Les Petits poèmes grecs/Anacréon/Ode XXVIII
Les Petits poèmes grecs, Texte établi par Ernest Falconnet, Louis-Aimé Martin, Desrez, (p. 246-247).
XXVIII.
À une jeune fille
Allons, peintre habile, toi qui règnes à Rhodes sur un art fameux, peins ma maîtresse absente, peins-la comme je vais te le dire. Peins d’abord des cheveux fins et noirs, et, si la cire le permet, qu’ils exhalent de doux parfums ; sur le côté des joues arrondies, peins des boucles flottantes, et sous une chevelure d’ébène, peins le haut d’un front d’ivoire ; aie soin de ne pas confondre et de ne pas séparer les sourcils : fais-les expirer insensiblement à leurs extrémités ; montre avec vérité ses yeux de flamme, azurés comme ceux de Minerve, humides comme ceux de Vénus ; peins son nez et ses joues en mêlant des roses avec du lait ; peins des lèvres où repose la persuasion et qui appellent le baiser ; sous un menton délicat, autour d’une gorge d’albâtre, que toutes les Grâces viennent folâtrer : revêts-la de pourpre et ne laisse voir qu’un peu d’attraits, indice d’un beau corps. Arrête, arrête, je la vois ! Ô portrait ! tu vas parler.