La campagne a changé de face ;
La neige couvre les guérets,
Et les arbres de nos forêts
Tremblent sous sa pesante masse.
Les peuples des fleuves glacés
Dans le cristal sont enchâssés ;
Et, parmi la terre déserte,
Les animaux sans mouvement,
Après la faim qu’ils ont soufferte,
Se refont un nouveau tourment,
Et, tristes, regrettent la perte
Des jours de l’automne charmant.
Si parfois le soleil se montre
Et nous paroît étinceler,
Ses rayons d’or semblent geler
Ce qui sous leurs feux se rencontre.
Tout l’air se distille en glaçons,
Et, jusqu’au coin de nos tisons,
Il répand une âpre froidure ;
Les plantes en sont à mourir ;
Et, si l’agréable verdure
Ne vient bientôt les secourir,
On craint que toute la nature
Ne soit sur le point de périr.
Pour adoucir un peu la peine
Où nous tient ce temps rigoureux,
Nous buvons d’un vin savoureux
Soir et matin à tasse pleine.
Les repas sont fournis de mets
Meilleurs qu’on n’en servit jamais
Aux tables les plus délicates.
On garnit les appartements
De doubles châssis et de nattes ;
Et, les grands foyers s’allumants,
On sacrifie aux dieux pénates
Des victimes à tous moments.