Observations sur la composition de l’Ammoniaque, lues à l’Institut le 24 mars 1808
Institut.
24 mars 1808
L’objet de ce travail est de rechercher l’oxigène que, d’après les expériences de M. Davy, l’ammoniaque doit contenir dans la proportion de 20 sur 100.
Un passage de la Bibliothèque britannique (T. 36. p. 393) dont le sens est trop obscur pour indiquer comment on peut exécuter les expériences qu’il fait connoître, renferme tout ce que l’on sait sur la manière dont M. Davy a dû opérer. Il a donc été impossible de suivre la même voie que cet illustre physicien. Mais la quantité d’oxigène que l’on doit trouver est si considérable, que l’imperfection des procédés ne peut entièrement déguiser la présence de ce corps. Il est même remarquable que les anciennes analyses n’offrent aucune trace de l’erreur considérable qu’on a dû commettre par l’omission d’un de ses principes.
Pour s’assurer que ces analyses ne sont point affectées par ce déficit, l’auteur applique aux résultats publiés en 1785, par M. Berthollet le père, confirmés depuis par le docteur Austin, et 15 ans après par M. Dayy lui-même, les densités des gaz hydrogène et azote déterminées par MM. Biot et Arrago, et il compare les proportions d’hydrogène et d’azote qui résultent de là avec la densité de l’ammoniaque, que les observations de M. Kirwan, celles de M. Davy, et celles plus récentes de MM. Biot et Arrago, fixent d’une manière précise. L’accord qui règne entre ces diverses déterminations, ainsi que le calcul du pouvoir réfringent paroissent indiquer que les quantités d’hydrogène et d’azote admises dans l’ammoniaque, s’éloignent peu de la vérité, et ne sont pas favorables à l’assertion de M. Davy. Cependant en mettant à cette analyse les soins et l’exactitude que la perfection des instrumens et des procédés a introduits dans ces opérations, il étoit possible que l’on fût conduit à des résultats différens.
L’auteur a donc cru devoir la répéter par les moyens les plus directs. Dans cette intention, il a déterminé l’expansion que reçoit le gaz ammoniaque, lorsque, par l’effet de commotions électriques longtems répétées, ses élémens ont repris l’élasticité qui leur est naturelle. L’analyse du mélange gazeux qui est le résultat de cette opération, a appris ensuite la nature et la porportion[sic] des substances qui le composent. La moyenne d’un grand nombre d’expériences indique que, lorsque l’ammoniaque est décomposée par le fluide électrique, son volume augmente dans le rapport de 100 à 204 ; et que le gaz ainsi formé, est composé de 755 d’hydrogène, et 245 d’azote. D’où il suit qu’un litre de gaz ammoniaque donne 2.04 litres d’un mélange gazeux qui contient 1.54 litre d’hydrogène, et 0.50 litre d’azote. Or des nombres rapportés dans le mémoire de MM. Biot et Arrago sur le pouvoir réfringent des gaz, on déduit que à 0 de température, et sous une pression de 0.76 mètre, le litre de gaz hydrogène pèse 0.095 grammes ; le litre d’azote 1.259 grammes, et le litre d’ammoniaque 0.775 grammes. Ainsi la somme des poids d’hydrogène et d’azote extraits de 0.775 grammes d’ammoniaque, est 0.776 grammes : ce qui donne pour les proportions de l’ammoniaque exprimées en poids 18.87 hydrogène, 81.13 azote.
L’auteur tire de là cette conséquence : L’ammoniaque est composée d’hydrogène et d’azote, et l’on ne peut y trouver d’oxigène, à moins que, par des procédés inconnus jusqu’ici, on ne parvienne à en extraire des gaz qu’on a toujours regardés comme l’azote et l’hydrogène purs.
Le gaz recueilli en décomposant l’ammoniaque dans un tube de porcelaine incandescent contient les mêmes proportions d’hydrogène et d’azote que le précédent. Dans une expérience de ce genre où l’on a décomposé 20 litres de gaz ammoniaque avec toutes les précautions nécessaires pour condenser l’eau qui devoit se former si l’ammoniaque contenoit d’oxigène, on n’en a point obtenu. La décomposition par l’étincelle électrique ne laisse appercevoir aucune trace d’humidité, ni d’oxidation lorsqu’on emploie un excitateur de fer, et cependant l’un ou l’autre de ces effets seroit infailliblement produit s’il y avoît de l’oxigène dans l’ammoniaque.
On devoit regarder le fer comme un agent propre à faire reconnoître l’oxigène, et il étoit d’autant plus naturel d’avoir confiance en ses indications qu’on annonce qu’il a servi pour cet objet, à M. Davy. Mais ce métal soumis à la chaleur rouge à un courant de gaz ammoniaque n’a éprouvé qu’une augmentation de poids presqu’inappréciable. Il est en même tems devenu d’une fragilité extraordinaire : phénomène que l’auteur se propose d’éclaircir dans un mémoire particulier. Ce fer dissous ensuite par l’acide muriatique a donné la proportion d’hydrogène que l’on obtient ordinairement. Les proportions d’hydrogène et d’azote extraites de l’ammoniaque étoient les mêmes que dans les expériences précédentes. On ne peut néanmoins tirer de cette dernière expérience aucune induction relative à la présence de l’oxigène dans l’ammoniaque ; car ce gaz ramène complettement à l’état métallique l’oxide rouge de fer. L’hydrogène jouit également de cette propriété, lorsqu’on le fait passer sur l’oxide porté, dans un tube de porcelaine, a une température suffisamment élevée. Cet exemple remarquable des modifications que l’affinité reçoit, parle concours d’autres forces, avoit été apperçu par Priestley. Mais on s’étoit alors refusé à admettre un fait qui paroissoit inconciliable avec la doctrine des affinités.
Depuis que ce mémoire a été lu à l’Institut, MM. Thenard et Gay-Lussac ont soumis le gaz ammoniaque desséché a l’action du métal extrait de la potasse qui se comporte avec les autres gaz comme un corps doué d’une affinité pour l’oxigène égale à celle des agens les plus énergiques. Ils n’ont observé aucun indice d’oxidation. L’action réciproque du métal et de l’ammoniaque a cependant présenté à ces chimistes des phénomènes particuliers qu’ils ont déjà communiqués à l’Institut.