa Ratcliff.

— Chacun sait ce qu’est l’activité des Américains. Un qui ne flâne pas, c’est un certain Henry Clay, qui rendrait des points au regretté défun Augustus Harris. Celui-là est propriétaire et directeur, dit-on, de cinq théâtre aux États-Unis ; mais ça, c’est la moindre de ses occupations. Il est en outre à la tête d’une fabrique de produits pharmaceutiques, d’une photographie modèle et d’une puissante maison d’édition, il publie un Annuaire dramatique et un journal important, il dirige une grande maison de banque, il est l’homme d’affaires de Mme Duse, la célèbre actrice italienne, et enfin il est membre de la Chambre des représentants. En voilà un qui ne doit pas être partisan de la journée des trois huit !

— De Durban, dans l’île Natal, où la musique commence à avoir de nombreux adeptes, on nous signale les succès d’une pianiste mauricienne de talent, Mme de Letowska.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

Voici la liste des dons et prix particuliers dont bénéficient plusieurs lauréats des derniers concours du Conservatoire :

Legs Nicodami, 500 francs, à MM. Joly, premier prix de basson, et Delfosse, premier prix de trompette ; — Prix Guérineau, 300 francs, à M. Beyle et à Mlle Guiraudon, premiers prix d’opéra ; Prix Georges Hainl, 900 fr., à M. Desmonts, premier prix de violoncelle ; — Prix Popelin, 1.200 fr., à Mlles Hansen, Toutain, Varin et Rigalt, premiers prix de piano ; — Prix Henri Herz, 300 francs, à Mlle Juliette Toutain, premier prix de piano ;

Enfin le prix donné, en mémoire de son mari, par Mme Ambroise Thomas, aux lauréats des classes de solfège, a été réparti entre MM. Lepitre, Leclerc et Lermyte, et Mlles Novello, de Orelli, Ploquin, Ingelbrecht, Kastler, Pestre, Truch, Fouchier et Guyon.

M. Théodore Dubois a quitté Paris hier samedi, se rendant à Rosnay, près de Reims, où il va passer ses vacances. M. Théodore Dubois reviendra à Paris vers la fin du mois de septembre pour préparer la rentrée des classes du Conservatoire.

— Avant de quitter définitivement le Conservatoire pour se rendre d’abord dans ses îles de Bretagne, si chères à l’auteur de Mignon, puis pour s’installer avenue Victor-Hugo, Mme Ambroise Thomas a tenu à remettre elle-même, entre les mains de M. Théodore Dubois, l’admirable dessin du portrait de Cherubini par Ingres, que ce maître avait donné à Ambroise Thomas et que celui-ci a légué au Conservatoire. De plus, en souvenir de l’intérêt que le maître regretté a toujours porté aux classes de solfège, pour lesquelles il a consacré une série de leçons considérées comme des modèles, Mme Ambroise Thomas a donné, ainsi qu’on l’a vu plus haut, une somme de cinq cents francs destinée à être répartie cette année entre les élèves chanteurs et instrumentistes ayant remporté la première médaille de solfège.

— Il est fort probable que M. Francis Planté, qui a traversé Paris cette semaine, en parfaite santé, viendra s’y faire réentendre durant la prochaine saison. Ce sera là, pour d’aucuns, une excellente occasion de faire plus juste connaissance avec le merveilleux talent du célèbre virtuose.

Mlle Van Zandt, se rendant au Mont-Dore, a également passé par Paris cette semaine.

— La Société des auteurs et compositeurs dramatiques vient d’arrêter son exercice 1895-1896, dans lequel nous constatons que les recettes des théâtres de Paris sont en augmentation sur la précédente année de 902.915 fr. 15 c., et que le chiffre des droits d’auteurs, toujours à Paris, est également en augmentation pour un chiffre de 112.788 fr. 50 c. Dans les départements, il a été perçu 945.138 fr. 72 c., soit 21.103 fr. 89 de plus que l’exercice précédent. Les théâtres de banlieue ont produit 98.060 fr. 70 c. de droits, également en augmentation de 3.681 fr. 90 c. Quant aux cafés-concerts, l’augmentation a été de 27.728 fr. 25 c., avec une recette de 156.695 fr. 35 c. Soucieuse des droits des auteurs à l’étranger, la Société a encaissé en plus, sur l’année précédente, 8.876 fr. 80 c. Voici d’ailleurs, par le détail, l’intéressant tableau des recettes réalisées en regard de celles de l’exercice précédent :

1894-95 1895-96
fr. c. fr. c.
Opéra 
3.109.209 42 3.272.875 36
Comédie-Française 
2.061.265 15 2.141.339 28
Opéra-Comique 
1.539.363 30 1.492.732 30»
Odéon 
545.301 25 517.947 55
Renaissance 
1.325.308 75 822.014 55»
Vaudeville 
1.333.620 55 1.241.132 40
Variétés 
982.281 50 1.253.883 40»
Gymnase 
665.700 75 1.103.821 75
Palais-Royal 
642.704 20 770.786 75»
Nouveautés 
660.228 50 651.801 50
Porte-Saint-Martin 
816.703 50» 993.118 50
Gaîté 
869.824 75 1.167.785 25
Ambigu 
587.792 95 565.082 25»
Châtelet 
953.441 75 1.052.766 75
Bouffes-Parisiens 
560.008 75 415.611 25
Folies-Dramatiques 
448.542 85 314.603 95
Cluny 
365.140 50 313.529 75
Théâtre de la République 
319.200 85 314.603 95
Menus-Plaisirs 
106.868 25 135.564 95»
Déjazet 
134.363 55 120.389 10
Bouffes-du-Nord 
146.658 55» 120.389 75
Folies-Marigny 
146.658» 55» 24.272 75»
Folies-Bergère 
1.132.863 65 1.099.516 70
Folies-Voltaire 
14.994 50 1.740 55
Théâtre Mondain 
14.994» 50» 2.620 50
Théâtre d’Application 
24.376 50» 13.098 50»
Tour Eiffel 
21.033 50» 19.143 20
Comédie-Parisienne 
6.593 65 97.671 50
Casino de Paris 
574.865 50 687.556 75
Olympia 
494.350 75 629.350 25
Parisien 
25.839 50 629.350» 25»
Eldorado 
169.767 25 19.025 50
Total 
20.638.292 39 21.541.208 34

— D’autre part, l’annuaire de la même société, qui vient de paraître, nous donne la liste des sociétaires admis durant l’exercice 1895-1896. Ce sont MM. Edmond Rostand, Edmond Missa, Alfred Delilia, Albert Barré, Paul Hervieu, Edgard Pourcelle, Georges Hartmann et Alphonse Duvernoy. Parmi les membres appelés à toucher la pension à dater de cette année, nous relevons les noms suivants : Erckmann (Émile), né le 20 mai 1822. Thomas (Louis), dit Lafontaine, né le 29 mai 1824. Mistral (Frédéric). né le 8 septembre 1830. Chivot (Henri), né le 13 novembre 1830. Rochefort (Henri), né le 30 janvier 1830. Meilhac (Henri), né le 21 février 1831. Véron (Pierre), né le 19 avril 1831. Sardou (Victorien), né le 7 septembre 1831. Busnach (William), né le 7 mars 1832. Mme Perronnet (Amélie), née le 8 avril 1832. Lecocq (Charles), né le 3 juin 1832. Scholl (Aurélien), né le 14 juillet 1833. Hermil (Édouard), dit Milher, né le 25 septembre 1833. Halévy (Ludovic), né le 1er janvier 1834. Pailleron (Édouard), né le 17 septembre 1834. Saint-Saëns (Camille), né le 9 octobre 1835. Blau (Édouard), né le 30 mai 1836. Blum (Ernest), né le 15 août 1836.

La Société des auteurs dramatiques compte actuellement 306 sociétaires et 2.087 membres stagiaires. Enfin, pour ceux qui s’intéressent à la production dramatique, la société a enregistré, pour 1895, 594 pièces nouvelles.

Mlle Augusta Holmès travaille en ce moment à une féerie lyrique en trois actes et cinq tableaux : la Belle Roncerose. Mlle Holmès, selon son habitude, écrit le poème et la musique de cet ouvrage, dont le scénario détaillé est entièrement achevé depuis la fin de l’année 1894.

— Les concerts Lamoureux feront leur réouverture, au cirque des Champs-Élysées, le dimanche 11 octobre prochain, par un festival populaire dont le programme sera redonné le dimanche suivant. Le premier concert de l’abonnement aura lieu le dimanche 25 octobre. Le personnel choral et instrumental comprendra 250 exécutants.

M. Georges Grisier est, depuis mercredi, directeur du théâtre des Menus-Plaisir, qu’il dirigera concurremment avec celui des Bouffes-Parisiens. M. Grisier jouera sur cette scène tous les grands succès de l’opérette, interprétés par des artistes de la salle du passage Choiseul. Le secrétariat des théâtres des Bouffes-Parisiens et des Menus-Plaisirs sera confié à notre excellent confrère M. Georges Mathieu.

— Très gros succès, vendredi, à l’Exposition du théâtre et de la musique, pour le second grand festival, donné sous la direction de M. Achille Kerrion et dont toute la première parti était réservée à l’audition des œuvres de M. Théodore Dubois. Cette première partie comprenait une suite d’orchestre de la Farandole ; l’aubade de Xavière ; Dormir et rêver ; Nous nous aimerons, fort joliment chantés par M. Devilliers ; une Méditation religieuse d’un grand style et d’un beau caractère, dont le solo de violon a donné au talent de M. Laforge l’occasion de se manifester dans toute son ampleur ; enfin, une remarquable sélection du second acte d’Aben-Hamet (prélude orchestral, chant mauresque et duettino, finale avec chœurs), dont les soli étaient chantés par Mmes Denante, Morena Ibanez et Stéphanie Kerrion, MM. Devilliers, Daraux et Manson. L’effet a été très grand et le public, très nombreux, a manifesté sa satisfaction de la façon la plus bruyante, en applaudissant vigoureusement l’auteur, présent à la séance, et ses excellents interprètes. On a applaudi aussi, dans la seconde partie, les Pizzicati de Sylvia, dits par l’orchestre avec beaucoup de délicatesse, l’air du Chevalier Jean, fort bien chanté par Mme Morena Ibanez, et l’air de Samson et Dalila, qui a fait valoir la voix superbe de Mlle Kerrion.

A. P.

— La distribution des prix de l’excellente École de musique classique fondée par Niedermeyer et si bien dirigée par son gendre, M. Gustave Lefèvre, a eu lieu le 27 juillet. La séance s’est ouverte par un intéressant discours du directeur, dans lequel celui-ci a recommandé à ses élèves de ne jamais oublier leur origine et de rester, toujours et quand même, des musiciens français, soucieux de maintenir les traditions nationales, celles que comporte le génie de leur pays et que certains ont trop de penchant à oublier aujourd’hui. « Les études classiques, leur a-t-il dit, n’ont d’autre but que d’élargir vos connaissances, de vous enseigner les procédés utiles, de fortifier votre idéal, de vous faire connaître ce qui a été fait, écrit, pensé par les maîtres qui vous ont précédés, par ceux qui, musicalement, parlaient glorieusement la langue de leur race et de leur pays. » Le jury était composé de MM. Ravina, Delioux, Guilmant, de Boisjolin, Colomer, William Cart, Planchet, Busser, Caftot, Froment, Morichelle et des professeurs de l’École. La distribution a été précédée d’un concert dans lequel se sont fait entendre les lauréats des classes de piano, orgue et accompagnement. Parmi les élèves qui ont obtenu les principales récompenses, nous citerons les noms de MM. Palanque, Guillaume, Massuelle, Frontin, Ott, Martin, Altenberger, etc., qui font honneur à l’enseignement de leurs professeurs, MM. G. Lefèvre, Alexandre Georges, Ch. de Bériot, Savoye, Loret, Stoltz et Paul Viardot. Le prix d’honneur accordé par le ministre des beaux-arts a été attribué à l’élève Georges Palanque.

— À l’école Beethoven, fondée et dirigée par Mlle Balutet, a eu lieu la séance d’examens pour l’obtention des certificats de capacité à l’enseignement du piano. Le jury, composé de MM. Guilmant (président), X. Leroux, H. Maréchal, G. Marty, Ch. René, P. Braud, a reçu les élèves suivantes : Piano (élémentaire), Mmes de Saline, S. Scailliet, A. de Guerny, J. Valland ; Harmonie (supérieure), A. Boucher, M. Longhurst.

— Très belle et très artistique matinée de clôture chez Mme Lafaix-Gontié. À signaler l’air de la folie d’Hamlet, chanté par Mlle Hortense D., celui de Salomé dans Hérodiade, très bien dit par Mlle Alphonsine P., et Ah ! qui brûla d’amour, par Mlle Gabrielle D. du S. qu’accompagnait l’exquis violoncelle de M. Choinet. Enfin, succès pour trois nouveaux morceaux du maître Charles Dancla : une transcription pour violon d’un Nocturne de Chopin, puis le Slave, et enfin la Gazelle, que le maître a enlevés avec une admirable maestria. M. Davrigny apportait aussi, à cette attrayante réunion, le concours de son talent.

— Je reçois de Belgique le second volume de l’excellent et précieux Catalogue descriptif et analytique du Musée instrumental du Conservatoire royal de musique de Bruxelles, dont l’auteur est M. Victor-Charles Mahillon, conservateur du Musée. Ce second volume est à la hauteur du premier, et l’ensemble forme un répertoire vraiment admirable, auquel on ne saurait accorder de trop sincères éloges. La compétence de l’auteur, ses connaissances si étendues en instrumentologie (pardon du néologisme)), l’excellence de sa classification, la conscience et le soin qu’il apporte dans la rédaction de ses notices si claires et si substantielles, enfin le secours qu’il demande, pour compléter son texte, aux nombreuses figures prodiguées par lui de tous côtés, tout concourt à faire de cet ouvrage un modèle à suivre et comme une sorte de petit-chef-d’œuvre en son genre, qui laisse bien loin derrière lui tout ce qui a été fait jusqu’à ce jour dans cet ordre d’idées. Voilà un livre qu’on peut recommander sans se compromettre, et qui apporte vraiment avec lui une somme de connaissances nouvelles et intéressantes. On n’en saurait dire autant de tous ceux qui paraissent chaque jours, même — et surtout — sur la musique.

A. P.

— On nous télégraphie de Metz que la rue de la Cathédrale est définitivement débaptisée. Les ouvriers ont installé des plaques bleues portant, l’une en allemand, l’autre en français, le nom d’Ambroise Thomas.

— Au Casinon de Vichy, réussite complète pour Werther et ses deux principaux interprètes, Mlle Wyns et M. Leprestre, qui ont supérieurement rendu l’œuvre attachante de Massenet. Quelques jours auparavant Manon avait également triomphé, avec le même M. Leprestre, M. Montfort et Mlle Merguillier.

— Au Casino Club, de Cauterets, continuation des triomphes de l’orchestre Danbé. Au 6e concert, le public a bissé les Pizzicati de Sylvia, la Méditation de Thaïs, jouée par M. Italiander, et les stances de Lakmé, chantées par M. Fournets. Très gros succès aussi pour l’air du Cid, chanté par Mlle Brusac, et pour Pensée d’automne, chantée par Mlle Bogey.

— À Rouen, grand succès pour le festival Joncières et Pierné, à l’Exposition, qui a valu de chaleureux applaudissements à Mlle Pacary, Mme Roger-Miclos, MM. Paz et Albert Lambert fils. L’orchestre et les chœurs, sous l’habile direction de M. Brument, ont eu une large part dans le succès de cette intéressante soirée musicale.

— À Nevers, salle Vauban, Mme Combrisson, professeur émérite, vient de donner un audition des œuvres de L. Filliaux-Tiger. L’exécution a été excellente ; aussi les applaudissements n’ont pas manqué au professeur et au compositeur. Parmi les morceaux les plus applaudis, citons Source capricieuse, Crépuscule et Roman d’Arlequin, de Massenet, Vieille Chanson, quatre mains, et Danse russe, d’Armingaud, brillamment exécutés.

— On nous écrit de Châteauroux pour nous signaler le grand succès obtenu par l’audition des élèves de l’institution de Mlles Turmeau. On a applaudi Mlles M. L. et L. B. (Dimanche matin es Scènes alsaciennes, Massenet) ; B. G. (L’oiseau s’envole de Paul et Virginie, V. Massé) ; A. D. (l’Âme des oiseaux, Massenet) ; M.-L. T. (Entr’acte-gavotte de Mignon pour violon, A. Thomas) ; G. N. et A. M. (duo du Roi l’a dit, Delibes) ; G. T. (Pourquoi ? de Lakmé, Delibes) ; M. B. (Souvenir, Lack) ; V. M. (le Missel, Faure) ; M. A., E. N. J. B. et L. G. (Roman d’Arlequin, Massenet) ; C. N. (Source capricieuse, Filliaux-Tiger) ; M. L. et L. B. (ROmance et Guitare de Conte d’avril, Widor) ; B. T. (Légende de Saint François d’Assise de Xavière, Th. Dubois) ; J. P. (Musette du xviie siècle, Périlhou) ; E. P. (l’Oiseau-mouche, Lack) ; G. N. (Expansion de Xavière, Th. Dubois), et aussi les cours de chant d’ensemble dans les Pantins, de Blanc et Dauphin, l’Ave Maria de Gounod et les chœurs d’Athalie de Mendelssohn.

— Pour la Fête de l’Adoration, Mme Ge Lebaudy a fait exécuter, en la coquette église de Rosny-sur-Seine, une messe inédite de M. Ferdinand Schneider. L’œuvre, ou passe un souffle vraiment religieux, est écrite suivant les grandes traditions. Exécution remarquable : chœurs, soli et orchestre composés exclusivement de lauréats du Conservatoire.

— Le Salut solennel organisé en la petite église de Vaux (Seine-et-Oise) par Mmes De Marochetti et Girard, a été des plus réussis. Parmi les numéros à sensation il convient de citer Charité, de Rossini, les soli de Mlle Vormèse, l’habile violoniste, le quatuor du Stabat de Mme de Grandval, l’Extase, de Salomon, chantée par M. Séguy, l’Inflammatus de Rossini, par Mme Marie Morel, et le Crucifix, de Faure, par Mme Girard et M. Paul Séguy et, par ce dernier seul, l’O Salutaris du même auteur.

NÉCROLOGIE

Dans sa villa de Gênes s’est éteint Joseph-Alfred Novello, à l’âge de 86 ans. Né à Londres en 1810, il débuta d’abord comme basse chantante et se fit ensuite, à l’âge de 19 ans, éditeur de musique. Sa maison devint bientôt prospère ; il fut nommé fournisseur de la cour par la reine Adélaïde et commença, en 1836, la publication du journal the Musical World. Novello publia un grand nombre de compositions classiques et révolutionna le commerce de musique en Angleterre par la publication de son Manuel choral (Choral Hand-Book) au prix de trois pence 30 (centimes) la page. Il publia aussi beaucoup de chansons pour amateurs, et ses trois sœurs, excellentes chanteuses, l’aidaient beaucoup en propageant surtout les chansons publiées par leur frère. En 1844, Novello commença la publication du Musical Timas, qui est resté fort vivant. Quelques années plus tard, en 1850, Novello adressa à la Chambre des communes sa fameuse pétition demandant l’abolition de l’impôt inique qui grevait alors, en Angleterre, le papier, les annonces et les journaux, et il eut la satisfaction d’obtenir gain de cause. En 1857 Novello prit sa retraite, bien gagnée, et vécut d’abord à Nice et ensuite à Gênes, d’où il suivait avec intérêt la mason et les journaux qu’il avait fondés.

Bn.

— À Padoue vient de mourir, à l’âge de 80 ans, un artiste qui s’était fait en Italie une certaine réputation comme compositeur, chef d’orchestre et professeur de chant, Achille Graffigna, né à San Martino dall’Argine le 5 mai 1816. Ancien élève de Rolla au Conservatoire de Milan, il avait à peine 18 ans qu’il était engagé comme chef d’orchestre au théâtre de Cagliari. Il continua pendant quarante ans cette carrière de maestro concertatore’tout en faisant représenter, d’ailleurs sans grand succès, d’assez nombreux ouvrages dont voici la liste : un Lampo d’infedeltá ; Ildegonda e Rizzardo (Milan, 1841) ; Eleonora di San Bonifacio (Vérone) ; Mignon e Fanfan (1844) ; gli Ultimi Giorni di Suli (Odessa) ; Ester d’Engaddi (Odessa) ; i Due Rivali (Mantoue) ; Maria di Brabante (Trieste, 1852) ; l’Assedio di Malta (Padoue, 1853) ; Veronica Cybo (Mantoue, 1858), qu’il fit représenter à Paris en 1865, sur notre Théâtre-Italien, avec un fiasco complet, sous le titre de la Duchessa di San Giuliano ; il Barbiere di Siviglia (Padoue, 1879) ; il Matrimonio segreto (Florence, 1883) ; la Pazza per progretto (Lucques, 1884) ; la Buona Figliuola (Milan, 1886) ; i Nipoti del borgomastro (Florence, 1887) ; Mandragola (Turin, 1888). À tout cela il faut ajouter un ballet, la Conquista di Granata, représenté à Milan en 1839, puis plusieurs messes et un assez grand nombre de mélodies vocales.

— À Vienne, vient de mourir, à l’âge de 60 ans, le baron Victor de Rokitansky, ancien professeur de chant au Conservatoire de cette ville. Son père était le célèbre médecin Charles, baron de Rokitansky, qui fut professeur de pathologie à l’université de Vienne, et sa mère avait été une excellente cantatrice. Deux de ses fils ont hérité du talent maternel : le baron Hans, basse chantante à l’Opéra royal de Londres et à l’Opéra impérial de Vienne, qui se maria à Londres avec une fille du fameux Lablache, et le baron Victor, doué d’une très belle voix de ténor. Tandis que son frère aîné poursuivait sa brillante carrière théâtrale, le baron Victor de Rokitansky, après des débuts excellents, ne put surmonter l’aversion qu’il éprouvait pour la scène et se consacra à l’enseignement. Pendant neuf ans il fut professeur de chant au Conservatoire, où il obtint des succès éclatants ; il fonda ensuite une école de chant à Vienne, école qui a fourni plusieurs chanteurs et chanteuses de renom. Les grandes familles de Vienne le choisissaient de préférence comme professeur de chant, et l’archiduc Eugène, grand-maître de l’Ordre teutonique, doué lui-même d’une belle voix de baryton, compte parmi ses élèves les plus brillants. Le baron Victor Rokitansky a publié un grand nombre de mélodies et de compositions religieuses donnant la preuve d’un talent agréable. — O. Bn.

— La Russie vient de perdre un artiste fort estimable. À Ligowo, près de Saint-Pétersbourg, est mort le compositeur Alexandre Serguewitch Famintzine, qui s’est fait connaître d’abord par la publication d’un certains nombre de morceaux de piano et de pièces de musique de chambre favorablement accueillis par le public, et qui ensuite s’est essayé au théâtre. Au mois de décembre 1875 il faisait représenter au théâtre Marie, de Saint-Pétersbourg, un grand opéra en trois actes intitulé Sardanapale, dont le succès, d’abord très grand, ne s’est pas soutenu. Plus tard, il donna un autre ouvrage dramatique sous le titre d’Uriel Acosta. Famintzine a rempli aussi les fonctions de critique musical dans un des principaux journaux de la capital russe, et ses articles faisaient, dit-on, honneur à son goût et à son savoir.

— De Bâle on annonce la mort, à l’âge de 73 ans, d’un artiste distingué, M. Bagge, directeur du Conservatoire de cette ville et compositeur.


Henri Heugel, directeur-gérant.