Odes et Ballades/Le Chant de l’arène

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Odes et BalladesOllendorf24 (p. 210-212).


ODE DIXIÈME.

LE CHANT DE L’ARÈNE.


Généreux grecs, voilà les prix que remporteront les vainqueurs.
Homère.


L’athlète, vainqueur dans l’arène,
Est en honneur dans la cité ;
Son nom, sans que le temps l’entraîne,
Par les peuples est répété,
Depuis cette plage inféconde
Où dort sur la borne du monde
L’Hiver, vieillard au dur sommeil,
Jusqu’aux lieux où, quand naît l’aurore,
On entend, sous l’onde sonore,
Hennir les coursiers du Soleil.

Voici la fête d’Olympie !
Tressez l’acanthe et le laurier !
Que les dieux confondent l’impie !
Que l’antique audace assoupie
Se réveille au cœur du guerrier !

Venez, vous que la gloire enchaîne !
Voyez les prêtres d’Apollon,
Pour votre victoire prochaine,
Ravir des couronnes au chêne
Qui jadis a vaincu Milon !

Venez de Corinthe et de Crète,

De Tyr, aux tissus précieux,
De Scylla, que bat la tempête,
Et d’Athos, où l’aigle s’arrête
Pour voir de plus haut dans les cieux !

Venez de l’île des Colombes,
Venez des mers de l’Archipel,
De Rhode, aux riches hécatombes,
Dont les guerriers jusqu’en leurs tombes
De Bellone entendent l’appel !

Venez du palais centenaire
Dont Cécrops a fondé la tour ;
D’Argos, de Sparte qu’on vénère ;
De Lemnos où naît le tonnerre,
D’Amathonte où naquit l’amour !

Les temples saints, les gynécées,
Chargés de verdoyants festons,
Tels que de jeunes fiancées,
Sous des guirlandes enlacées,
Ont caché leurs chastes frontons.

Les archontes et les éphores
Dans le stade se sont assis ;
Les vierges et les canéphores
Ont purifié les amphores
Suivant les rites d’Éleusis.

On a consulté la Pythie,
Et ceux qui parlent en rêvant.
À l’heure où s’éveille Clytie,
D’un vautour fauve de Scythie
On a jeté la plume au vent.

Le vainqueur de la course agile
Recevra deux trépieds divins,

Et la coupe agreste et fragile
Dont Bacchus a touché l’argile,
Lorsqu’il goûta les premiers vins.

Celui dont le disque mobile
Renversera les trois faisceaux,
Aura cette urne indélébile,
Que sculpta d’une main habile
Phlégon, du pays de Naxos.

Juges de la gloire innocente,
Nous offrons au lutteur ardent
Une chlamyde éblouissante
De Sydon, qui, riche et puissante,
Joint le caducée au trident.

Lutteurs, discoboles, athlètes,
Réparez vos forces au bain ;
Puis venez vaincre dans nos fêtes,
Afin d’obtenir des poëtes
Un chant sur le mode thébain !

L’athlète, vainqueur dans l’arène,
Est en honneur dans la cité ;
Son nom, sans que le temps l’entraîne,
Par les peuples est répété,
Depuis cette plage inféconde
Où dort sur la borne du monde
L’Hiver, vieillard au dur sommeil,
Jusqu’aux lieux où, quand naît l’aurore,
On entend sous l’onde sonore
Hennir les coursiers du Soleil.


Janvier 1824.