Odes (Horace, Mondot)/12

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Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 26-29).
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A AVGVSTE.


Ayãt loüé pluſieurs princes heroés,

Il chante la louange

d’Auguſte.


ODE XII.




CLion des Muſes la plus braue
À qui rends-tu ores eſclaue
Ta fluſte au bruit non enroüé,
Le chant qu’aux reſponds de ta lire
Tu fais ſi doucement redire,
À qui des Dieux l’as-tu voüé ?

Qui enfle ton flageol humide
Sur le mont voiſin de Phocide
Ou ſur le feſte Hémonien,
Ou de Pinde l’oſte des nues
Sur les hauteſſes recognues
De l’œil voiſin Arcadien ?

D’où les forests les plus espesses,
Suiuant les douceurs piperesses
D’Orphée, vindrent droit au son,
Tous arbres forçans leurs racines,
Et mesmes les vagues marines
Vindrent escouter sa chanson.

Mais que faut-il que i’entrelasse
Sur mon Luth, premier que la race,
Le los, l’honneur, & la maison
De Iupin, temperant le monde,
Les Dieux hautains, la terre, & l’onde,
Les ans, les iours, & leur saison ?

Il n’y eut oncq riẽ qui peust estre
Digne d’au sainct temple paroistre
Du ciel, passant toutes grandeurs,
Encor son large sein qui voûte,
N’eft riẽ prés ce Dieu qu’on redoute,
Duquel Pallas prend les honneurs.

L’aigu de ma voix yra fendre
L’air, ô Dieu Baccus pour espandre
Tes lierres rouges vineux,
Et toy divine chasseresse
De t’accoller mon vers ne cesse,
Ny de louer ton art heureux.

le veux tonner le braue AIcide,
Et les feux qui l’onde homicide
Apaisent, rasants les sillons,
Iumeaux, de Lede & qui secourent
Ceux qui les plains de Neptun’courẽt
Agitez de cent tourbillons.

Qui font que les eaux s’entrefrapẽt
Quand aus pieds des rochers s’atrapẽt
Ne permetants la nue errer

Que les vents font franchir carriere,
Qui brident la vague meurdriere,
L’orage & les flots de la mer.

Pendant que mon oreille escoute
Mes nerfs parlans, ie suis en doute
Quel ie dois mettre sur mon ton
Apres les Dieux : celuy qui Rome
Bastist, ou Pompile, ou qu’on nomme
Tarquin, ou bien le grand Caton.

Ou cil qui ayant la paupiere
Hors des yeux, voyant la lumiere
Du monde, parust aux enfers,
Ie veux dire Émile propice
À la Patrie, ou de Fabrice,
La force aux accents de mes vers.

Ie n’oubliray la teste noire
Curye, que la dent d’yuoire
N’a point touché, ny de l’espieu
L’adresse, & la maniere vtile
Aux assaux. Et quant à Camille
D’vn homme i’en feray vn Dieu.

Ainsi qu’au choir de la rosee
Sur le ieune arbrisseau posee
Il croist peu à peu hautement,
Ainsi reçoit ta renommee
Marcel, par ma plume animee
De iour en iour accroissement.


Cesar monstrant sa claire face,
En splendeur les Astres il passe,
Les Astres du grand ciel voûté,
D’autant que Phebe en face plaine
La nuict par la celeste plaine,
Les surmonte de sa clairté.

Pere saint qui sur nous regardes,
Qui de tous encombres nous gardes,
Et qui nous distiles ton miel,
Fais ie te pry’ que sa main forte
Le rond de ce Globe elle porte,
Tant que tu regneras au ciel.

Soit que de l’ennemie audace,
Qui du plus loing la mort nous brasse
Il rompe les desseins cruels,
Soit qu’ayant esteint l’estincelle
De quelque autre troupe rebelle,
Il soit digne de mille autels,

Il ne fera non,iamais faute
De confesser ta main plus haute
Faisant hommage à tes grandeurs
Tu auras le Ciel, le Tonnerre
Et luy gouvernera la terre
Ayants vous deux mesmes honneurs.