Odes (Horace, Leconte de Lisle)/II/18
Traduction Leconte de Lisle, 1873
Ni l’ivoire ni l’or ne font reluire les lambris de
ma maison ; les poutres de l’Hymettus n’y sont
point posées sur des colonnes taillées dans l’Africa
lointaine ; héritier inconnu d’Attalus, je n’habite
point son palais ; et de nobles clientes ne filent
point pour moi les pourpres Laconiennes. Mais je possède la bonne foi et une heureuse veine de
génie, et le riche recherche ma pauvreté. Je ne
demande rien de plus aux Dieux, ni davantage à
mon puissant ami, et je suis satisfait de mon unique
domaine Sabin. Le jour est chassé par le jour, et
les lunes nouvelles disparaissent ; mais toi, près de
mourir, tu fais scier les marbres, tu oublies le tombeau,
tu construis des maisons, tu repousses au loin la
mer bruyante de Baiæ, ne te croyant pas assez
riche de ne posséder que le rivage. Quoi ! tu recules
les bornes des champs voisins, et, avare, tu franchis les
limites de tes clients ; emportant dans leur
sein les Dieux paternels, l’épouse, l’époux et les
enfants en haillons sont chassés par toi ! Aucun
autre palais n’est cependant réservé au riche, par la destinée finale, que celui du rapace Orcus. Où
veux-tu aller ? La terre s’ouvre également pour le
pauvre et pour les enfants des rois, et le satellite
d’Orcus, séduit par l’or, n’a point ramené le rusé
Prométheus. Il retient l’orgueilleux Tantalus et la
race de Tantalus. Qu’il soit invoqué ou non, il
entend le pauvre et le délivre de ses peines.