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Octobre en fleur/2/040

La bibliothèque libre.
Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 91-92).
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XL.

AGONIE.


Dans la chambre voilée où l’Amour agonise,
J’entre, le cœur tremblant, comme dans une église,
Palpitant de douleur et de frayeur un peu.
Et ses doux yeux mourants, encor pleins de ciel bleu,
Se lèvent lentement et j’entends leur reproche.
— « Oh ! pourquoi, » disent-ils, « quand la mort semble proche
Me faut il si longtemps languir exténué
Et souffrir ? »
— « Mon Amour, c’est qu’il t’a mal tué.
La main de l’assassin tremblait d’émoi, peu sûre,
Mais je vois tout ton sang couler de ta blessure
Et tu mourras demain. »
— « Ose donc achever
Son œuvre ! »
— « Ô doux Amour ! je ne sais que rêver
Et chanter en pleurant ma chanson monotone,
Comme le vent plaintif dans la forêt d’automne.

Je sais bien qu’il serait moins lâche et moins cruel
De te frapper au cœur et d’éteindre le ciel
Qui rêve encor sous tes paupières demi-closes,
Que de venir ainsi, les mains pleines de roses,
Bercer ton agonie et baiser tes pieds nus
Et chanter, en pleurant, mes regrets ingénus.
Mais je t’ai trop aimé, je t’ai voué mon âme.
Et vois, ô mon Amour ! mes douces mains de femme,
Faites pour la caresse et pour le meurtre non. "

Et je tombe à genoux, implorant mon pardon.