Octobre en fleur/2/019

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Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 64-65).

XIX.

SOIR D’AOÛT.


Les champs sont de velours et la lune est de cuivre,
Dans les plaines de lait du ciel immense et doux.
La forêt parle en rêve et son odeur m’enivre,
J’écoute son murmure et je tombe à genoux.

Mais je n’espère plus la parole qui sauve
Et qui rappelle au ciel mon cœur, ce dieu tombé.
Je regarde crouler une javelle fauve,
En un geste d’horreur, comme la Niobé.

Les gerbes sont debout, en long rang monotone.
Une seule a fléchi comme un grand désespoir.
Je sens dans le vent triste un avant-goût d’automne
Qui se mêle en mon âme au mystère du soir.

Et l’automnal souci mêle une haleine amère
À la plaintive cantilène des forêts.
Comme un enfant peureux qu’abandonna sa mère,
Mon cœur pleure un bonheur qui lui semblait tout près.


Dans le ciel blanc la lune a des rougeurs de forge
Et les gerbes ont l’air de pèlerins lassés.
Je voudrais bien pleurer, l’angoisse étreint ma gorge,
Mon cœur est lourd des pleurs que je n’ai pas versés.