Nouvelles lettres intimes (Renan)/82
née Zamoyska, à Niechanow, près Gnesne, grand-duché de Posen. (Pour mademoiselle Renan.
Nous ne sommes plus qu’à quelques heures l’un de l’autre, chère amie. Je suis arrivé hier soir à Berlin, conformément au plan que je m’étais proposé, après un voyage sans incident. C’est donc samedi ou dimanche que se réalisera notre bonheur. Je ne vis plus que d’attente et de désir. Que ces trois jours vont me paraître longs et insupportables ! Écris-moi tout de suite pour m’apprendre définitivement l’heure et le jour notre réunion. Quelquefois j’aurais envie de t’attendre à l’hôtel, pour ne pas profaner nos premiers embrassements dans l’effroyable bagarre du débarquement d’un chemin de fer. Mais je désespère d’avoir cette patience. Dis-moi donc bien exactement l’heure de ton arrivée. Ta chambre sera prête pour le jour que tu m’indiqueras. Je suis descendu à l’hôtel de Rome, sous les Tilleuls, qui m’avait aussi été indiqué à Paris. Je l’écris ces lignes dès mon réveil, avant d’avoir été à la poste prendre la lettre que j’y dois trouver poste restante ; mais je ne fermerai celle-ci qu’après l’avoir lue, pour y répondre, s’il en est besoin. Adresse la prochaine, hôtel de Rome. Dans les derniers jours de mon séjour à Paris, on m’a fait des ouvertures pour les années prochaines, d’une grande importance. Je ne t’en parle pas, nous on causerons ; je te dis seulement que l’avenir s’ouvre bien, et que tout l’embarras sera d’opter. A bientôt, ma très chère amie ; donne-moi dans ta lettre tes dernières instructions ; sois heureuse, et ne te tracasse de rien : nous réglerons tout a ton arrivée. Arrive surtout le plus tôt possible.
[Au crayon]. Après la lettre reçue. J’ai éprouvé un moment de terreur en voyant ta lettre timbrée de Varsovie. Maintenant je suis rassuré, craignant bien pourtant que notre bonheur ne soit retardé de quelques jours par le voyage de la comtesse. Qu’importe ? Il n’en est pas moins assuré.