On n’est pas des bœufs/Tonton dans le monde
TONTON DANS LE MONDE
Le papa. — Tonton, reste tranquille, ou je vais me fâcher.
Tonton, continuant son jeu. — Le jour… la nuit… le jour… la nuit. J’connais rien de plus rigolo que ce truc-là !
Le papa. — Tu trouveras peut-être moins rigolo les calottes que je vais t’envoyer, si tu continues.
Tonton. — Probable !… C’est rudement commode, tout de même, d’avoir qu’un petit bouton à tourner pour s’éclairer !… Pourquoi qu’y en a pas comme ça à la maison ?
Le papa. — Parce qu’il n’y a pas d’électricité dans la maison.
Tonton. — Eh ben ! on la met, parbleu, c’te malice ! Madame Durand l’a bien, pourquoi que nous ne l’aurions pas ?… Elle est pas plus maligne que nous, madame Durand…
Tonton. — Alors, l’élé… l’élé…
Le papa. — L’électricité.
Tonton. — Oui, l’élétrixité, c’est donc pas un truc comme le gaz ? Ça vient pas dans des tuyaux.
Le papa. — Non, mon ami.
Tonton. — Dans quoi qu’ça vient, alors ?
Le papa. — Ça serait trop long à t’expliquer. Tu apprendras ça au collège.
Tonton. — On apprend ça au collège ? Est-ce qu’on apprend aussi à ramoner des cheminées ?
Le papa. — Comment… ramoner des cheminées ? Tu es fou !
Tonton. — Dame ! Puisqu’on apprend des machins d’éclairage, on pourrait bien apprendre aussi des trucs de chauffage !
Le papa, à la maman. — Si tu veux, chère amie, nous allons nous retirer. Nous dînons chez ta mère, et tu sais qu’au moindre retard, cette personne nous réserve un accueil plutôt grinçant.
Tonton. — Dis donc, papa ?
Le papa. — Quoi, mon ami ?
Tonton. — Quand grand’mère crie, pourquoi que tu lui mets pas une goutte d’huile ?
Le papa, ahuri. — Une goutte d’huile ?
Tonton. — Oui, comme t’as fait, l’autre jour, à la serrure. (il se tord.)
Le papa, indigné. — Veux-tu que je t’aide, polisson ?
Tonton. — Tu pourrais pas, t’as les doigts trop gros.
Le papa. — C’est dégoûtant, mon ami, de se retirer ainsi les crottes du nez !
Tonton, froidement. — C’est bon, je vais les remettre !