Octobre en fleur/4/099

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Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 251-252).

XCIX.

LE GLAS.


L’air d’Avril, tiède et lourd, embaumant la jacinthe,
Trouble comme un appel mon cœur malade et las.
Mais le chant douloureux de la cloche qui tinte,
Ô cœur agonisant ! écoute, c’est le glas.

Laisse le rêve aimé de l’idéale étreinte,
Ô mon cœur qui, chantant, jadis te consolas !
Car l’appel grave et doux de la cloche qui tinte
N’est pas un chant d’amour, ô mon cœur ! c’est le glas.

Vois, c’est le crépuscule et non l’aube qui teinte
Le ciel tendre et voilé de rose et de lilas.
Vois, le soir va descendre et la cloche qui tinte
Ignore le printemps, elle tinte le glas.

Une colombe, au loin, roucoule encor sa plainte.
Sur mon cœur sanglotant je referme les bras.
Ô mon cœur désolé ! c’est la cloche qui tinte,
Non pour fêter l’Avril, mais pour pleurer ton glas.


Vois, la journée est morte et l’espérance éteinte —
Pourquoi m’as-tu brisée, ô dieu qui m’appelas ?
La brume rampe au ras du sol, la cloche tinte,
Non pour le renouveau, mon cœur, mais pour le glas.

Cire aux mains de l’Amour, tu gardas son empreinte
Et tu cherchas en vain le dieu cher ici-bas.
Le dieu cher est-il mort ? Et la cloche qui tinte,
N’est-ce pas pour l’Amour qu’elle sonne le glas ?

Mon cœur, on t’avait dit que la douleur est sainte
Et devant la douleur, pâle, tu t’inclinas.
Ne te révolte plus, c’est la cloche qui tinte.
Ô cœur qui meurs d’aimer, meurs enfin, c’est le glas.