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Odes (Horace, Séguier)/I/28 - L’ombre d’Archytas et un matelot

La bibliothèque libre.
Odes et Épodes et Chants séculaires
Traduction par M. le Comte de Séguier.
A. Quantin (p. 37-39).

XXVIII

L'OMBRE D'ARCHYTAS ET UN MATELOT


        LE MATELOT

De la terre et des mers et des sables sans nombre
          Toi le mesureur, Archytas,
Faute d’un doigt d’humus, à Matine ton ombre
          Gémit. Vainement tu tentas

L’assaut des toits divins et parcourus la sphère,
          En esprit : tu devais mourir.

                                L’OMBRE

Tantale aussi mourut, des dieux hôte éphémère,
          Et Tithon qu’un char vint ravir,
Et Minos, confident de Jovis. Le Tartare
          Repossède Euphorbe, aux liens
D’Orcus : bien qu’attestant, par ce bouclier rare
          Qu’il détacha, les temps troyens,
Puis le seul abandon de sa chair à la Parque,
          Il est mort, ton fameux prôneur
Du beau, du vrai. Donc tous, nous attend même barque ;
          Oui, tous, même infernale horreur.
Les uns tombent, voués au noir dieu des batailles
          D’autres des mers goûtent le fond.
De vieillards et d’enfants les larges funérailles !
          Proserpine abat chaque front.
Au coucher d’Orion, moi, dans l’onde illyrienne
          L’essor du Notus m’a jeté
Mais toi, marin pieux, de quelques grains d’arène
          Couvre une tête, un corps resté
Sans sépulture. Alors, qu’aux forêts vénusines,
          En t’épargnant, passe l’Eurus,
Terreur des flots latins ! que les faveurs divines
          T’inondent de par Urius
Et Neptune, gardien de la sainte Tarente !
          Commettrais-tu, franc de remords,
Un crime qu’expierait ta lignée innocente ?
          Un juste dam, quelque affreux Nord

T’attend peut-être. Crains mes plaintes dédaignées ;
          Nulle offrande ne t’absoudrait.
Quoique pressé, la chose est simple : trois poignées
          De poussière, et vogue à souhait.