Ornithologie du Canada, 1ère partie/L’Engoulevent criard

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Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 147-149).

L’ENGOULEVENT CRIARD.[1]
(Whip-poor-will.)


Six espèces d’Engoulevents[2] ont été observées en Amérique. Les deux espèces qui visitent le Canada sont l’Engoulevent criard et l’Engoulevent Popetué.

« Les Engoulevents se rapprochent des Chouettes et des Hiboux en ce qu’ils ne peuvent soutenir la clarté du jour, en ce qu’ils ne sortent de leur retraite qu’au coucher du soleil et qu’ils y rentrent à son lever. Ils ont de l’analogie avec les Hirondelles par la conformation du bec, par leurs aliments et par la manière de se les procurer ; ils vivent d’insectes ailés, mais ils ne pourchassent que ceux qui ne volent et ne courent à terre qu’au moment où la clarté du jour est affaiblie. Plusieurs de ces oiseaux des crépuscules ont encore des traits de ressemblance avec le Moucherolle ; aussi agiles, aussi patients que ces entomophages, ils se mettent en embuscade sur une branche sèche, s’élancent après l’insecte fugitif, le suivent dans l’irrégularité de son vol, et le happent en l’aspirant ; ensuite ils reviennent à leur poste attendre le passage d’une nouvelle proie. C’est ainsi qu’agit l’Engoulevent criard. Les oiseaux auxquels la nature n’accorde tout au plus que le temps nécessaire pour se procurer leur subsistance, n’ont pas celui de construire leur nid ; en effet un petit trou à fleur de terre, un sentier battu, sont les endroits où les femelles font leur ponte ; chaque couvée n’est ordinairement composée que de deux œufs. L’Engoulevent criard s’appelle encore Whip-poor-will, du cri qu’il fait entendre ; d’autres le nomment Mosquito Hawk, Faucon des Moucherons. Ils fréquentent le soir les lieux habités, où ils font un vacarme qui dure une partie de la nuit. Ce bruit est occasionné par une répétition continuelle de leur cri Whip-poor-will. Ils prononcent ce mot en appuyant fortement sur la première et la dernière syllabe. Après avoir crié quelque temps dans un endroit, ils se transportent dans un autre, où ils répètent les mêmes sons quatre ou cinq fois de suite. Ils se taisent quand la nuit est très obscure, recommencent au point du jour et continuent de se faire entendre jusqu’au lever du soleil. Ces Engoulevents ne se posent jamais à la cime des arbres ; ils se tiennent dans les buissons, sur les clôtures de bois, sur les barrières et souvent à proximité des ruches à miel, dont ils détruisent les utiles habitants lorsque ceux-ci en sortent trop matin ou s’y rendent trop tard. Cette espèce est répandue dans l’Amérique septentrionale jusqu’à la Baie d’Hudson et n’y passe que la belle saison. La femelle dépose deux œufs d’un brun verdâtre, parsemés de raies et de zigzags noirs. Elle fait ordinairement deux pontes par an. La taille, les couleurs et leur distribution varient dans les individus. L’Engoulevent criard a le bec noirâtre et garni à sa base de soies noires et très longues ; le front et les joues d’un fauve grisâtre ; cette teinte qui est mélangée de noir et de blanc sur le reste de la tête, règne aussi sur les parties supérieures du corps et des ailes, mais elle est plus foncée sur le dos et sur le cou, et variée de grandes taches noires ; les cinq premières pennes alaires ont des taches pareilles, ainsi que la queue dont les plumes les plus extérieures sont blanches dans plus d’un tiers de leur longueur ; la gorge est variée de roux, de blanc et de noir ; cette dernière couleur domine sur le devant du cou et sur le haut de la poitrine ; chaque plume est bordée de roux ; un mélange de blanc sale, de noirâtre et de gris règne sur les parties postérieures ; les pieds sont en partie couverts de très petites plumes brunes et rousses ; la queue est arrondie à son extrémité.[3]

Longueur totale, 9 pouces et demi ; envergure, 19 pouces.

Il ressemble à son congénère européen, Caprimulgus ; on voit l’origine de ce nom qui veut dire Tette-chèvre et représente une habitude que cet oiseau n’eut jamais.

L’Engoulevent criard se rencontre en abondance dans l’ouest du Canada ; il est commun autour de Hamilton. Il a été vu à Nicolet, et ailleurs dans cette section-ci de la Province.


  1. No. 112. — Antrosthomus Vociferus. — Baird.
    Caprimulgus Vociferus.Audubon.
  2. Ils volent le bec ouvert ; ils engoulent le vent.
  3. Vieillot.