Octobre en fleur/1/027

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Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 38-39).

XXVII.

SOIR D’HIVER.


Sur le tapis fané de velours bleu,
S’effeuillent lentement les lourds et blancs pétales
De roses pâles.
Je regarde fleurir les tulipes du feu
Et les roses mourir, si frêles dans leur vase
Et j’écoute les pas des passants,
Et j’attends
Depuis longtemps.
Et je sais bien pourtant que l’heure de l’extase
Ne sonnera plus jamais pour moi, plus jamais,
Que celui que j’aimais
Humblement, lâchement, comme une esclave tendre,
Je ne dois plus jamais l’attendre.
Et le regret mêle au mépris
Un doux-amer arrière-goût d’angoisse.
Mais je me raidis et souris
D’orgueil et dans mes doigts brûlants je froisse

Les pétales des fleurs qui sentent pur et frais,
Comme l’haleine des jardins et des forêts.

Protège-moi contre le souvenir,
Le souvenir troublant comme un vin lourd d’ivresse,
Rose effeuillée, oh ! rafraîchis de ta caresse
Ma paume en feu ! Je n’ai plus d’avenir,
Je n’ai que le passé.
Et je ne sais
Si je veux oublier, mais je le dois, te dis-je,
Mon cœur ! Oh ! ce vertige
Qui monte du passé !