On purge bébé !/Scène II

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Librairie théâtrale (p. 12-57).

Scène II

Follavoine, Julie
Julie, surgissant en trombe par la porte, pan coupé. Tenue de souillon ; peignoir-éponge dont la cordelière non attachée traîne par ; petit jupon de soie sur la chemise de nuit qui dépasse par en bas : bigoudis dans, les cheveux ; bas tombant sur les savates. — Elle tient un seau de toilette plein d’eau à la main.

Alors, quoi ? Tu ne peux pas te déranger ? Non ?

Follavoine, sursautant.

Ah ! je t’en prie, n’entre donc pas toujours comme une bombe !… Ah !..

Julie, s’excusant ironiquement.

Oh ! pardon ! (La bouche pincée et sur un ton sucré.) Tu ne peux pas te déranger ? Non ?

Follavoine, avec humeur.

Eh bien ! et toi ? Pourquoi faut-il que ce soit moi qui me dérange plutôt que toi ?

Julie, avec un sourire pointu.

C’est juste ! c’est juste ! nous sommes mariés, alors !…

Follavoine

Quoi ? Quoi ? Quel rapport ?…

Julie, de même.

Ah ! je serais seulement la femme d’un autre, il est probable que !…

Follavoine

Ah ! laisse-moi donc tranquille ! je suis occupé, v’là tout !

Julie, Posant le seau qu’elle tient à la main au milieu de la scène, et gagnant la gauche.

Occupé ! Monsieur est occupé ! c’est admirable !

Follavoine

Oui, occupé ! (Apercevant le seau laissé par Julie.) Ah !

Julie, se retournant à l’exclamation de Follavoine.

Quoi ?

Follavoine

Ah çà ! tu es folle ? Tu m’apportes ton seau de toilette ici, à présent ?

Julie

Quoi, « mon seau » ? Où ça, « mon seau » ?

Follavoine, l’indiquant.

Ça !

Julie

Ah ! là ! c’est rien. (Le plus naturellement du monde.) C’est mes eaux sales.

Follavoine

Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ?

Julie

Mais c’est pas pour toi ! C’est pour les vider.

Follavoine

Ici ?

Julie

Mais non, pas ici ! Que c’est bête ce que tu dis-là ! Je n’ai pas l’habitude de vider mes eaux dans ton cabinet de travail ; j’ai du tact.

Follavoine

Alors, pourquoi me les apportes-tu ?

Julie

Mais pour rien ! Parce que j’avais le seau en main pour aller le vider quand Rose est venue me rapporter ta charmante réponse : alors, pour ne pas te faire attendre…

Follavoine

Tu ne pouvais pas le laisser à la porte ?

Julie

Ah ! et puis tu m’embêtes ! Si ça te gêne tant, tu n’avais qu’à te déranger quand je te demandais de venir ; mais Monsieur était occupé ! à quoi ? Je te le demande.

Elle a arpenté jusqu’au fond.
Follavoine, sur un ton bougon.

À des choses, probable !

Julie

Quelles ?

Follavoine, de même.

Eh ! bien, des choses… Je cherchais « Îles Hébrides » dans le dictionnaire.

Julie

Îles Hébrides ! T’es pas fou ? Tu as l’intention d’y aller ?

Follavoine, de même.

Non, je n’ai pas l’intention !

Julie, d’un ton dédaigneux, tout en s’asseyant sur le canapé.

Alors, qu’est-ce que ça te fait ? En quoi ça peut-il intéresser un fabricant de porcelaine de savoir où sont les Hébrides ?

Follavoine, toujours sur le ton grognon.

Si tu crois que ça m’intéresse ! Ah ! bien !… je te jure que si c’était pour moi !… Mais c’est pour Bébé. Il vous a de ces questions ! Les enfants s’imaginent, ma parole ! que les parents savent tout !… (Imitant son fils.) « Papa, où c’est les Hébrides ? (Reprenant sur un ton bougon, pour s’imiter lui-même.) — Quoi ? (Voix de son fils.) Où c’est les Hébrides, papa ? » Oh ! j’avais bien entendu ! j’avais fait répéter à tout hasard… (Maugréant.) « Où c’est, les Hébrides » ! est-ce que je sais, moi ! Tu sais où c’est, toi ?

Julie

Bien oui, c’est… J’ai vu ça quelque part, sur la carte ; je ne me rappelle pas où.

Follavoine, remontant pour aller s’asseoir à sa table sur laquelle il pose son dictionnaire ouvert à la page qu’il compulsait.

Ah ! comme ça, moi aussi ! Mais je ne pouvais pas lui répondre ça, à cet enfant ! Qu’est-ce qu’il aurait pensé ! J’ai essayé de m’en tirer par la tangente : « Chut ! allez ! ça ne te regarde pas ! Les Hébrides, c’est pas pour les enfants ! »

Julie

En voilà une idée ! C’est idiot.

Follavoine

Oui ! Ah ! c’était, pas heureux : c’était précisément dans les questions de géographie que lui avait laissées Mademoiselle.

Julie, haussant les épaules,
Dame, évidemment ! c'était à prévoir.
Follavoine

Eh ! aussi est-ce qu’on devrait encore apprendre la géographie aux enfants à notre époque ?… avec les chemins de fer et les bateaux, qui vous mènent tout droit !… et les indicateurs où l’on trouve tout !

Julie

Quoi ? Quoi ? Quel rapport ?

Follavoine

Mais absolument ! Est-ce que, quand tu as besoin d’une ville, tu vas la chercher dans la géographie ? Non, tu cherches dans l’indicateur ! Eh ! ben, alors !…

Julie

Mais alors, ce petit ? (Se levant et ramassant son seau au passage.) Tu ne l’as pas aidé ? Tu l’as laissé dans le pétrin ?

Follavoine

Bédame ! Comment veux-tu ? C’est-à-dire que, j’ai pris un air profond, renseigné ; celui du monsieur qui pourrait répondre mais qui ne veut pas parler et je lui ai dit : « Mon enfant, si c’est moi qui te montre, tu n’as pas le mérite de l’effort ; essaye de trouver, et si tu n’y arrives pas, alors je t’indiquerai ».

Julie, près de Follavoine, à gauche de la table.

Oui, vas-z’y voir !

Follavoine

Je suis sorti de sa chambre avec un air détaché ; et, aussitôt la porte refermée, je me suis précipité sur ce dictionnaire, persuadé que j’allais trouver ! Ah ! bien, oui, je t’en fiche ! Nibe.

Julie, qui ne comprend pas.

Nibe ?

Follavoine

Enfin, rien !

Julie, incrédule.

Dans le dictionnaire ? (Elle pose son seau par terre à gauche de la table et, écartant son mari pour examiner le dictionnaire à sa place.) Allons, voyons ! voyons !…

Follavoine, descendant de l’extrême droite.

Oh ! tu peux regarder !… Non ! Vraiment, tu devrais bien dire à mademoiselle de ne pas farcir la cervelle de ce petit avec des choses que les grandes personnes elles-mêmes ignorent… et qu’on ne trouve seulement pas dans le dictionnaire..

Julie, qui s’est assise et depuis un instant a les yeux fixés sur la page ouverte du dictionnaire.

Ah çà ! mais !… mais !…

Follavoine

Quoi ?

Julie

C’est dans les Z que tu as cherché ça ?

Follavoine, un peu interloqué.

Hein ?… mais… oui…

Julie, haussant les épaules avec pitié.

Dans les Z, les Hébrides ? Ah ! bien, je te crois que tu n’as pas pu trouver.

Follavoine

Quoi ? C’est pas dans les Z ?

Il contourne la table et remonte (n° 1) près de Julie.
Julie, tout en feuilletant rapidement le dictionnaire.

Il demande si c’est pas dans les Z !

Follavoine

C’est dans quoi, alors ?

Julie, s’arrêtant à une page du dictionnaire.

Ah ! porcelainier, va !… Tiens, tu vas voir comme c’est dans les Z. (Parcourant la colonne des mots.) Euh !… « Ebraser, Ebre, Ebrécher… » C’est dans les E, voyons ! « … Ebriété, ébroïcien, ébro.. » (Interloquée.) Tiens ! Comment ça se fait ?

Follavoine

Quoi ?

Julie

Ça n’y est pas !

Follavoine, dégageant vers la gauche et sur un ton triomphant.

Ah ! ah ! Je ne suis pas fâché !… Toi qui veux toujours en savoir plus que les autres !…

Julie, décontenancée.

Je ne comprends pas : ça devrait être entre « ébrécher » et « ébriété ».

Follavoine, sur un ton rageur.

Quand je te dis qu’on ne trouve rien dans ce dictionnaire ! Tu peux chercher les mots par une lettre ou par une autre, c’est le même prix ! On ne trouve que des mots dont on n’a pas besoin !

Julie, les yeux fixés sur le dictionnaire.

C’est curieux !

Follavoine, s’asseyant sur le canapé et sur un ton pincé.

Tout de même, je vois que la « porcelainière » peut aller de pair avec le « porcelainier ».

Julie, sèchement.

En tous cas j’ai cherché dans les E ; c’est plus logique que dans les Z.

Follavoine, haussant les épaules.

Ah ! là, là ! « plus logique dans les E » ! pourquoi pas aussi dans les H ?

Julie, vexée.

« Dans les H… dans les H… » ! Qu’est-ce que ça veut dire ça, « dans les H » ? (Changeant insensiblement de ton.) Mais, au fait… dans les H… pourquoi pas ?… mais oui : « Hébrides… Hébrides », il me semble bien que ?… oui !

(Elle s’est précipitée sur le dictionnaire qu’elle feuillette d’une main fébrile.) H… H… H…

Follavoine, la singeant.

Quoi, « achachache » ?

Julie, parcourt rapidement la colonne des mots.

« Hèbre, Hébreux, Hébrides » ! (Triomphante.) Mais oui, voilà : « Hébrides », ça y est !

Follavoine, se précipitant vers sa femme.

Tu l’as trouvé ? (Dans son mouvement, il est allé donner du pied contre le seau qu’il n’a pas vu. Avec rage.) Ah ! là, voyons !

Il ramasse le seau et ne sachant où le mettre, le pose sur le coin gauche de la table. Il reste ainsi les deux avant-bras appuyés sur le couvercle du seau.

Julie

En plein : « Hébrides, îles qui bordent l’Écosse au nord ».

Follavoine, dégageant vers la gauche, et radieux, comme si c’était lui qui avait trouvé.

Eh ! bien, voilà !

Julie

Ah ! et puis encore : « Nouvelles-Hébrides, îles de la Mélanésie ».

Follavoine, sur le même ton.

« Mélanésie », voilà ! C’est bien ça ! Tout à l’heure nous n’avions pas d’Hébrides du tout, et, maintenant nous en avons trop ! Voilà ! C’est l’éternelle histoire ! C’est la vie !

Julie

Oui, mais lesquelles lui faut-il, maintenant, à ce petit !

Follavoine, à la « je m’en fiche ».

Oh ! ben ça, ça m’est égal ! Il choisira celles qu’il voudra ! On avait besoin d’Hébrides ; on en a, c’est l’essentiel ! S’il y en a trop, on en laissera !

Julie

Et dire qu’on cherchait dans les « E » et dans les « Z »…

Follavoine, se laissant tomber sur le canapé.

On aurait pu chercher longtemps !

Julie, se levant et passant son bras dans l’anse de son seau pour l’emporter.

Et c’était dans les « H » !

Follavoine, avec un aplomb touchant à l’inconscience.

Qu’est-ce que je disais !

Julie, ahurie de son toupet, se retourne vers lui, puis.

Comment, « ce que tu disais » !

Follavoine, le plus calme du monde.

Eh ! ben, oui, quoi ?… C’est peut-être pas moi qui ai dit : « Pourquoi pas dans les H » ?

Julie

Pardon ! Tu l’as dit !… tu l’as dit… ironiquement.

Follavoine, se levant et allant à elle.

Ironiquement ! En quoi ça, ironiquement ?

Julie

Absolument ! pour te moquer de moi : (Contrefaisant sa voix.) « Ah ! pourquoi pas aussi dans les H » ?

Elle passe au n°1.
Follavoine

Ah ! bien, non, tu sais !…

Julie

C’est moi alors qui, subitement, ai eu comme la vision du mot.

Follavoine, gagnant la droite au-dessus de la table.

« Comme la vision du mot » ! c’est admirable ! « Comme la vision du mot » ! Cette mauvaise foi des femmes ! Je te dis : « Pourquoi pas dans les H ? » Alors tu sautes là-dessus, tu fais : « Au fait oui, dans les H, pourquoi pas ? » Et tu appelles ça : « avoir la vision mot » ? Ah ! bien, c’est commode !

Julie, furieuse, allant jusqu’au coin gauche de la table sur laquelle elle pose son seau.

Oh ! c’est trop fort ! Quand c’est moi qui ai pris le dictionnaire ! quand c’est moi qui ai cherché dedans !

Follavoine, descendant par la droite de la table. Sur un ton persifleur.

Oui, dans les E !

Julie

Dans les E… dans les E d’abord ; comme toi avant, dans les Z ; mais ensuite dans les H.

Follavoine, s’asseyant sur le fauteuil qui est à droite devant la table.
— L’air détaché, les yeux au plafond.

Belle malice, quand j’ai eu dit : « Pourquoi pas dans les H ? »

Julie, gagnant la gauche.

Oui, comme tu aurais dit « Pourquoi pas dans les Q ? »

Follavoine

Oh ! non, ma chère amie, non ! si nous en arrivons aux grossièretés !…

Julie, se retourne ahurie, reste un instant interloquée, puis.

Quoi ? Quoi ? Quelles grossièretés ?

Follavoine

Moi, je te préviens que je ne suis pas de force, alors !…

Julie, gagnant la gauche de la table.

Où ça, des grossièretés ? Parce que je te tiens tête ? Parce que je dis ce qui est ? (Secouant rageusement son seau de toilette sur la table tout en parlant.) Mais oui, c’est moi qui ai trouvé ! Oui, c’est moi qui ai trouvé !

Follavoine, se précipitant sur le seau de toilette pour le lui enlever des mains.

Eh ! bien, oui, oui !… bon ! c’est bon !

Il cherche à droite et à gauche où poser le seau.
Julie, voyant son jeu.

Quoi ? Qu’est-ce que tu cherches ?

Follavoine, avec rage.

Je cherche… je cherche… je cherche où mettre ça.

Julie

Eh ! bien, pose-le par terre.

Follavoine, le déposant au milieu de la scène.

Oui.

Julie, revenant à la charge.

Non, tu sais, avoir l’aplomb de prétendre !…

Follavoine, excédé.

Oh !… mais oui, là ! Puisque c’est entendu ! C’est toi qui as trouvé.

Julie

Mais, parfaitement, c’est moi ! Il ne s’agit pas d’avoir l’air de me faire des concessions.

Follavoine

Ah ! et puis, je t’en prie, en voilà assez, hein ! avec tes E, tes Z, tes H et tes Q ! c’est vrai ça ! Tiens, tu ferais mieux d’aller t’habiller !

Julie, ronchonnant.

Me dire que je n’ai pas eu la vision !…

Elle s’assied sur le bras du canapé.
Follavoine

Mais oui, là !… Il est près de onze heures et tu es encore à traîner en souillon…

Julie, tout en rajustant instinctivement son peignoir.

Oui, oh ! change la conversation, va !… change !

Follavoine

… avec ton peignoir sale, tes bigoudis et tes bas qui traînent sur tes talons !

Julie, relevant ses bas avec brusquerie.

Eh ! bien, sur lesquels veux-tu qu’ils traînent ? Sur les tiens ?

Follavoine

Mais sur aucun talon du tout !

Julie

Là ! voilà, ils sont relevés !

Follavoine

Oui ! oh ! si tu crois que ça va les empêcher de retomber, ce que tu fais. Enfin, tu ne peux pas les attacher ?

Julie

Avec quoi ? J’ai pas de jarretelles.

Follavoine

Ah bien ! mets-en !

Julie

À quoi veux-tu que je les accroche ? J’ai pas de corset.

Follavoine, tout en gagnant la droite près du fauteuil devant la table.

Eh ! bien, mets un corset que diable !

Julie

Ah ! puis zut ! Dis tout de suite que tu veux que je me mette en robe de bal pour faire mon cabinet de toilette !

Tout en parlant, elle a ramassé son seau dans l’anse duquel elle a enfilé son bras droit, et remonte vers sa chambre.

Follavoine

Mais, nom d’une brique ! qui est-ce qui te demande de le faire, ton cabinet de toilette ? On dirait que tu n’as pas de domestique ! Tu as une femme de chambre, sacrebleu !

Julie, qui déjà était sur le pas de la porte, se retournant, comme piquée au vif par la réflexion de son mari, descendant jusqu’à lui à pas de fauve, et après s’être débarrassée de son seau de toilette en le déposant devant les pieds de Follavoine — les bras croisés, sous son nez.

Faire faire mon cabinet de toilette par ma femme de chambre !

Follavoine, pour se dérober à une nouvelle discussion, passant devant sa femme et gagnant la gauche.

Oh !…

Julie, ne lâchant pas prise et emboîtant le pas parallèlement au-dessus de lui.

Ah ! bien merci ! pour que tout soit cassé, ébréché ! Non, non ! Je fais ça moi-même.

Elle lâche son mari, et gagnant l’extrême droite, va s’asseoir sur le fauteuil devant la table.
Follavoine

Alors, ce n’est pas la peine d’avoir une bonne, si elle ne te sert à rien.

Julie, tout en étendant sa jambe droite à moitié nue sur son seau comme un tabouret.

Je te demande pardon, elle me sert : elle est là !

Follavoine

Ouai ! Et qu’est-ce qu’elle fiche, pendant que tu fais son ouvrage ?

Julie, un peu interloquée.

Eh ! ben, elle… elle me regarde.

Follavoine

C’est ça ! voilà : Elle te regarde ! Je paye une fille quatre cents francs par mois pour qu’elle te regarde !

Julie

Oh ! je t’en prie ! ne parle donc pas tout le temps de ce que tu payes ! C’est d’un parvenu !

Follavoine

D’un parvenu tant que tu voudras ! je trouve que du moment que je paye une femme quatre cents francs par mois !…

Julie, se relevant, sans même prendre la peine de retirer sa jambe étendue sur son seau, mais simplement la laissant glisser en avant du seau à terre, ce par quoi elle se remet sur pied, et gagnant jusqu’à Follavoine.

Non, mais dis donc ! je ne te demande pas de gages, moi, n’est-ce-pas ? Eh ! bien, dès l’instant que ça ne te revient pas plus cher, qu’est-ce-que ça te fait que ce soit elle ou moi qui fasse l’ouvrage ?

Follavoine

Cela me fait… cela me fait… que j’ai une bonne pour qu’elle fasse le service de ma femme ; et non une femme pour qu’elle fasse le service de ma bonne !… ou alors, si c’est ça, je supprime la bonne.

Julie, avec de grands gestes indignés.

Voilà ! voilà ! nous devions en arriver là ! il me marchande une domestique !

Elle gagne l’extrême droite.
Follavoine, même jeu, gagnant l’extrême gauche.

Là ! là ! Je lui marchande une domestique, maintenant !

Julie, se retournant vers lui.

Mais absolument.

Follavoine, à bout d’arguments.

Ah ! tiens, remonte donc tes bas, va ! tu ferais mieux

Julie, relevant ses bas avec brusquerie.

Oui, oh !… (Reprenant.) Tout ça parce que je préfère faire mon cabinet de toilette moi-même ! (Remontant, tout en parlant, par l’extrême droite, jusqu’au-dessus de la table de travail.) Ah ! tu es bien le premier mari qui reproche à sa femme de s’occuper de son ménage.

Follavoine

Pardon ! pardon, entre s’occuper de son ménage et…

Julie, nerveuse, rangeant machinalement les papiers sur la table de son mari.

Tu aimerais mieux, n’est-ce pas, que je fasse comme toutes ces dames que je vois ?… Que je ne pense qu’à m’attifer, qu’à créer de la dépense ?…

Follavoine, apercevant le jeu de scène de Julie et tremblant pour ses papiers.

Oh ! là !… Oh ! là !

Il se précipite pour les défendre.
Julie, de même.

Toujours debout : au Bois, aux courses, dans les grands magasins…

Follavoine, défendant ses papiers comme il peut.

Non, je t’en prie !… je t’en prie !…

Julie, continuant, sans se démonter

… Au skating le matin ; au skating l’après-midi !

Follavoine, de même.

Je t’en prie, veux-tu… ?

Julie, de même.

Quel joli but dans l’existence !

Follavoine, de même.

Non ! Ça ne va pas là ! laisse ! laisse !

Il l’écarte vers la droite.
Julie

Mais quoi ?

Follavoine, tout en essayant de remettre ses papiers en place.

Mais mes papiers, cré nom d’un chien ! Je ne t’ai pas demandé de ranger !

Julie

Je ne peux pas voir une table en désordre.

Follavoine

Eh ! bien, ne la regarde pas ! mais laisse-la tranquille.

Julie, redescendant par la droite.

Eh ! je m’en fiche de la table.

Elle ramasse en passant son seau de toilette.
Follavoine

Oui ! Eh bien, prouve-le lui ! et va ranger chez toi (Grommelé entre ses dents.) Ce besoin de faire le ménage partout !

Il s’est assis à sa table.
Julie, qui a contourné la table de façon à arriver au coin gauche. Revenant à la charge.

Oui, enfin ! voilà comment tu voudrais que je sois, hein !

Follavoine, hors de ses gonds, presque crié.

Quoi « que tu sois » ? que tu sois quoi ? Je ne sais pas de quoi tu me parles.

Julie

Comme ces femmes-là ?

Follavoine, exaspéré et tout en rangeant ses papiers.

Est-ce que je sais ? Je ne te demande que de ne pas fouiller dans mes papiers ; c’est pas beaucoup !

Julie, ne lâchant pas prise ; gagnant la gauche avec des dandinements et des gestes e menuet, ce qui imprime au seau qu’elle tient à la main un balancement d’encensoir plein de menace pour le tapis.

… une mondaine ? une madame Benoîton ? (Changeant de ton.) Désolée, mon cher ; mais je n’ai pas été élevée à ça.

Follavoine, qui en a par-dessus la tête.

Oui, bon ! eh bien ! tant mieux !

Julie, revenant vers lui — coin gauche de la table — et déposant tout en parlant son seau sur des papiers à Follavoine juste au moment où celui-ci se dispose à les prendre.

Tu sauras que ma famille… !

Follavoine, empêché de retirer ses papiers par le poids du seau.

Oh !… Allons, voyons !

Julie, tout en soulevant le seau de façon à libérer les papiers.

… que ma famille…

Follavoine, levant les yeux au ciel.

Oh !

Julie

… quand il s’est agi de mon éducation, n’a eu qu’une chose en vue : c’est faire de moi une femme d’intérieur !… et une bonne ménagère !

Follavoine

Ecoute, je t’assure, c’est très intéressant, mais il est onze heures et…

Julie, lui coupant la parole.

Ça m’est égal !… C’est ainsi qu’on m’a appris à faire tout par moi-même !… et à ne compter que sur moi ! parce qu’on ne sait jamais, dans la vie, si on aura toujours des gens pour vous servir.

Elle gagne la gauche avec dignité.
Follavoine, hausse les épaules, lève les yeux au ciel, puis.

Tes bas !

Julie

Ah ! Zut ! (Sans prendre la peine de s’asseoir, elle relève vivement ses bas en se mettant successivement sur une jambe et sur l’autre, puis reprenant.) — J’ai été dressée à ça toute petite ; si bien que c’est devenu chez moi comme une seconde nature. (S’asseyant sur le fauteuil à droite de la table.) Maintenant est-ce un bien ? Est-ce un mal ? (S’accoudant sur le rebord de la table, la tête appuyée sur la main.) Je ne peux dire qu’une chose : je tiens ça de ma mère.

Follavoine, occupé à parcourir ses papiers et sans aucune intention.

Ah !… ma belle-mère.

Julie, la tête à demi-tournée vers Follavoine et sur un ton pincé.

Non !… « ma mère » !

Follavoine, de même.

Eh ! bien, oui ; c’est la même chose.

Julie, sur le même ton.

C’est possible ! mais « ma mère », c’est tendre, c’est affectueux, c’est poli ; tandis que « ma belle-mère », ça a quelque chose de sec, d’aigre-doux, de discourtois que rien ne justifie.

Follavoine, de même.

Oh ! moi, tu sais, je veux bien.

Julie

J’ai dit « ma mère » ; eh ! bien, c’est « ma mère ». Inutile de me corriger pour me dire : « ma belle-mère ».

Follavoine

Je t’assure que si j’ai dit « ma belle-mère », c’est que vis-à-vis de moi…

Julie, se dressant comme mue par un ressort, et dos au public, les mains crispées au rebord de la table, le corps penché en avant comme pour dévorer son mari.

Quoi ? Elle n’a pas toujours été correcte ? Tu as quelque chose à lui reprocher ?

Follavoine, le corps rejeté le plus en arrière possible au fond de son fauteuil, afin de se mettre hors de la portée de Julie. — Avec véhémence.

Mais non ! mais non ! Qu’est-ce que tu vas chercher ? Seulement, ça n’empêche pas, tout de même, que vis-à-vis de moi ; ta mère…

Julie, qui a gagné le milieu de la scène, se retournant, et hautaine et tranchante.

Ah ! Et puis, je t’en prie, hein ? En voilà assez avec ma mère !

Follavoine, ahuri.

Quoi ?

Julie

C’est vrai ça ! Cette façon de tomber toujours sur cette malheureuse !… de la cribler de lardons à tout propos… !

Follavoine

Moi !

Julie

Tout ça, parce que j’ai eu le malheur d’apporter mon seau de toilette dans ton cabinet de travail !

Follavoine

Ah ! non, celle-là, par exemple… !

Julie, glissant son bras dans l’anse du seau qui est toujours sur la table de son mari,

Mais on va l’enlever, mon seau ! Voilà, je l’enlève ! il n’y a pas de quoi faire une histoire ! Je l’enlève !

Follavoine, ronchonnant, tout en affectant de se plonger dans ses papiers.

Eh ! ben !… C’est pas un mal.

Julie, bougonnant, tout en remontant vers la porte de sa chambre.

Non ! faire une sortie pareille pour un misérable seau de toilette, vraiment, on aurait commis un crime !… (Arrivée sur le seuil de la porte, elle s’arrête. Une réflexion a traversé son cerveau, elle fait volte-face, redescend jusqu’à la table, pose son seau dessus et à la même place que précédemment, puis :) Seulement, tu sais ! une autre fois, quand tu auras un reproche à me faire…

Follavoine, l’interrompant.

Non, pardon !… pardon !…

Julie, interloquée.

Quoi ?

Follavoine

Voilà le seau revenu !

Julie, entre les dents.

Idiot ! (Reprenant.)… Quand tu auras un reproche à me faire, tu voudras bien me dire les choses en face !… et ne pas t’en prendre à maman !

Elle descend légèrement en scène, laissant le seau sur la table.
Follavoine, hors de ses gonds, gagnant vers Julie.

Mais, non d’un petit bonhomme ! qu’est-ce que j’ai dit, sacrebleu ?

Julie

Oh ! rien, rien. C’est entendu ! Il ne te manque plus que de faire l’hypocrite !

Follavoine, excédé et impuissant à lutter.

Oh !

Il remonte fond gauche.
Julie, gagnant au-dessus de la table sur laquelle, machinalement, elle recommence son rangement, tout en parlant.

Comme si je ne comprenais pas toujours très bien ce que tu veux dire… quand tu ne dis rien !

Follavoine, se retournant.

Non ! ça, c’est un comble ! Comment ! Je dis… (Se précipitant en voyant sa femme farfouiller dans ses papiers.) Ah ! non, non ! laisse mes papiers tranquilles à la fin des fins !… (Il s’est substitué à Julie qu’il a fait passer à gauche de la table.) Qu’est-ce que c’est que cette manie que tu as… ?

Julie, sur un ton péremptoire.

J’aime l’ordre.

Follavoine, haussant les épaules.

Ah ! « tu aimes l’ordre ! tu aimes l’ordre ! » (Lui montrant le seau sur la table et le lui tendant.) Regarde ça !

Julie, prenant le seau,

Eh ben ! quoi ?…

Follavoine, ronchonnant.

« Tu aimes l’ordre ! » Tu ne ferais pas mal d’aller en mettre un peu dans ta toilette ! (Se levant.) Je t’en supplie ! tu avais eu un bon mouvement tout à l’heure ; tu étais presque partie avec ton seau ; il a fallu que tu me le rapportes…

Julie, lui coupant la parole et sur un ton péremptoire.

J’ai à te parler.

Follavoine, la poussant doucement dans la direction de sa chambre.

Oui, eh ! bien, plus tard !

Julie

Non, pas plus tard. Tu penses bien que si tout à l’heure, je t’ai fait demander…

Follavoine, près du canapé, ainsi que Julie.

Je t’en prie, il est onze heures ; tu n’as pas encore commencé à t’habiller ; nous avons les Chouilloux à déjeuner…

Julie

« Les Chouilloux les Chouilloux ! » Je m’en fiche, moi, des Chouilloux.

Follavoine

Oui, mais pas moi ! Chouilloux est un homme que j’ai le plus grand intérêt à ménager…

Julie

Possible, désolée ! mais il attendra. Il s’agit de Bébé, et, entre Bébé et Chouilloux, je crois qu’il n’y a pas à hésiter !

Follavoine, hors de ses gonds.

Oh ! Mais quoi ? Quoi, « Bébé » ?

Julie, passant devant lui et gagnant la droite.

Ou alors dis que tu préfères Chouilloux !

Elle s’assied sur le fauteuil devant la table, avec le seau sur ses genoux.
Follavoine, presque crié.

Mais non, mais non ! ça n’a rien à voir ! Je ne mets pas Bébé et Chouilloux en parallèle ; ça n’empêche pas que, quand on reçoit un étranger d’importance, on se met en frais pour lui ; ça n’implique pas qu’on le préfère à sa famille ! Chouilloux doit venir un peu avant le déjeuner pour conférer avec moi d’une grosse affaire que j’ai en vue…

Julie

Eh ! bien, conférez ! Qu’est-ce que ça me fait ?

Follavoine

Mais il va arriver d’un instant à l’autre ! Tu ne peux pourtant pas le recevoir avec ton peignoir sale, tes bigoudis, ton seau de toilette sur les genoux et tes bas qui tombent sur les talons !

Julie, déposant son seau avec humeur devant elle.

Oh ! que tu m’embêtes avec mes bas ! (Debout, un pied sur son seau, se baissant déjà pour relever ses bas.) Alors ; quoi ? Ton Chouilloux, il ne sait pas ce que c’est que des bas qui ne sont pas attachés ? Non ? Madame Chouilloux, quand elle se lève, elle est en grande toilette ?

Follavoine, pendant que sa femme, nerveusement, relève ses bas.

Je ne sais pas comment est Madame Chouilloux, quand elle se lève, mais je dis que ta tenue n’est pas une tenue pour recevoir des gens que l’on a pour la première fois à déjeuner.

Il remonte au fond.
Julie, tout en farfouillant sur la table de Follavoine pour trouver un objet qu’elle cherche.

Eh bien ! tu es en redingote ; ça fait compensation.

Follavoine, se retournant à cette observation.

Moi, je suis correct ! (Voyant le jeu de scène de sa femme.) Qu’est-ce tu cherches ? Qu’est-ce tu cherches ?

Julie, prenant dans une boîte des rondelles de caoutchouc.

Tes élastiques ?

Follavoine, au-dessus de la table.

Quoi ? quoi, ? Pourquoi ?

Julie, reposant la boîte sur la table et se rasseyant sur son fauteuil.

Comme ça, tu me ficheras la paix avec mes bas !…

Elle se passe un élastique à chaque jambe.
Follavoine

Mais c’est des caoutchoucs pour mes dossiers ! ce n’est pas des jarretières !

Julie, tout en achevant de passer ses élastiques, chacun des « des » très appuyé.

Ce n’est pas des jarretières, parce qu’on n’en fait pas des jarretières ; mais puisque j’en fais des jarretières, ça devient des jarretières.

Follavoine, gagnant la gauche avec découragement.

Ah ! non ! ce désordre !…

Julie, haussant les épaules.

« Tu es correct ! » Si ce n’est pas grotesque : à onze heures du matin, se mettre en redingote !… pour M. Chouilloux !… ce cocu !…

Follavoine, regarde sa femme, étonné, puis.

Quoi « ce cocu » ?… Qu’est-ce que ça signifie : « ce cocu » ? Qu’est-ce que tu en sais ?

Julie, heureuse de mettre son mari dans son tort.

Ah !… c’est toi qui me l’as dit.

Follavoine

Moi !

Julie

Je ne l’ai pas inventé, n’est-ce pas ? Je ne connais pas Chouilloux. Ce n’est pas un de mes amis ; je n’ai donc pas de raison d’en dire du mal.

Elle passe devant Follavoine et gagne la gauche.
Follavoine, adossé au coin de sa table.

Chouilloux, cocu ! Si on peut dire !

Julie, redescendant vers lui.

Faut croire qu’on peut, puisque tu me l’as dit.

Follavoine

Je te l’ai dit, je te l’ai dit… quand je n’avais pas besoin de lui ! mais maintenant que j’ai besoin de lui…

Julie, du tac au tac et nez à nez avec Follavoine.

Quoi ? Il n’est plus cocu ?

Follavoine

Non !… Si !… Enfin, nous n’avons pas à le savoir !… Ce n’est pas comme tel que nous le recevons.

Il gagne l’extrême droite.
Julie

En vérité !

Follavoine, remontant par l’extrême droite jusqu’au-dessus de sa table.

C’est un homme qui, actuellement, peut m’être très utile…

Julie

En quoi ?

Follavoine

Pour une grosse affaire que je mijote ; ce serait trop long à t’expliquer.

Julie, gagnant la droite.

Oui. Oh ! je sais, tu as des idées larges, quand ton intérêt est en jeu !

Follavoine

Enfin, quoi ? Ça te gêne qu’il soit cocu ?

Julie

Ah ! là, là, non ! Il peut bien l’être dix fois plus ! Mais ce qui me gêne c’est que tu m’amènes sa femme à déjeuner ; ça oui !

Follavoine, côté gauche de la table.

Je ne pouvais pas inviter monsieur sans madame ; ça ne se fait pas.

Julie

Oui ? Et son amant, M. Horace Truchet ? Tu étais obligé d’inviter son amant !

Follavoine

Mais Evidemment ! c’est l’usage, ma chère amie ! On les invite partout comme ça. C’est-à-dire que si je n’avais pas convié M. Truchet, c’eût été un manque de tact ! Chouilloux aurait pu même se demander ce que cela voulait dire ! Enfin, quoi ? Ça ne se fait pas !

Julie, adossée à la table, les bras croisés.

C’est admirable ! Ce qui fait que nous les avons tous les trois ! l’adultère au complet ! Ah ! c’est moral ! (Ramassant son seau et gagnant la gauche.) joli contact pour ta femme ! et bel exemple pour Toto !

Follavoine, descendant en scène.

Oh ! Toto… il a sept ans… !

Julie

Il ne les aura pas toujours.

Follavoine

Bien oui, mais, en attendant, il les a.

Julie

Oh ! Evidemment ! Evidemment ! Sa santé morale, c’est comme sa santé physique : tu t’en soucies comme de l’an quarante !

Follavoine, les bras au ciel tout en remontant au-dessus de sa table.

Là ! Là ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça signifie encore ça ?

Julie, déposant vivement son seau au milieu de la scène et remontant aussitôt rejoindre son mari qui s’est assis à sa table.

Mais… mais il n’y a qu’à voir : voilà une heure que j’essaye de te parler de Bébé ; de t’entretenir de sa santé ; et qu’il n’y a pas moyen de placer un mot ! Chaque fois que j’ouvre la bouche, que je dis : « Bébé », tu me réponds : « Chouilloux » ; il n’y en a que pour Chouilloux ! « Chouilloux, Chouilloux », et toujours « Chouilloux » !

Follavoine, à bout de patience. Mais enfin, quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que tu as à me dire ?

Julie, péremptoire.

J’ai à te parler.

Follavoine

Eh bien ! parle !

Julie

Ah ?… c’est pas trop tôt

Elle descend et va s’asseoir sur son seau comme sur un tabouret.
Follavoine, bondissant sur son siège et donnant un grand coup de poing sur la table en voyant sa femme sur le seau de toilette.

Ah ! non ! non !

Julie, ahurie.

Quoi ?

Follavoine

Tu ne peux pas te fourrer autre part que sur ton seau ? Tu trouves qu’un seau de toilette est fait pour s’asseoir ?

Julie

Ça n’a pas d’importance ! je suis très bien.

Follavoine

Mais il ne s’agit pas de savoir si tu es bien ! Un seau de toilette n’est pas un siège ; je te prie de te mettre sur une chaise.

Julie, le toisant, puis détournant la tête avec dédain, tout en se levant.

Ah !… ce que tu es snob !

Follavoine

Il n’y a pas de snobisme ; tu peux faire un faux mouvement, me flanquer ton seau par terre, je n’ai pas envie d’avoir tes eaux sales sur mon tapis.

Julie

Le beau malheur ! ça le lessiverait.

Follavoine

Merci, trop aimable ! j’aime mieux autre chose. Enfin, quoi, « Bébé » ? Qu’est-ce qu’il y a, « Bébé » ?

Julie, avec une soumission dédaigneuse.

Ah !… Je peux ?

Follavoine, les nerfs à fleur de peau.

Bien oui, tu peux !

Julie, qui est allée chercher la chaise près du canapé, l’apportant près de la table à côté de son mari et s’asseyant.

Eh ! bien, voilà : je suis très ennuyée.

Follavoine

Ah !

Julie

Je ne suis pas contente de Toto.

Follavoine

Oui !… Qu’est-ce qu’il a fait ?

Julie

Il n’a pas été ce matin.

Follavoine, répétant comme un écho, sans comprendre.

Il n’a pas été !

Julie

Non.

Follavoine

Il n’a pas été… où ça ?

Julie, tout de suite soupe au lait.

Quoi ! « où ça » ? Nulle part ! « Il n’a pas été », un point, c’est tout. Il me semble que c’est clair.

Follavoine, comprenant.

Ah ! oui, au…

Julie, brutale.

Eh ! bien oui !… (Changement de ton.) Nous avons essayé… ! quatre reprises différentes ! pas de résultat !… Une fois, oui ! Oh !… rien ! (Tendant son petit doigt avec l’ongle du pouce contre l’avant-dernière phalange.), Grand comme ça !…

Follavoine

Ah !

Julie, levant, les yeux au ciel.

Et dur !

Follavoine, hochant la tête.

Oui !… c’est de la constipation.

Julie, navrée.

C’est de la constipation…

Follavoine

Oui !… Eh ! ben ?… Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ?

Julie, scandalisée.

Comment, « ce que je veux ! »

Follavoine

Dame ! Je ne peux pas aller pour lui.

Julie, se levant.

Oh ! c’est malin ! c’est malin, ce que tu dis là. Evidemment, tu ne peux pas aller pour lui !

Follavoine

Alors ?…

Julie

Ça me ferait une belle jambe, que tu ailles pour lui ! Mais ce n’est pas une raison parce qu’on ne peut pas aller pour les gens, pour les laisser crever. (Descendant gauche.) Vraiment, tu es d’une indifférence !

Follavoine, se levant à son tour et rejoignant sa femme. Avec bonhomie.

Enfin, tu ne veux pas pourtant que je me mette à pleurer parce que ce petit est un peu constipé.

Julie

Pourquoi donc pas ? Il ne faut jamais plaisanter, avec la constipation !…

Follavoine, incrédule.

Oh !

Julie, avec importance.

J’ai lu dans un livre qui s’appelle : Les coulisses de l’histoire, qu’un bâtard de Louis XV avait failli mourir à sept ans des suites d’une constipation opiniâtre.

Follavoine

Eh ! bien oui ! mais elle était opiniâtre et il était bâtard, ce qui n’est le cas de Toto ni d’un côté ni de l’autre.

Julie

Oui, mais Toto a sept ans comme lui ! et il est constipé comme lui !

Follavoine

Eh ! bien, mon Dieu ! il n’y a qu’à le purger.

Julie, avec un air de pitié pour Follavoine.

Oh !… évidemment.

Follavoine

Eh ! bien, purge-le !

Il gagne la droite.
Julie

Merci ! ce n’est pas ton autorisation que je demande ! Seulement avec quoi le purger ? Il y a les purgations minérales… et les purgations végétales.

Follavoine, qui est revenu près de sa femme.

Donne-lui de l’huile de ricin ; il la prend facilement et ça lui réussit bien.

Julie, avec une horreur instinctive.

Ah ! non ! non ! L’huile de ricin, non ! j’peux pas la supporter ! je la rends immédiatement.

Follavoine

Mais… il ne s’agit pas de te la faire prendre à toi, c’est à ton fils.

Julie

Oui, mais c’est la même chose ! Rien que de la voir, rien que d’en parler… ! (Elle a un haut le corps.) Ah ! non !… D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi tu fais toutes ces complications ! Nous avons de côté, dans le placard à pharmacie, une bouteille d’Hunyadi-Janos, je ne vois pas pourquoi on ne l’utiliserait pas, parce que tu préfères l’huile de ricin

Follavoine, ahuri.

Moi !

Julie, sur un ton sans réplique.

Il y a de l’Hunyadi-Janos, Bébé prendra de l’Hunyadi-Janos !

Follavoine, gagnant l’extrême droite.

Eh ! bien, donne-lui de l’Hunyadi-Janos !… Seulement, je ne vois pas pourquoi tu es venue me consulter.

Il remonte par l’extrême droite jusqu’à sa table.
Julie

Pour savoir ce que j’avais à faire.

Follavoine

Ah ? bon ! il n’y paraît pas !

Il s’assied à sa table.
Julie

C’est gai d’avoir à le purger, cet enfant ! Mais c’est toujours comme ça ! Chaque fois que je le confie à sa grand’mère…

Follavoine, distrait, occupé qu’il est à jeter les yeux sur un papier.

Quelle grand’mère ?

Julie, ton tranchant et sec.

Eh ! bien… sa grand’mère !… Il n’en a pas trente-six. Ta mère habite Dusseldorf, ça ne peut être que maman.

Elle s’assied sur le canapé.
Follavoine

Ah ! oui ! oui !… ta mère.

Julie

Eh bien, oui, ma mère. (L’imitant.) « Ta mère ! Ta mère ! » je le sais qu’elle est ma mère ! Cette façon de dire : « Ta mère ». Tu as toujours l’air de me la reprocher.

Follavoine, ahuri.

Moi !

Julie, revenant à son antienne.

Non, mais c’est bien ça : toutes les fois qu’elle sort avec Bébé, ça ne manque pas ; elle le bourre de gâteaux, de bonbons… !

Follavoine, tout en écrivant quelques notes.

Oh ! bien !… toutes les grands’mères sont comme ça.

Julie

C’est possible ! mais elle a eu tort ! Surtout que je l’avais priée de n’en rien faire.

Follavoine. Oh ! bien, elle n’a pas cru, la pauvre femme…

Julie, se montant.

« Elle n’a pas cru, elle n’a pas cru », c’est entendu ! mais elle a eu tort tout de même.

Follavoine, indulgent.

Oh ! ben… !

Julie, s’emballant.

Mais si ! mais si ! il n’y a pas d’ « oh ben » !… C’est curieux, ça, cette affectation que tu mets à donner toujours raison à maman !… à prendre son parti contre moi ! Je te dis qu’elle a eu tort : eh bien, elle a eu tort.

Follavoine, pour avoir la paix.

Bon !… Bon !

Julie

Résultat : Bébé ne va pas et on est obligé de le purger.

Follavoine

Eh ! bien, oui, mon Dieu, c’est embêtant ; mais il n’en mourra pas.

Julie, à ce mot, se dresse, révoltée.

Mais je l’espère bien qu’il n’en mourra pas ! Ah ! bien, merci ! (Fonçant sur son mari et le secouant.) Mais c’est monstrueux, ce que tu dis là !… « Il n’en mourra pas ! » en parlant de ton fils ! Mais c’est ton enfant, tu sais ! Tu n’as pas l’air de t’en douter ; il est de toi !

Follavoine

Mais je l’espère bien !

Julie

Je ne suis pas comme madame Chouilloux, moi ! Je ne fais pas faire ton ouvrage par mes petits cousins !

Follavoine

Ah ! tiens, laisse-moi tranquille !

Julie, redescendant et gagnant la droite.

Quand j’ai un enfant, moi, il est de mon mari !

Follavoine

Mais qui est-ce qui te dit le contraire ?

Julie, s’asseyant sur le fauteuil devant la table.

Ah ! c’est que c’est si peu d’un père, ta façon d’être ! Tiens, tu mériterais qu’il ne fût pas de toi, ton fils !

Follavoine, haussant les épaules.

Oh ! tu es bête !

Julie

Tu mériterais que ce fût un bâtard, lui aussi !… Et que je l’aie eu… (Ne trouvant pas de nom à mettre en avant.) avec Louis XV !

Follavoine, riant sous cape.

Avec Louis XV !

Julie

Oui, monsieur !

Follavoine

Eh bien, n… de D… ça t’en ferait de la cave !

Julie

Oh ! je t’engage à rire, va ! je t’engage à rire !

Follavoine, obsédé.

Ah ! et puis écoute, hein ? en voilà assez, je crois ! l’incident est clos ! C’est décidé qu’on purge Bébé ; eh ! bien, va purger Bébé !

Julie, la tête basse, le regard dans le vide et d’une voix navrée.

Ah ! Ça va être un drame !

Follavoine, se levant.

Eh ! bien, ça sera un drame tant pis ! Je t’en prie, maintenant, laisse-moi ! j’ai à me recueillir avant l’arrivée de Chouilloux, pour savoir comment disposer mes batteries. Va ! va !… va t’habiller !

Il remonte vers la bibliothèque qui est au-dessus de lui.
Julie, se levant avec effort et remontant vers sa chambre, tout en marmonnant, d’une voix désolée, des phrases entrecoupées.

Ah ! ce pauvre petit !… quand je pense qu’il va falloir le purger… j’en suis malade d’avance…

Follavoine, qui, déjà, a ouvert le battant droit de la bibliothèque, en se retournant, apercevant le seau abandonné par Julie au milieu de la scène. Appelant.

Julie ! Julie !

Julie, de la même voix dolente.

Quoi ?

Follavoine, indiquant le seau.

Je t’en prie ; ton seau !… Je t’assure, je l’ai assez vu !

Julie, furieuse, tout en redescendant chercher son seau.

Eh ! quoi, « mon seau, mon seau ! » toujours « mon seau ! »… « Chouilloux, mon seau !… mon seau, Chouilloux ! » on n’entend que ça !

Follavoine

Mais, sacristi ! un cabinet de travail n’est pas un endroit pour promener des seaux de toilette !

Tout en parlant, il a tiré de sa bibliothèque un vase de nuit qu’il exhibe juste sur ces derniers mots.

Julie, se calmant aussitôt et sur un ton gouailleur.

Ah ! bien ; non tu sais, tu as du culot ! Tu me fais une scène pour mon seau et tu te ballades avec un pot de chambre !

Follavoine, sur un ton vexé.

Un pot de chambre !

Julie

Dame, à moins que ce ne soit une coiffure que tu lances.

Follavoine

Un pot de chambre ! Tu oses comparer ton seau de toilette… à ça ! Mais ton seau de toilette, ça n’est que… ton seau de toilette ! c’est-à-dire un objet vil, bas, qu’on n’étale pas, qu’on dissimule !… (Avec l’admiration qu’on aurait pour un objet d’art, tendant son vase en lui faisant comme un socle de l’extrémité de ses cinq doigts.) Tandis que ça, c’est…

Julie, lui coupant la parole et tout en redescendant vers la droite.

« C’est, c’est »… un pot de chambre ! c’est-à-dire un objet vil, bas, qu’on n’étale pas, qu’on dissimule.

Follavoine, descendant près de sa femme et avec lyrisme.

Oui, pour toi, pour n’importe qui, pour les profanes ; mais pour moi c’est quelque chose de plus noble, de plus grand, que je ne rougis pas d’introduire ici ! C’est le produit de mon travail ! un échantillon de mon industrie ! ma marchandise ! mon… gagne-pain !

Julie, avec une petite révérence gouailleuse.

Ah ! bien, mange, mon ami ! mange !

Elle gagne la droite.
Follavoine, allant déposer son vase sur le petit guéridon à gauche du canapé.

Oui ! Blague ! Blague ! Tu ne blagueras pas toujours ! Quand nous nous en ferons trois cent mille livres de rente… !

Julie, adossée contre la table de droite et tout en faisant passer son seau de son bras droit fatigué à son bras gauche.

Trois cent mille livres de rente de pots de chambre ?

Follavoine, allant rejoindre sa femme.

De pots de chambre, parfaitement ! ça t’étonne et pourtant, si Dieu le veut… et Chouilloux ! ça se fera !

Julie

Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Follavoine

Il n’y a pas d’histoire ! Je ne t’en parlais pas, pour te réserver la surprise si je réussissais ; mais puisque c’est comme ça… ! Alors tu ne sais pas… tu ne sais pas qu’aujourd’hui le gouvernement n’a plus qu’un objectif : améliorer le sort du soldat ! On le soigne, on le dorlote, on le met dans du coton ; dernièrement on a été jusqu’à lui coller des pantoufles !

Julie

Des pantoufles au soldat !

Follavoine

Comme je te le dis.

Julie

C’est martial.

Follavoine

Et naturellement on ne veut pas en rester là. C’est comme cela que maintenant on vient de décider, afin que les hommes ne soient plus exposés à attraper froid en descendant la nuit par le vent, par la pluie, que désormais chaque soldat de l’armée française aurait son vase de nuit !

Julie, ébahie.

Non !

Follavoine

Personnel et à son matricule.

Julie, bouche bée.

Ah !… ce que ça en fera !

Follavoine

Conséquence : prochainement, adjudication de cette nouvelle… fourniture militaire ; et moi, comme fabricant de porcelaine, j’ai décidé de soumissionner. Et c’est ici que Chouilloux apparaît comme le Deus ex machina !

Julie

Qu’ça veut dire ?

Follavoine, interloqué.

Quoi ?

Julie

Chose, là !… « ta quina » ?

Follavoine, avec un sourire indulgent.

Quoi ? « tachina » ? (Corrigeant.) « machina » !

Julie, brusque.

Eh bien ! c’est ce que je dis : ta quina ! Je te demande ce que ça signifie ?

Follavoine

Ce que ça… !

Julie

Oui !…

Follavoine

Eh ! ben, euh… !

Julie

Eh bien ! va !

Follavoine

Ah ! c’est pas facile à dire.

Julie

Pourquoi ? c’est cochon ?

Follavoine, riant.

Mais non, c’est pas cochon ! Deus ex machina, c’est… c’est une expression comme ça ! Les Grecs… les Grecs employaient cette locution pour désigner un gros bonhomme !… un gros manitou.

Julie, résumant.

Un obèse !

Follavoine

Mais, non, un homme de grosse influence.

Julie

Ah ! un… C’est au figuré !

Follavoine

C’est au figuré. Eh ! bien, Chouilloux, c’est ça ! Chouilloux, c’est le président de la commission d’examen, chargée par l’État d’adopter le modèle qui sera imposé comme type à l’adjudicataire. Comprends-tu maintenant l’intérêt qu’il y a à se le ménager ? J’ai le brevet de la porcelaine incassable, n’est-ce pas ? Que par l’influence de Chouilloux la commission adopte la porcelaine incassable ; ça y est ! l’affaire est dans le sac et ma fortune est faite !

Julie, reste un instant songeuse, hochant la tête, puis.

Oui !… et ça te mènera à quoi, ça ?

Follavoine, avec emballement.

À quoi ? Mais si je réussis, c’est le pactole ! Je deviens du jour au lendemain le fournisseur exclusif de l’armée française.

Julie

Le fournisseur des pots de chambre de l’armée française ?

Follavoine, avec orgueil.

De tous les pots de chambre de l’armée française !

Julie, fronçant le sourcil.

Et… on le saura ?

Follavoine, de même.

Mais naturellement qu’on le saura !

Julie

Oh ! non… Oh ! non, non, non, non, non, non !… je ne veux pas être la femme d’un monsieur qui vend des pots de chambre.

Follavoine

Hein !… Mais en voilà des idées ! Mais songe que c’est la fortune !

Julie

Ça m’est égal ! c’est dégoûtant !

Elle gagne l’extrême droite.
Follavoine

Mais, nom d’un chien ! qu’est-ce que je fais donc d’autre, aujourd’hui ? J’en vends des vases de nuit ! j’en vends tous les jours !… pas sur ce pied-là ; mais j’en vends !

Julie, revenant devant la table.

Oh ! « tu en vends, tu en vends »… comme tu vends d’autres choses ; tu es fabricant de porcelaine, c’est tout naturel que tu vendes les articles qui relèvent de ton industrie ; c’est normal, c’est bien ! mais te spécialiser ! devenir le monsieur qui vend exclusivement des pots de chambre ! Ah ! non, non ! même pour le compte de l’État, non !

Follavoine, déconcerté et affolé.

Mais tu es folle ! mais réfléchis !

Julie, adossée à la table et les bras croisés.

Oh ! c’est tout réfléchi ! Tu es bien aimable ; mais je n’ai pas envie de marcher dans la vie, auréolée d’un vase de nuit ! je n’ai pas envie d’entendre dire, chaque fois que j’entrerai dans un salon. « Qui est donc cette dame ? C’est Madame Follavoine, la femme du marchand de pots de chambre ! » Ah ! non ! non !

Follavoine, de plus en plus affolé à la perspective de voir tout son échafaudage s’écrouler.

Ah ! bien, par exemple ! Ah ! bien, si je m’attendais !… Oh ! mais je t’en prie ! Tu ne vas pas au moins aller dire ça à Chouilloux ! Ça serait du joli !

Julie, dédaigneuse.

Oh ! je n’ai rien à dire à Chouilloux !

Follavoine

Écoute ! Je verrai… Il y a peut-être moyen d’arranger les choses, de… de mettre un homme de paille, je ne sais pas ! mais ne me fais pas rater ça, je t’en supplie ! et, quand Chouilloux sera là, surtout sois aimable ! sois polie !

Julie

Non, mais, dis donc : je n’ai pas l’habitude d’être impolie ! J’ai l’usage du monde !

Elle gagne vers lui.
Follavoine

Je n’en doute pas, je…

Julie

Mon père a reçu M. Thiers !

Follavoine

Oui, oh !… tu n’étais pas née.

Julie

C’est possible, mais mon père l’a reçu tout de même ! alors, n’est-ce pas… ?

Elle passe.
Follavoine

Oui ? bon ! Alors, ça va bien ! Là ! (La poussant doucement vers la chambre.) Va purger Bébé ! habille-toi, et débarrasse-moi de ton seau, hein ? veux-tu ?

Julie, se dirigeant, accompagnée de Follavoine, vers sa chambre.

Mais quoi ? quoi, je l’ai, mon seau ! Je t’en prie, je n’ai pas besoin que tu me dises toujours ce que j’ai à faire.

On sonne.
Follavoine

Tiens ! on sonne. Sûrement c’est Chouilloux. Je t’en supplie, dépêche-toi ! Si on l’introduisait…!

Julie, sur le pas de la porte.

Eh ! bien, quoi ? Il me verrait !

Follavoine, la faisant sortir.

Justement ! comme ça, j’aime autant pas ! (Refermant la porte et redescendant par l’extrême gauche.) Oh ! les femmes, les femmes ! Ce que ça vous complique la vie !… (Au passage, il reprend son vase de nuit.) Eh ! bien, qu’est-ce qu’on attend pour introduire Chouilloux ? (Allant a la porte du fond et par la porte entr’ouverte, risquant un œil, puis ouvrant complètement.) Personne ?… (Parlant à la cantonade.) Ah çà !… Rose !… Rose !…

Il descend sans refermer la porte et va à son bureau.