Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Jaseur du Cèdre — Le Recollet

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Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 219-222).

LE JASEUR DU CÈDRE. — LE RÉCOLLET.[1]
(Wax Wing.)


Le Jaseur[2] du Cèdre, un des hôtes les plus incommodes de nos vergers en juillet et en août, a fait le désespoir des classificateurs ; les uns en voulaient faire une Pie-Grièche, d’autres une Grive. Vieillot penche à croire que le Jaseur du Cèdre n’est pas une variété de celui d’Europe, mais le contraire est aujourd’hui généralement admis. Les Américains l’appellent Cedar or Cherry Bird, Oiseau du cèdre ou Mangeur de Cerises. Les Canadiens l’appellent Récollet, à cause de quelque similitude entre sa huppe et le capuchon d’un moine ; le nom d’Oiseau du Cèdre lui convient fort bien parce qu’il habite les cédriers, où il niche, ainsi que dans les arbres à bourdennes dont il mange avidement le fruit : poires sauvages, cerises à grappes, cerises de France, voilà ses mets favoris ; il consume avec avidité tous ces fruits, choisissant le plus mûr. Lorsque cette nourriture lui manque, il se contente de divers insectes, de mouches qu’il attrape sur les branches. C’est un vrai goinfre : il avale une quantité vraiment prodigieuse de comestibles chaque jour ; son appétit pantagruélique est l’effroi des horticulteurs, dont les plus beaux fruits disparaissent des arbres comme par enchantement. En vain, on lui tire des coups de fusil : il revient à l’arbre, au quarré de fraise, dès que le propriétaire a tourné l’angle du jardin.

« La société de leurs semblables semble être pour ces oiseaux une nécessité. En effet, les petits sont à peine sortis du nid que toutes les familles du même canton et des environs se réunissent et se forment en petites troupes qui ne cessent de voyager ou plutôt d’errer de jardin en jardin, pour y trouver une nourriture abondante et facile. Dans la Caroline du Sud, on ne les voit que l’hiver ; ils sont sédentaires dans le Sud des États-Unis ; à l’approche de la saison des œufs, les mâles deviennent extrêmement querelleurs et turbulents ; le calme se rétablit dès que l’éducation des jeunes a commencé. Deux pontes annuelles sont les fruits de leur union ; ils en font une au mois de juin et l’autre au mois d’août. Ces oiseaux se laissent approcher de très près et ne s’épouvantent point du bruit de l’arme à feu. Ceux que le plomb meurtrier n’a pas atteints au premier coup, se contentent de changer d’arbre, se posent sur le plus proche, et tous sur le même, si tous peuvent y trouver place. En liberté, comme en captivité, ils sont silencieux pendant toute l’année ; ils jettent seulement de temps en temps le cri commun à l’espèce, zi, zi, zi. Peu d’oiseaux se consolent plus promptement que le Jaseur du cèdre, de la perte de leur liberté ; peu d’oiseaux pris adultes, se façonnent plus aisément à la captivité ; celui-ci ne donne aucun signe de regret et ne cherche point à s’échapper dès qu’il est emprisonné ; la tranquillité semble être pour lui le premier des besoins ; son naturel est mélancolique, voire même stupide, en quelqu’état qu’il se trouve. À peine est-il entré dans une volière, qu’il se jette sur la nourriture qu’on lui présente, si elle lui est propre. Quoiqu’il soit fructivore, il mange aussi avec avidité la mie de pain trempée, mais si on le borne à cette nourriture, il souffre d’une sorte de diarrhée qui le fait périr. Quoiqu’il en consomme beaucoup et qu’il digère promptement, il dépérit peu à peu et succombe au bout de quelque temps. »

Le mâle et la femelle diffèrent peu l’un de l’autre : celle-ci a des couleurs moins vives et une huppe plus courte. Il ne faut pas s’imaginer que les mâles seuls ont les appendices cériformes qui sont à l’extrémité de quelques pennes des ailes, puisque les femelles en ont et que bien des mâles n’en ont pas. Il est très vraisemblable, dit Vieillot, que ces appendices sont l’attribut de l’âge avancé, car les jeunes des deux sexes en sont toujours privés dans leur première année.

« L’aigrette de cet oiseau est composée de plumes effilées et d’un gris nuancé de roux ; une bande noire bordée de blanc en dessus, ceint le front, passe sur l’œil et se perd sur l’occiput ; la mandibule supérieure a un trait de la dernière couleur sur les plumes qui la bordent ; un gris-roux couvre le corps, mais il est plus foncé sur le dos et les couvertures des ailes, dont les plumes sont d’une couleur d’ardoise sombre et frangées à l’extérieur d’un gris bleuâtre ; la gorge est noire à son origine, et ensuite du même gris que le devant du cou et la poitrine ; cette teinte prend un ton verdâtre sur le ventre et les flancs ; elle se dégrade sur les parties supérieures ; la queue est noirâtre et terminée de jaune ; le bec et les pieds sont noirs. »

Longueur totale, 6 pouces. Envergure, 11 pouces.

Les jeunes ont une huppe très peu apparente ; ils sont d’un gris sale sur les parties supérieures, et tachetés de brun sur les inférieures ; le milieu du ventre est d’un blanc sale ; le bec, les pieds et les ailes sont bruns, ainsi que la queue, dont la pointe est d’un jaune pâle.


  1. No. 233. — Ampelia cedrorum. — Baird.
    Bombycilla carolinensis.Audubon.
  2. Ainsi appelé probablement parce qu’il ne jase pas, ne dit mot : lucus a non lacendo. — (Note de l’auteur.)