Ornithologie du Canada, 1ère partie/La Caille

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Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 316-319).

LA CAILLE.[1]
(Quail.)


La Caille, si commune dans l’ouest du Canada, ne se rencontre pas que nous sachions, dans aucune localité à l’est de Kingston ; elle est même rare dans les environs de cette ville. Les épaisses forêts de pins et de sapins des chaînes de montagnes du Bas-Canada ne seraient-elles pas une barrière insurmontable pour des oiseaux qui ne vivent que dans les plaines dénudées d’arbres ? Si notre climat était moins froid, si les vastes plaines du Haut-Canada se prolongeaient dans cette partie de la province, il est probable que nous aurions la Caille pour hôte de nos bois. On rencontre ces oiseaux le matin et le soir, dans les champs bien cultivés des fermiers du Haut-Canada. Quand le temps est beau, ils quittent leurs perchoirs de bonne heure ; le repas du matin achevé, ils recherchent quelqu’endroit retiré pour se frotter dans le sable, aux rayons du soleil du midi, et pour se débarrasser par ce procédé de la vermine qui les moleste. La Caille, strictement parlant, n’est pas un oiseau qui émigre, car un grand nombre passent l’hiver dans la partie méridionale du Canada, en proie au froid ; néanmoins aux premiers frimas, plusieurs abandonneront les localités humides, suivront les cours d’eau à une centaine de milles de l’endroit où elles ont couvé ; le froid, la disette de nourriture les rend si peu méfiantes, qu’elles viennent autour des granges et se mêlent même aux oiseaux de basse-cour, pour partager leur nourriture. Les Cailles s’accouplent au commencement ou à la fin du mois de mars, selon l’état de la température ; même après que cela a eu lieu, si le froid se fait de nouveau sentir, elles se réunissent en bandes. Des feuilles, des herbes sèches, des plumes arrachées de son propre corps, tels sont les matériaux que la femelle emploie dans la structure de son nid, qu’elle abrite derrière ou au pied d’un arbrisseau, d’un chicot, ou d’une clôture : ce nid est si bien protégé contre le froid et l’œil humain, que très souvent, il échappe à tous les regards. Les œufs sont blancs et sont d’ordinaire au nombre de quinze à vingt ; on a constaté des cas où vingt-cinq œufs reposaient dans le même nid ; l’incubation dure à peu près vingt et un jours. La femelle dépérit sensiblement et mue pendant cette période ; les jeunes naissent très forts ; on en a vu suivre la mère, avec des morceaux de la coquille de l’œuf sur leur dos. Les Cailles sont monogames, et pendant que la femelle couve, le mâle se perchera sur une clôture ou sur un buisson voisin, et chantera pour une demi-heure entière, comme pour encourager sa compagne dans ses devoirs ardus : on dit même qu’il pousse la sollicitude jusqu’à la remplacer sur le nid quand elle le quitte.

Si la température est chaude et sèche, la jeune couvée sera capable de voler dans trois ou quatre semaines ; si au contraire, la saison est froide et pluvieuse, grand nombre des jeunes succomberont en conséquence.

Dès que la mère suivie de sa couvée, quitte le nid, le mâle se réunit à la famille qu’il protège en toutes occasions ; de concert avec sa compagne, il recherche pour les jeunes la nourriture nécessaire ; au premier bruit, les petits se réfugient sous l’herbe ou dans les haies, et les vieux ont recours à mille ruses pour détourner le danger de leur progéniture. Si le chasseur se montre, les vieux oiseaux prennent leur vol et reviennent secrètement et par un détour, à l’endroit qu’ils viennent d’abandonner ; puis à demi-voix, la femelle appelle autour d’elle sa famille éplorée et l’entraîne à la hâte, loin du danger. Pendant ce temps, le mâle pirouette sur le sol, les ailes pendantes et comme s’il était blessé.

Il réussit en effet très souvent de cette sorte à attirer à sa suite chien et chasseur et donne le temps à ses jeunes de battre en retraite ; le danger passé, la voix de la femelle signale au mâle le nouveau domicile qu’elle a choisi. La Caille sait aussi trouver le courage et les moyens de lutter contre les oiseaux plus forts qu’elle : elle ne craint pas d’attaquer les oiseaux de proie, qui osent attenter à son bonheur domestique. On cite un combat entre une Caille et une Couleuvre noire, qui eut bientôt terminé tragiquement pour l’oiseau, que le reptile avait saisi par l’aile : l’intervention d’une personne qui broya le dos du reptile, mit fin à cette lutte inégale : le témoin de ce combat, en cherchant, découvrit deux jeunes Cailles dans l’herbe, tout meurtries, que la Couleuvre se réservait comme bonne bouche, avant l’assaut que lui livra la mère des innocentes victimes.

C’est une tâche fort difficile, nous dirions même impossible que d’apprivoiser des Cailles. On a confié à des poules, des œufs de Cailles ; une fois éclos, les jeunes ont montré beaucoup de bonté pour leur protectrice qui les a traités comme s’ils eussent été ses propres poussins : tout allait bien jusqu’à ce que la période de l’accouplement avait lieu et alors les jeunes étrangers, oubliant leurs nouveaux amis de basse-cour, prenaient leur vol vers la forêt pour y cacher leurs amours et y goûter les douceurs de la liberté.

Ces oiseaux réduits en captivité, s’accommodent de la vie de volière mieux que des limites étroites d’une cage : le manque d’espace leur est mortel. Leur nourriture consiste en graines, baies, et fruits dans les champs à découvert et surtout en maïs. Le chant de la Caille se compose de trois notes, la première et la dernière égales en étendue et plus sonores que la note intermédiaire : ce cri que les Anglais disent ressembler aux mots Ah Bob White, l’oiseau le répète d’une clôture ou d’un buisson pendant des heures entières. La nuit, ils se groupent à terre soit dans l’herbe, soit sous un objet quelconque, et se placent en cercle, la tête sur le dehors du cercle, et près l’un de l’autre : de cette manière s’ils sont alarmés, ils peuvent prendre leur vol en directions différentes. On les capture de diverses manières : en captivité, ils deviennent fort gras, sans s’attacher pour tout cela à la personne qui les nourrit. En automne, leurs migrations se font de la même manière que les Dindons sauvages : savoir, avec un vol rapide et peu élevé de terre. Ils atteignent de sept à dix années d’existence.

La Caille couve dans toute l’étendue des États de la République voisine, depuis le Massachusetts au Texas ; elle couve aussi dans l’ouest de la province.

Elle a le bec noir ; une ligne au-dessus de l’œil, le long du cou, le menton, blanc pur ; cette ligne est bornée par une bande de noir qui descend et s’étend largement sur la gorge ; l’œil est noisette foncé ; le haut de la poitrine et le bas du cou, d’un rouge brun ; les côtés du cou, tachetés de blanc et de noir sur un fond rouge-brun ; les scapulaires et les couvertures inférieures, rouge-brun, mêlées de cendré et parsemées de noir ; les tertiaires, frangées d’un jaunâtre-blanc élégamment marquées de taches noires qui ont la forme de flèches ; la queue est cendrée, saupoudrée de rouge-brun ; les pieds d’un cendré pâle.

Longueur totale, 10 ; envergure, 15.


  1. No. 471. — Ortyx Virginianus. — Baird.
    Ortyx Virginiana.Audubon.