Outre-Manche - Le Bilan des Radicaux, le réveil des Unionistes

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Outre-Manche – Le bilan des radicaux – Le réveil des unionistes
Jacques Bardoux

Revue des Deux Mondes tome 49, 1909


OUTRE-MANCHE

LE BILAN DES RADICAUX
LE RÉVEIL DES UNIONISTES

Il y a trois ans, — le 21 décembre 1906, — à la veille des élections générales, sous la grande verrière d’Albert Hall, sir Henry Campbell Bannerman se levait pour donner à ses soldats, avant la bataille, le mot d’ordre et les derniers conseils. Une émotion contenue éclairait ce visage un peu terne d’officier retraité. Une ardeur religieuse donnait, par instans, à sa parole, sans éclat et sans originalité, les accens de la vraie éloquence. Un « plan de construction sociale » se déroulait devant l’auditoire enthousiaste. « Nous désirons faire en sorte que la terre soit moins a pleasure ground, un parc d’agrément pour les riches et davantage a treasure house, une source de trésors pour les pauvres. » La vie urbaine donne naissance à « toute une série de problèmes, vraiment effrayans par leur étendue… Quels que soient ceux, qui, comme le Lévite de l’Écriture, détournent les yeux et changent de route, les Libéraux ne peuvent passer leur chemin. » Dociles à l’appel du premier ministre, les électeurs ont envoyé en 1907 à Westminster un personnel d’hommes jeunes et ardens, recrutés dans des couches démocratiques et dans les chapelles puritaines.


* * *

Les statisticiens l’ont démontré par des chiffres précis. La Chambre conservatrice, élue en 1900, comptait dans ses rangs 102 propriétaires fonciers et 61 fils de Pairs. Sur les bancs des Communes radicales, nous n’en trouvons plus que 49 et 34. En 1900, 223 députés, en 1907, 118 seulement portent un uniforme d’officier, dans l’un des corps de troupes dont se compose, soit sur le pied de guerre, soit en temps de paix, l’armée britannique. Le nombre des banquiers est tombé de 50 à 16, celui des agens de change de 10 à 7. L’effectif des maîtres de forges et des propriétaires de mines est passé de 28 à 21, tandis que le groupe compact des fabricans de boissons alcooliques voyait ses soldats reculer de 24 à 15.

En revanche, les avocats et les avoués conservent leur prépondérance (183 en 1900, 173 en 1907). Le Palais-Bourbon n’est plus le seul, où l’éloquence judiciaire revendique une redoutable hégémonie. Si les professeurs restent stationnaires (14), les médecins sont plus nombreux aujourd’hui, qu’il y a trois ans : 11 contre 8. Les publicistes ont fait d’importans progrès : ils n’étaient que 57 dans le Parlement conservateur, ils sont maintenant 80. Si les fermiers et les boutiquiers n’accroissent pas leur effectif, en revanche les ouvriers passent de 10 à 56. Les carrières libérales et manuelles se partagent les sièges enlevés à l’aristocratie terrienne et au monde financier.

La Chambre élue en 1907 est un Parlement de journalistes et d’avocats, de commerçans et de trade-unionistes, où un député sur cinq appartient officiellement à l’une de ces Eglises puritaines, qui forment, pour reprendre le mot de Carlyle, l’ossature religieuse, — the backbone, — de la nation anglaise.

Pour donner à ces chiffres un peu de vie, je voudrais pouvoir évoquer les couloirs des Communes, les bancs gothiques, les fenêtres à croisillons, les graves vitraux. Les redingotes ont disparu. Les « tubes » sont rares, et les « melons » fréquens. Les jaquettes passent pour élégantes et les vestons sont admis. Le chapeau mou a conquis droit de cité. Les châles des pauvresses ont fait leur apparition sur la terrasse de Westminster. Et tous les jours, des groupes d’ouvriers, en casquettes, arpentent la demeure historique dont ils ont, définitivement, forcé la porte. Les têtes grises ou chauves ne sont pas nombreuses sous le plafond aux lampadaires gothiques. Partout des visages jeunes et des silhouettes athlétiques. La Chambre anglaise n’a plus l’élégance dans la tenue, l’aisance dans les manières, la correction, dans les formes, qui convenaient au digne ancêtre du Parlementarisme. Une vie intense, — surtout aux débuts des sessions, — se trahit partout. Les couloirs sont encombrés et tumultueux. La salle des séances déborde. Les adversaires sont accueillis par des grognemens. Des rires éclatent comme des traînées de poudre. Les interpellations se croisent avec la régularité de rapides décharges. Les propositions de loi s’entassent. Les orateurs abondent. Et les Commissions provoquent d’ardentes compétitions. Rien qu’au cours de la troisième session, 70 textes législatifs sont venus enrichir le Statute Book.

Comment se fait-il qu’après trois années, pendant lesquelles la machine parlementaire, surchauffée, a fonctionné avec une trépidante activité, cette Chambre jeune et démocratique n’ait pas vu accroître son prestige, ni grandir sa popularité ? Dans un de ses derniers numéros, le Punch nous montre le premier ministre, les bras croisés, dans une attitude à la fois irritée et dédaigneuse. Un Pair, — lord Lansdovvne, — le bombarde à coups de projets de loi. Le chapeau du Très Hon. H. H. Asquith est défoncé, son col froissé. « Prenez garde, s’écrie-t-il, je vais faire appel à mon ami, qui assiste avec une visible indignation à votre manège. » Et l’ami, le brave et gros John Bull, en frac bleu à boutons d’or, en culottes blanches et en bottes à revers, ronfle sur un banc, en proie au sommeil le plus paisible. Pourquoi dort-il ?


I

Jamais gouvernement britannique n’a, en trois années, accumulé un aussi grand nombre de réformes sociales. Nul n’a été oublié, dans cette avalanche de textes législatifs et de décrets gouvernementaux.

L’enfant a été l’objet de légitimes sollicitudes. S’il arrive à l’école, tremblant de froid et de faim, il sera nourri par les nouvelles cantines, et les parens pauvres ne seront pas tenus de rembourser les dépenses. L’inspection médicale de tous les écoliers a été organisée, et une Commission permanente, présidée par un spécialiste connu, le docteur G. Newman, veillera à la création de cours spéciaux pour les retardés et pour les infirmes. Une loi capitale, votée au cours de la session 1908, combat à la fois tous les vices dont souffre l’enfance ouvrière : l’exploitation des envois en nourrices (baby farming), la rapacité d’orphelinats en apparence charitables, les dangers du vagabondage et l’abus du tabac, les contacts des débits de boisson et des maisons de correction.

Quoi qu’en aient dit les suffragettes, heureuses de dépenser, dans des bagarres souvent grossières et toujours inutiles, cette ardente vitalité, qui est un des caractères de la femme anglaise, les interprètes du néo-radicalisme ont tenu compte des revendications féministes. Non content de protéger le sexe faible contre le danger de mariages avec des étrangers trop habiles à exploiter les ressources de textes inconnus, le législateur a donné à l’épouse le droit de disposer librement de sa fortune personnelle et de la confier à un mandataire juridique (trustee). L’ouvrière n’a point été oubliée. Le travail de nuit a été supprimé conformément aux exigences des conventions internationales. L’inspection des blanchisseries et des orphelinats a été décidée. Et M. Gladstone a étendu, par décret, à dix industries, les restrictions imposées, au nom de l’hygiène, au travail à domicile, par un texte antérieur. Si le droit de vote n’a été encore accordé ni aux ouvrières, ni aux bourgeoises, du moins, en vertu des deux lois de 1907, les femmes, qui paient des taxes municipales, pourront-elles prendre part aux élections locales, revêtir le manteau de fourrure et la chaîne d’or de councillor ou d’alderman.

Les vétérans, blanchis sous le rude harnais du labeur manuel, ont vu, depuis le 1er janvier 1908, poser le principe et amorcer l’organisation des retraites ouvrières. Tout vieillard de soixante-dix ans, sain d’esprit, qui n’a point subi de condamnation ou n’est pas actuellement à la charge de l’Assistance publique, touche une pension qui varie de 325 francs, quand les revenus ne dépassent pas 525 francs, à 65 francs pour ceux qui atteignent 687 francs. Demain, les mêmes avantages seront étendus aux pauvres aujourd’hui secourus, sans qu’ils aient, eux non plus, ni à verser une cotisation préalable, ni à solliciter de leur patron une quote-part.

Le sort des invalides a été amélioré. Les bénéfices des lois antérieures sur les accidens du travail ont été étendus à tous les salariés, soit à 6 millions de personnes. L’existence de maladies professionnelles a été reconnue. La durée de l’invalidité légale a été réduite. Le taux des indemnités a été relevé.

Le prisonnier n’a point été oublié. La loi, qui crée la Cour d’appel de droit criminel, introduit en Angleterre le principe de l’assistance judiciaire. Un autre texte de 1907 importe, de l’autre côté du détroit, la loi de sursis, mais confie à un nouveau corps de fonctionnaires le soin de surveiller, d’encourager ou d’aider les détenus relâchés sous bénéfice d’inventaire. Enfin, une loi qui date d’hier prévoit, à la fois, la détention préventive, pour les professionnels, encore à l’âge de nuire, qui se refusent à donner des garanties de bonne conduite, et l’envoi dans des instituts de redressement des délinquans, que leur jeunesse, leur tempérament, ou leur passé rendent susceptibles d’un relèvement rapide.

Ni le Parlement, ni le gouvernement n’ont concentré toute leur activité réformatrice sur le prisonnier, l’invalide, le vieillard, la femme et l’enfant.

L’adulte a été également l’objet de leurs préoccupations.

Les usines de produits chimiques n’auront plus le droit de troubler la pureté de l’air, de masquer la clarté du jour, que réclament les poumons et les yeux également fragiles du citadin. Une loi en cent quarante articles fixe la largeur de sa rue, détermine le plan de sa maison, règle la disposition de ses fosses, organise l’emplacement de ses sports. S’il est atteint d’une maladie contagieuse, il lui sera interdit, sous peine d’amende, de reprendre un métier qui donnerait aux microbes la tentation et l’occasion d’envahir le voisin. Les parens, qui enverront à l’école un enfant malade, sans un certificat du médecin garantissant l’impunité des contacts, seront rigoureusement châtiés.

C’est également au nom de l’hygiène, que la loi anglaise interviendra dans le travail quotidien de l’ouvrier. Et les radicaux ont poussé aussi loin qu’ils le pouvaient les conséquences du principe.

Les précautions et les restrictions, qu’imposait la législation antérieure aux industries qui présentent, au point de vue soit des accidens, soit des maladies, des dangers spéciaux, ont été étendues à de nouvelles et nombreuses catégories d’usines électriques, textiles, métallurgiques. Onze nouveaux inspecteurs veilleront au respect du règlement, fixé pour chacune de ces professions par l’Office du Travail. La loi sur la Marine marchande amorce une étape de plus dans la voie de l’interventionnisme, quand elle impose à l’armateur l’obligation d’assurer à ses marins les services d’un cuisinier diplômé et de leur donner un menu dûment fixé. Le Hours in coal mines act fait un second pas, quand il accorde aux ouvriers des mines la journée de huit heures. De nouveaux efforts ont été faits pour l’introduire dans les établissemens et entreprises dépendant de l’Etat. Et lorsque les ministres contraignent leurs fournisseurs à ne point faire travailler à domicile, ou lorsque M. Gladstone étend le contrôle de son inspection sur les ouvriers à façon, victimes du marchandage, il restreint, d’une façon plus rigoureuse encore, la liberté de l’adulte, puisque la Loi vient frapper à sa porte et s’installer sous son toit.

Pour assurer le fonctionnement de cet organisme, dont la complexité s’accroît, dont les tentacules s’allongent, de jour en jour, l’autorité législative et administrative a besoin de collaborateurs. Les radicaux lui en reconnaissaient deux : le syndicat ouvrier et la municipalité socialiste.

Les Trade-Unions ont trouvé dans les décisions des ministres et dans les votes des députés de précieux encouragemens. Dès leur arrivée au pouvoir, le secrétaire d’Etat à la Guerre, le président du Board de l’Amirauté, le maître général des Postes ont posé en principe que leurs ouvriers et leurs agens pourraient se faire représenter, auprès du ministre saisi de leurs revendications, par le bureau des Syndicats. Et le 3 septembre 1907, au congrès des Trade-Unions tenu à Bath, le président A. H. Gill s’est écrié : « C’est là un privilège (sic), pour lequel nous avons lutté depuis de nombreuses années, et qui nous avait été refusé, avec intransigeance et obstination, par tous les gouvernemens, qui se sont jusqu’ici succédé au pouvoir. » Quelques mois après, le Cabinet donnait aux Trade-Unionistes une nouvelle preuve de ses sympathies, en substituant au projet de loi ministériel les amendemens du Labour Party, qui accordent aux syndicats la liberté pour leurs patrouilles et l’insaisissabilité pour leurs caisses.

L’activité industrielle des corps élus constitue, — aux yeux des radicaux, — au même degré que le contrôle corporatif des syndicats ouvriers, une force nécessaire pour organiser la vie économique. On chercherait en vain, dans les discours du Très Hon. H. H. Asquith, ce juriste saxon à l’esprit précis et à la parole brève, dans les professions de foi de sir Edward Grey, ce gentilhomme whig au jugement sûr et à l’âme droite, la moindre réserve sur la valeur des municipalisations. Ce collectivisme limité et local est accepté par les membres les plus modérés du parti libéral. Et nul n’a été surpris des efforts tentés, par voie législative ou administrative, pour encourager les conseils élus à persévérer dans la méthode amorcée il y a quelques trente ans. Le Housing and town-planning bill, dont la discussion n’a pas été achevée au cours de la session 1908, donne aux municipalités le moyen de se procurer à meilleur compte les ressources et le droit d’acquérir, de gré ou de force, les terrains nécessaires, pour construire dans la ville des maisons ouvrières et dessiner, autour de la cité, le plan de ses futurs agrandissemens. Enfin, lorsqu’une crise commerciale, sur laquelle nous aurons à revenir, est venue accroître le chômage, le ministre des Affaires locales, l’ancien ouvrier mécanicien, qui construisit de sa main le premier tramway électrique, John Burns, en ouvrant largement les cordons de la bourse nationale, a poussé les conseils élus dans la voie de la municipalisation. Pour occuper les sans-travail, ils ont emprunté 25 millions de plus que l’hiver dernier, et dépensé une partie de cette somme à développer leurs tramways, à améliorer leurs services d’éclairage, à étendre leurs laiteries, leurs lavoirs et leurs bains-douches.

Le Cabinet et le Parlement radical ne se sont point bornés à étendre le réseau des services municipalisés, à fortifier l’action clés groupemens corporatifs, à accroître le contrôle des lois interventionnistes. Ils ont complété par une politique agraire et des tendances fiscales, également socialistes dans leur esprit, le plus énergique effort qu’ait jamais tenté gouvernement anglais pour donner satisfaction aux revendications démocratiques.

Les conservateurs, désireux jadis d’arracher aux libéraux orthodoxes leur clientèle urbaine, avaient, sous l’impulsion d’un juif de génie, lord Beaconsfield, et d’un descendant de Marlborough, lord Randolph Churchill, amorcé l’interventionnisme législatif, exploité les intérêts trade-unionistes, justifié le socialisme municipal, fourbi toutes les armes que leur ont volées les radicaux. De même, lorsque les héritiers des tories ripostèrent au home-rule, à l’émancipation politique de l’île d’Erin, en affranchissant économiquement le paysan irlandais, et favorisèrent par leur loi de 1892 la création de petites exploitations rurales, ils ont préparé les instrumens législatifs, à l’aide desquels les disciples, — singulièrement infidèles, — du libéralisme classique, tentent aujourd’hui de battre en brèche ce monopole foncier, qui réserve à 2 000 personnes la libre possession de la moitié du sol sur lequel flotte le drapeau anglais.

En donnant au fermier, par l’Agricultural Holdings act de 1905, pour réparer les bâtimens et varier les cultures, pour obtenir le remboursement des pertes que lui ont causées les chasses gardées et « les troubles apportés à sa jouissance, » des garanties et des libertés, même si son bail porte des clauses contraires, les communes radicales ont voulu introduire, en Angleterre, le principe irlandais des deux propriétés superposées, celles du tenant et du landlord. Une loi étendait même à l’usufruitier écossais tous les avantages accordés aux locataires irlandais. La Chambre des Lords a pu assurer aux propriétaires fonciers un sursis ; mais il lui a été impossible de leur épargner une seconde épée de Damoclès. Le Roi, lui-même, n’a-t-il pas dû s’incliner devant, le zèle radical de lord Carrington ?

En vertu du Crown Lands Act de 1907, le ministre de l’Agriculture a été chargé d’administrer 24 800 hectares, qui constituent l’apanage d’Edouard VII. Le nouveau gérant, avec ou sans le consentement du Souverain, s’est hâté de morceler ces vastes domaines. Alors qu’au nombre des tenanciers du Roi, on ne comptait que 44 petits exploitans, une seule terre, dans le Cambridgeshire, a été divisée entre 75 usufruitiers ; une autre dans le sud du Lincolnshire a trouvé 87 preneurs. Ce morcellement des domaines de la Couronne a créé une nouvelle catégorie d’agriculteurs, — jusqu’alors inconnue, — les petits fermiers de l’Etat, les paysans à vie. Le Small Holdings and Allotments Act de 1907 en accroît le nombre. Les Conseils généraux devront mettre à la disposition des journaliers, qui le demanderont, des exploitations rurales de 2 (allotments) et de 20 hectares (holdings). Si leurs réclamations restent sans réponse, des Commissaires, désignés par le Ministre, se substitueront aux corps élus. Commissioners ou County-Councillors, à l’aide d’emprunts, qui devront être amortis dans quatre-vingts ans, à l’aide aussi de subventions annuelles de l’Etat, — la première est de 2 500 000 francs, — se procureront de gré ou de force, soit en les louant, soit en les achetant, les terres susceptibles d’être divisées. Deux dispositions sont caractéristiques. Les petites exploitations ne seront pas vendues, mais affermées. Aux propriétés paysannes rêvées par Stuart Mill, ses lointains héritiers préfèrent des usufruits viagers. Quant aux landlords, expropriés, ils ne recevront que la valeur de leurs terres. Le principe du rachat forcé, sans dommages-intérêts, est posé dans toutes les lois votées ou discutées par les Communes radicales[1]. Les théories de la nationalisation du sol ont mordu sur le parti radical. Et ses décisions législatives en portent l’empreinte.

Lorsque les classes aisées ont vu, en dix mois, sous l’impulsion énergique de lord Carrington, 31 Conseils généraux racheter 5 883 hectares, alors qu’en seize ans 8 County-Councils n’avaient, en vertu de la loi conservatrice de 1892, trouvé le temps ou le moyen que de fractionner 320 hectares, leur stupeur n’eut d’égale que leur inquiétude. Les radicaux leur réservaient d’autres surprises et d’autres angoisses.

La même évolution, qui est venue concentrer la propriété foncière, entre un nombre de mains, d’année en année plus réduit, se manifeste aussi pour les valeurs mobilières. Les fortunes supérieures à 2 500 000 francs figuraient en 1884, dans l’annuité successorale, pour 25 p. 100. Leur part dépasse 36, en 1902. Tandis qu’en France, en 1906, nous apprend M. Paul Leroy-Beaulieu, 22 p. 100 des capitaux saisis par le fisc reviennent aux héritages de plus de 1 million, — 43 p. 100 en Angleterre correspondent à des successions supérieures à 1250 000 francs 18 p. 100 de la masse successorale sont formés, de l’autre côté du détroit, par des fortunes de plus de 6 millions 250 000 francs. Sur la rive française, les successions supérieures à 5 millions représentent seulement 6 p. 100.

Renseignés par ces statistiques, les radicaux ont entamé contre la concentration de l’or la même lutte pour le morcellement que contre le monopole de la terre. De même qu’ils rognent les droits ou exproprient les domaines du landlord au profit du fermier ou de l’Etat, de même, ils confisquent sur les grosses successions ou les larges revenus les sommes nécessaires pour diminuer les impôts indirects ou décharger les petits salaires. Le budget de 1907-1908 a amorcé les réformes, que réalisera celui de 1908-1909. Afin de couvrir le déficit, provoqué par l’abaissement des droits sur le thé et par l’établissement d’un tarif dégressif, en faveur des revenus du travail, le Très Hon. H. H. Asquith, quand il était chancelier de l’Echiquier, a déjà relevé les droits progressifs sur les successions supérieures à 3 750 000 francs, établis en 1894 par sir William Harcourt. L’échelle partira de 7 p. 100 pour atteindre 15. Un héritage de 75 millions de francs paiera 10 millions de droits.

Les temps sont durs pour les grosses fortunes foncières et mobilières, même dans ces Iles Britanniques où elles se réfugient volontiers, espérant goûter les quiétudes confortables que leur offre la dernière société où les hiérarchies aristocratiques soient reconnues par la loi, et acceptées par les mœurs. Et ce n’est pas le successeur du Très Hon. H. H. Asquith au portefeuille des Finances, M. D. Lloyd George, qui détendra l’armature fiscale, dont les ressorts enserrent chaque jour davantage les heureux de ce monde.

Le 7 octobre 1908, ce fils de paysans gallois, élevé au fond d’une échoppe de cordonnier, dans un petit village, au pied des rocs du Snowdon, prenait la parole dans une cité industrielle, à Swansea.

Debout, au milieu d’un auditoire enthousiaste de boutiquiers, de mineurs et de débardeurs, l’ancien clerc d’avoué de Portmadoc, au visage presque français par les cheveux bruns, les traits mobiles, le regard vivant, dénonce les riches dans des termes que n’oserait certainement pas employer, à Roubaix, par exemple, notre farouche M. Caillaux : « Je puis nommer douze personnes, et vous aussi, — car ce n’est point un secret ministériel, — dont les revenus, pendant les plus mauvais jours de la crise, suffiraient pour maintenir dans l’aisance, pendant tout un mois au moins, 50 000 ouvriers et leurs familles. Pensez-y ! Pensez-y ! 250 000 hommes, femmes et enfans pourraient vivre sur le revenu, que ces douze personnes toucheront, pendant la pire période de la stagnation commerciale, sans jamais lavoir gagné. » On peut deviner le sort qu’il leur réserve dans son prochain budget.

Deux jours plus tard, à l’autre bout des Iles Britanniques, en pleine Ecosse, le premier ministre prononçait un discours, dont l’imperiosa brevitas et l’ironie froide contrastent singulièrement avec les larges périodes et les ardeurs lyriques de son collègue. Mais le Très Hon. H. H. Asquith n’est guère plus rassurant pour la ploutocratie anglaise. Dans un autre style, et sur un terrain différent, il formule des menaces aussi redoutables. Il démontre, avec la rigueur du juriste, mais avec l’élégance d’un universitaire, sans qu’une émotion altère la régularité de son profil ni la beauté de son masque, que le morcellement du sol constitue le seul remède pratique contre le paupérisme. Il faut développer le nombre des petites exploitations, en procédant à de larges expropriations. Il importe de relever le sort des tenanciers, en donnant à un tribunal le droit de fixer les fermages. Des violences oratoires du paysan gallois, ou des argumentations serrées du juriste saxon, lesquelles sont plus menaçantes pour les intérêts bourgeois ?

M. J. Balfour, ce gentilhomme philosophe qui retrouve, dans l’opposition, ses dons précieux d’ironie pénétrante et de subtile ingéniosité, les considère, avec raison, comme également redoutables : « L’activité économique, a-t-il dit, a pour condition la confiance qu’éprouve chaque citoyen qu’il pourra jouir des résultats de son fécond labeur. Cette confiance, les ministres actuels, soit par l’imprudence de leurs réformes, soit par l’imprudence de leurs projets, ont plus fait, pour la détruire en trois ans, que tous les démagogues des cinq dernières générations. »


II

Et la bataille a commencé. La Chambre des Lords a la première engagé les hostilités.

Elle est dirigée par un propriétaire terrien de 57 200 hectares, par l’héritier d’un des titres les plus anciens d’Angleterre, — la Baronie de Kerry et Lixnaw date de 1181. Dans les veines du marquis de Lansdowne coule le sang d’un des gentilshommes les plus cultivés, d’un des politiques les plus libres d’esprit du XVIIIe siècle, lord Shelburne. Les Pairs ont sinon joué le rôle d’une seconde Chambre, du moins tenu la place d’une opposition parlementaire. Ils se sont préoccupés beaucoup moins de compléter l’œuvre législative des Communes, en refaisant des études préparatoires et en corrigeant les textes obscurs, que de gêner le gouvernement radical. Ils ont fourni à l’agitation électorale des argumens, et semé dans les rangs de la majorité des germes de division. Le marquis de Lansdowne a obligé les Pairs à accepter des lois improvisées, des réformes hardies, des innovations socialistes, comme celles qui organisent les retraites ouvrières, proclament l’insaisissabilité syndicale, créent, au profit de l’Etat, et aux dépens des latifundia, des propriétés paysannes à vie. Des Bills moins menaçans ou mieux préparés ont été tronqués ou repoussés, lorsque les amendemens ou le rejet pouvaient, sans compromettre la popularité du parti conservateur, détacher du Cabinet radical quelques adhérens ou l’acculer à des mesures imprudentes. Hier encore, le vote des modifications apportées par la Chambre Haute à la loi sur la journée de huit heures dans les mines venait tendre les relations entre libéraux et ouvriers, au moment même où H. H. Asquith s’efforce de les réunir dans un bloc démocratique. D’autre part, l’abandon successif de trois réformes scolaires risque d’aliéner les fidèles des chapelles puritaines et d’encourager les partisans de la neutralité absolue. El si, exaspérés par une habile opposition, des libéraux songent à poser, devant l’opinion publique, malgré l’expérience fâcheuse de 1895, la grave question des restrictions qu’il convient d’apporter au veto des Lords, ceux-ci ont déjà esquissé le plan d’une tactique, adroite parce qu’elle n’est pas étroitement défensive, proclamé l’urgence d’une réorganisation de la Chambre Haute et démontré la nécessité de supprimer, en fait sinon en droit, la Pairie héréditaire.

Tandis que les Lords suppléent par leur habile opposition à l’insuffisance numérique du parti unioniste dans les Communes radicales, laissent passer les réformes ouvrières, atténuent la législation agraire, repoussent les textes dictés par l’esprit puritain, l’armée conservatrice se reconstitue peu à peu.

L’écrasante défaite de 1906 avait désorganisé les cadres et compromis les chefs. Dès 1906, le Congrès annuel des Associations conservatrices élabora un programme destiné à rétablir, sur une base nouvelle, les groupemens locaux et les fédérations provinciales, — tandis que çà et là se créaient des ligues, dues à l’initiative privée, et destinées à renouer les liens avec la classe ouvrière, qu’avait brisés l’avènement du Labour Party. En novembre 1907, au Congrès tenu à Birmingham, dans la capitale de M. Chamberlain et dans la citadelle du néo-protectionnisme, une étape de plus a été franchie. Des esprits ardens rendaient responsable le leader, M. Balfour, de la défaite de janvier 1906. Indifférens au charme de ce gentilhomme, écrivain de race, philosophe subtil, musicien consommé, qui, pendant son premier ministère, écrivit un livre sur les Bases de la Croyance, la majorité des Unionistes se refusaient à lui pardonner les objections, qu’il avait cru devoir adresser au programme fiscal de M. J. Chamberlain. M. Balfour comprit que l’heure des capitulations avait sonné. S’il voulait rester leur chef, il devait suivre ses soldats. Devant le vote unanime des délégués, il renonce à la solution modérée, à la synthèse ingénieuse du protectionnisme et du libre-échangisme, qu’il préconisait, sous le nom de « représailles douanières. » Il accepte l’idée d’accorder des droits de faveur aux importations de denrées alimentaires, expédiées par les agriculteurs canadiens. Il s’engage, s’il revient au pouvoir, à convoquer immédiatement une nouvelle conférence intercoloniale, qui dressera le plan des tarifs différentiels impériaux. Il appose sa signature au bas du programme de la Tariff Reform League, dressé dès 1901 par M. J. Chamberlain, qui, sans partager les scrupules théoriques de son collègue écossais, s’était, avec une combativité toute saxonne, lancé immédiatement dans la voie de l’action pratique. Les divisions sont effacées. L’unité est rétablie. Les cadres sont reconstitués.

Cette réorganisation, les efforts de M. L. J. Maxse, l’éminent directeur de la National Review, et de lord Milner, fidèle, malgré ses lauriers de proconsul, aux souvenirs de l’apostolat de M. A. Toynbee, son camarade d’Oxford, pour former une avant-garde démocratique, — condition nécessaire de toute marche victorieuse, — ont permis aux unionistes de continuer, dans les circonscriptions, la bataille engagée à Westminster par les Lords, contre le radicalisme.

Le réveil du parti conservateur est un fait. Il se manifeste, au cours des élections partielles, par des gains de sièges et des déplacemens de voix également importans.

La fragilité des majorités électorales est un des traits caractéristiques de l’Angleterre contemporaine. Il s’explique par des causes multiples.

La concentration dans des villes de 75 pour 100 de la population anglaise crée un milieu homogène et impressionnable, dans lequel les courans d’opinions peuvent étendre leurs ondes vibratoires avec une déconcertante rapidité. D’ailleurs, l’Anglais, isolé et social, est infiniment plus sensible à l’action de ces forces psychologiques, que le Français sociable et individualiste. De l’autre côté de la Manche, les esprits, moins aptes, de par leur manque d’agilité, à manier le sens critique, subissent plus facilement l’action d’un journal et l’influence d’un discours. Les énergies disciplinées, habituées à évoluer dans un cadre précis, obéissent aux organisations, dont elles ne sont qu’un rouage. Les consciences religieuses, toujours prêtes à respecter les lois et les traditions, cèdent volontiers à un courant de l’opinion publique, comme à une manifestation de la volonté nationale. Le gentleman ne se reconnaît-il pas au soin que met un galant homme à ne jamais heurter, par son costume, ses gestes et ses propos, un usage accepté ou une idée admise ? L’Angleterre est un merveilleux champ d’études, pour le psychologue, désireux d’analyser la formation et de suivre le développement de ces mouvemens, qui se propagent, de pensées en pensées, d’âmes en âmes, avec autant de rapidité et de régularité, que les rides sur la surface de l’eau, troublée par le choc d’un caillou.

Mais, d’autre part, le corps électoral est constitué, de l’autre côté du détroit, de manière à assurer au plus léger courant le maximum d’effet. D’abord, il est relativement peu nombreux. La durée et le point de départ de la résidence légale, la perte du droit de vote qu’entraînent les secours de l’assistance publique, la nécessité d’avoir un domicile personnel et indépendant suffisent pour interdire l’accès de la liste électorale à 3 millions et demi d’adultes. En 1906, 7 266 000 citoyens seulement avaient le droit de désigner des députés, alors que, sur 43 millions d’habitans, le nombre des adultes mâles dépassait 11 millions. Les bénéficiaires d’un suffrage restreint, dont le nombre est encore réduit par les inscriptions fréquentes d’une même personne à plusieurs endroits, sont plus sensibles que d’autres aux angoisses des propriétaires fonciers et des contribuables aisés. Comment nier que l’interdiction du vote plural et l’admission de deux millions d’électeurs rendraient plus rares et plus lentes les réactions conservatrices ?

Elles peuvent exercer une action d’autant plus rapide et d’autant plus grande, qu’il suffit d’un faible déplacement de voix pour modifier la répartition des mandats législatifs. L’absence d’un second tour de scrutin, surtout depuis l’avènement du Labour Party, fausse complètement les résultats de la consultation électorale. Dans les circonscriptions de Manchester (N. O.), Pudsey, Haggerston, Newcastle, les conservateurs ont enlevé les quatre sièges aux radicaux, qui les détenaient depuis 1906 ; et cependant, ils ne pouvaient opposer que 27 691 électeurs aux 23 763 bulletins libéraux et aux 5 524 votes socialistes. Le bloc démocratique, si un second tour lui avait permis de se constituer, aurait disposé d’une majorité de 1 696 voix, et conservé trois des sièges sur quatre. Ajoutez encore que la répartition archaïque des mandats parlementaires, en favorisant les petites villes et les centres ruraux, altère la valeur représentative des consultations électorales, facilite les surprises au profit tantôt d’un parti, tantôt d’un autre, mais d’une manière générale, aux dépens des classes ouvrières. Une commission, désignée au mois d’août 1905, par le Cabinet Balfour, a dû constater qu’un remaniement équitable et logique des circonscriptions devrait entraîner la suppression de 21 sièges en Angleterre, 2 dans le Pays de Galles, 4 en Écosse et 25 en Irlande, et la création de 41, 2, 7 et 2 nouveaux mandats, pour les quatre grandes provinces du Royaume-Uni.

Pour ces raisons d’ordre administratif, législatif et psychologique, les radicaux, qui n’ont point encore dressé le plan d’une réforme électorale, ont pu constater que la fragilité des majorités électorales ne cesse de grandir. En trois ans, les conservateurs gagnent neuf sièges, les socialistes enlèvent deux mandats, tandis que les libéraux n’enregistrent aucune victoire nouvelle. Si l’on dresse le bilan des voix recueillies, au cours des 45 élections, qui donnèrent lieu à un scrutin, il est impossible de ne pas constater l’importance de la réaction conservatrice. Les Unionistes voient l’effectif de leurs soldats passer de 192 000 à 218 000, gagner 26 000 voix, tandis que leurs adversaires tombent de 246 500 à 211 500, perdent 35 000 votes. En 1906, dans ces 45 circonscriptions, les radicaux avaient eu une majorité de 28 pour 100. Elles donnent aujourd’hui aux conservateurs une avance de 3 pour 100.

Le flux monte avec une force progressive. En 1906, en 1907, en 1908, les Unionistes enregistrent l’adhésion de 1 240, 2 940 et 21 590 hommes. Les désertions libérales se multiplient avec la même régularité : 7 570 ; 8 030 ; 19 880.

Un courant d’opposition conservatrice se manifeste, avec une intensité croissante, au sein de l’opinion britannique. Pour en connaître les origines et en mesurer la puissance, allons assister dans deux circonscriptions, l’une rurale, l’autre urbaine, à une élection partielle.

Le comté d’Essex, où s’installèrent les premières colonies saxonnes, s’étend aux portes de Londres, au Nord de l’embouchure de la Tamise. Entre des Highlands boisés, qu’Epping forest a rendus célèbres, et des falaises sablonneuses, où les vagues de la mer du Nord ont taillé des estuaires aussi larges que nombreux, s’étend une plaine et un sol friable, où alternent les terres à blé et les gras pâturages. Au temps lointain où l’Angleterre n’était pas encore une agglomération de cités enfumées, coupées de quelques parcs, le comté d’Essex nourrissait, dans des bourgs coquets, une population nombreuse de paysans saxons, laborieux et batailleurs. Ils sont restés combatifs, et les violences de la campagne électorale le prouvent surabondamment ; mais ils ne connaissent plus la prospérité d’autrefois. Le petit port d’Harwich n’expédie plus leurs moutons ni leurs céréales. Il reçoit, au contraire, les beurres, les œufs et les porcs danois que des trains spéciaux transportent à Londres, sous les yeux des cultivateurs découragés. Sur la place de Chelmsford, le marché à blé est moins fréquenté que jamais ; et si les coquettes églises des XIVe et XVe siècles, éparses dans la plaine, les ruines de l’abbaye de Waltham, où fut enterré le roi Harold, attirent la curiosité des automobilistes, elles témoignent aussi de la civilisation supérieure et de la prospérité agricole de ces siècles, où les hommes avaient le goût et trouvaient le temps de dresser une œuvre d’art sur la façade d’une chaumière ou sur la place d’un marché.

Lorsque M. Rider Haggard parcourut l’Essex, le crayon à la main, pour achever son enquête sur l’Angleterre rurale, il recueillit les mêmes doléances. Au Nord, sur les bords boisés de la rivière Stour, dont les paysages gracieux ont été immortalisés par Constable ; à l’Est aux abords de la bourgade historique de Colchester, dont les grises maisons ont été chantées par W. Morris ; sur le marché de Chelmsford, au centre des terres à blé, partout, journaliers agricoles et fermiers intelligens ont prôné le morcellement des exploitations rurales. Au mois de novembre 1908, un jeune radical vient, dans ce milieu en apparence favorable, justifier le socialisme agraire de son parti. Il a pour concurrent un landlord qui défend avec âpreté ses droits et ses intérêts. Il a diminué les salaires de ses journaliers. Il empêche, dit-on, ses tenanciers de fabriquer leur bière.

Le gros propriétaire n’en sort pas moins vainqueur de la lutte. Les radicaux, partisans des small holdings, perdent 874 voix. Les conservateurs, adversaires du socialisme agraire, gagnent 1 237 votes. Leur majorité atteint le chiffre de 2 565. Elle n’était que de 454 bulletins, en 1906. Et, au cours de la période électorale, pour bien montrer l’ardeur de leurs sentimens, des jeunes hommes, trop fidèles aux goûts batailleurs de leur race saxonne, des employés et des commis, envahissent les meetings radicaux, lancent des pétards, jouent de la trompe, déchirent les affiches et rossent les conférenciers.

Si la circonscription rurale de Chelmsford a toujours, depuis 1885, élu un député unioniste, la cité industrielle de Pudsey, jusqu’en 1908, était toujours restée fidèle au radicalisme démocratique. Le Yorkshire sportif est aussi saxon que l’Essex batailleur. Dans les deux contrées, les terres à blé, toutes pleines de souvenirs historiques, sont rapidement rongées là par la marche incessante de la capitale, assoiffée de terre et de lumière, ici par le district industriel du West Riding, auquel les vallées montagneuses ne suffisent plus pour abriter ses usines, ses tissages et ses forges. Du haut des collines, qui, au Nord de la cathédrale de York, agenouillée dans sa robe grise, au milieu de la prairie fertile, — du haut des collines, encerclées entre les deux vallées où courent la Nidd et l’Ure, le spectacle est saisissant. Tout près, au pied du repli de terrain, sur les bords de la voie romaine, s’étend la « prairie sanglante, » bordée de haies d’églantiers roses et blancs, où, en 1461, se livra entre Edouard VI d’York et Henri II de Lancastre l’une des batailles les plus sanglantes dont fasse mention l’histoire anglaise. Partout, des bourgs historiques : Knaresborough avec les eaux minérales d’Harrogate, Ripon avec son tertre funéraire et sa cathédrale originale, Fountains Abbey avec ses cloîtres en ruines et son cadre de verdure. Quand on regarde vers l’Est et le Sud, par delà la Nidd, l’horizon est barré le jour par des nuages de fumée, le soir par des lignes de flammes.

C’est là, derrière ce rideau, tour à tour opaque et lumineux, que se trouve Pudsey, la rivale d’Huddersfield, la cité de la laine. Le candidat radical, tout fier des réformes ouvrières réalisées ou projetées par le Cabinet Asquith, avait le droit de compter sur la gratitude des travailleurs manuels. Comment pouvait-il prévoir que la désertion de 1 291 voix, recueillies par un concurrent socialiste, l’adhésion de 1 903 nouveaux électeurs à la cause conservatrice, donneraient au candidat unioniste une avance de 113 bulletins, alors qu’en 1906 la majorité libérale avait été de 3500 votes, et, depuis 1885, depuis la création de la circonscription, n’avait jamais été inférieure à 470 ?

A Pudsey comme à Chelmsford, dans la cité industrielle du Yorkshire comme dans la bourgade rurale d’Essex, l’œuvre législative, réalisée en trois ans par le Parlement radical, n’a point exercé sur la vie quotidienne des ouvriers et des journaliers, des employés et des boutiquiers, une action assez profonde pour déterminer un élan de reconnaissance et annihiler les tentatives de surenchères.

Il y a plus. Non seulement les lois votées ne paraissent point avoir eu d’action profonde sur le corps électoral, mais deux réformes projetées ont certainement aliéné un nombre important de suffrages. Elles ont été dictées au parti libéral par ses convictions puritaines. Le radicalisme anglais a un caractère nettement religieux. Son histoire, dès les temps lointains de la Commonwealth, est inséparablement liée à celle des églises protestantes. Il a servi, avec une égale ardeur, les intérêts économiques et le christianisme laïque des classes moyennes. Les grandes victoires du libéralisme ont toujours coïncidé avec un réveil de l’esprit puritain. Les campagnes de 1832 pour l’affranchissement politique et de 1846 pour le libre-échange, la lutte de Gladstone, en 1878, contre Disraeli et celle de sir Henry Campbell Bannerman, en 1905, contre M. Balfour, ont revêtu, dans les manifestations de la foule et dans les discours des chefs, l’allure religieuse d’une croisade puritaine. Le Parlement, élu en 1906, au milieu des émotions provoquées par le revival gallois, par les polémiques théologiques du Dr Campbell, et par les adjurations civiques du Dr Clifford, avait reçu, des dissenters, le mandat exprès d’abroger les deux lois par lesquelles les Unionistes avaient favorisé le développement des écoles confessionnelles et arrêté la diminution des débits de boissons.

On sait qu’un texte de 1902, dû à la plume du philosophe qui réfuta le positivisme, avait assimilé les écoles privées (voluntary ou non provided schools) aux écoles municipales (board ou provided schools) et prélevé sur les taxes locales les fonds nécessaires à leur entretien. On sait également que les protestans s’étaient refusés à propager, de leurs deniers, une doctrine contraire à leurs convictions. A la fin de 1905, 64 000 contribuables résistent aux sommations du fisc ; 3 610 laissent vendre leur mobilier ; 281 subissent des peines d’emprisonnement. Et ces protestations véhémentes contribuent à la victoire libérale.

A peine élus, les radicaux se mettent à l’ouvrage. Ils tentent de réaliser un triple programme. Ils veulent confier intégralement aux autorités locales la direction de toutes les écoles entretenues à l’aide de taxes municipales. Ils prétendent distinguer l’instruction morale et la lecture de la Bible, de l’enseignement des catéchismes, qui serait ou bien interdit, ou bien donné à des heures spéciales par des maîtres distincts, que rémunéreraient les fidèles. Ils désirent, enfin, assurer la liberté et la neutralité des instituteurs publics : ils ne seront jamais obligés de signer un acte de foi déterminé ; ils ne pourront faire apprendre le catéchisme que dans des cas particuliers et avec l’autorisation des comités locaux. En trois ans, le gouvernement a soumis au Parlement trois projets de réformes scolaires. La première, due à M. Birrell, portait l’empreinte de son âme scrupuleuse et de son esprit confus. Elle fut rejetée par les Lords. La seconde, déposée le 24 février 1908 par M. Mackenna, un avocat occupé et un archer connu, était claire et brève. Elle allait, comme une flèche, droit au but. Auront seules le droit de porter le titre d’écoles publiques et de bénéficier des taxes locales, les écoles, neutres et laïques, dirigées par les autorités municipales. Les classes libres (non provided schools), si elles se trouvent dans un district où il y a plusieurs cours d’enseignement primaire, recevront, des mains de l’Etat, une subvention de 58 fr. 75 par enfant. Si l’école confessionnelle est la seule ouverte, elle deviendra la propriété des autorités locales, qui en réserveront l’accès, à certaines heures et deux fois par semaine, aux anciens propriétaires.

M. Mackenna était trop habitué à tirer juste, à trancher net. Les Eglises inquiètes ouvrirent des négociations et proposèrent une transaction. M. Asquith confia à M. Mackenna le portefeuille de la Marine, désigna un armateur pour remplacer ce juriste au ministère de l’Instruction publique, s’efforça, en rédigeant la troisième loi scolaire, d’éviter les écueils et de bien prendre la vague. Il fit aux partisans de l’instruction confessionnelle deux concessions également importantes. Dans toutes les écoles publiques, si des parens le demandent, le catéchisme sera enseigné deux fois par semaine, de 9 heures à 9 h. 45, aux frais des fidèles, par des maîtres spéciaux, ou par l’instituteur, s’il le demande. Les écoles libres recevront de l’État une subvention, qui sera portée de 58 fr. 75 à 62 fr. 50 par enfant. Les laïques anglicans repoussèrent la transaction rédigée par leur primat, l’archevêque de Canterbury. Et la troisième loi scolaire sombra. Ni un armateur, ni un juriste, ni un moraliste n’étaient parvenus à satisfaire les revendications protestantes, sans léser les intérêts anglicans et catholiques.

Cet échec a, évidemment, porté un coup sensible au prestige du Cabinet. Le Labour Party, partisan d’une laïcité et d’une neutralité absolues, n’a pas ménagé ses critiques. Les nationalistes irlandais ont, à plusieurs reprises, voté contre le ministère. Et, dans plusieurs circonscriptions, à Chelmsford, à Newcastle, notamment, la défection de catholiques et d’anglicans a entraîné la perte d’un siège. Il convient cependant de ne point exagérer l’importance de cette irritation ni la portée de ces désertions. Les écoles libres ne progressent pas. De 1901 à 1907, leur nombre est passé de 14 294 à 13 340, la moyenne journalière des présences de 2 545 000 à 2 317 000, tandis que les classes municipales enregistraient un accroissement de 504 000 enfans. L’Église anglicane traverse une crise. Le nombre des baptêmes baisse de 602 000 à 593 000, celui des communians de 2 223 000 à 2 053 000. L’effectif des catéchismes recule de 3 009 000 à 2 538 000. Les catholiques romains ne sont pas mieux partagés. De 4879 à 4907 leur nombre est tombé de 6 millions à 5 625 000 ; or, si l’on tient compte de l’accroissement de la population, ils devraient être 7 700 000. Soit une diminution de plus de 2 millions.

Leurs protestations, pas plus que celles des anglicans, ne sauraient suffire pour expliquer intégralement le réveil des forces conservatrices. Les menaces contre les débits de boissons ont exercé une action plus profonde sur le corps électoral, que celles dont l’enseignement confessionnel était l’objet.

La lutte anti-alcoolique est une preuve de la vitalité croissante de l’esprit puritain. Toutes les crises de remords social, qui sont l’honneur de l’Angleterre moderne, la croisade contre l’esclavage, la lutte contre l’exploitation de la main-d’œuvre enfantine, le mouvement des University Setllements sont inséparablement liés à l’histoire de ce christianisme biblique, de cette religion laïque, qui, parfois vaincue par des réactions temporaires, se réveille brusquement dans des explosions d’un lyrisme mystique et d’une austérité civique.

Chaque Anglais paie, pour les services de l’État, 75 francs par tête ; mais chaque famille ouvrière verse aux marchands de bière et de whisky un impôt annuel de 450 francs. En un demi-siècle, les condamnations pour ivrognerie sont passées de 4 à 6 pour 1 000 habitans. L’alcoolisme, stationnaire chez les hommes, fait d’inquiétans progrès chez les femmes. Sur 1 000 aliénées, 8 en 1876 et 9 en 1906 étaient les victimes d’ivresses répétées. En quatre jours, on a enregistré l’entrée dans vingt-trois débits de Londres de 40 000 femmes, accompagnées de 10 000 enfans. Pour enrayer cette gangrène sociale, un seul remède est efficace : la fermeture progressive d’un certain nombre de cabarets. Là où il y a 24 cafés pour 10 000 habitans, 32 habitans sur 1 000 sont condamnés pour ivrognerie. L’effectif des délinquans n’est plus que de 24, quand le nombre des débits baisse de 24 à 11.

Une loi conservatrice avait assuré la clôture de 837 marchands d’alcool en 1904, de 451 en 1905, de 584 en 1906. Mais ce texte présentait aux yeux des pionniers de la campagne puritaine deux graves inconvéniens. D’une part, il substitue, à la juridiction des local justices, celle de tribunaux moins expéditifs, plus éloignés, et plus coûteux. De l’autre, il accorde aux exploitans des cabarets fermés des dommages-intérêts, prélevés sur une caisse qu’alimente un impôt versé par leurs collègues. Or trois siècles de jurisprudence décident que la patente d’un débit de boissons n’est qu’une concession temporaire et révocable d’une propriété collective. La loi de 1904 assure, au contraire, aux cafetiers toutes les garanties d’une expropriation juridique de jour en jour plus coûteuse.

Le bill radical de 1908, par trois dispositions énergiques, accorde pleine et entière satisfaction aux apôtres de l’anti-alcoolisme. Sur 95700 tavernes existantes, 32 000 seront fermées d’ici à quatorze ans ; et les électeurs, dans chaque district paroissien, pourront s’opposer à l’ouverture de tout nouveau débit. Les local justices, rétablis dans leur autorité primitive, assureront l’exécution de la loi, autoriseront ou refuseront la cession des patentes, régleront l’emploi des sympathiques barmaids, fixeront les heures de fermeture pour le dimanche, pourront interdire l’ouverture des cafés pendant les périodes électorales. Enfin, en 1923, la suppression d’un débit ne donnera lieu à aucun dommage-intérêt. D’ici là, les cabaretiers, privés de quatorze années de commerce, recevront une indemnité, prélevée sur les bénéfices de leurs collègues mieux partagés.

Cette loi draconienne, rejetée par les Lords, malgré les concessions consenties par le gouvernement, a porté au parti radical, à sa popularité, une grave atteinte. A la campagne comme à la ville, le journalier et l’ouvrier, inquiets à la pensée de voir fermer le café de la place ou du coin, et d’être privés le dimanche de leur distraction habituelle, ont écouté avec sympathie les récriminations des barmaids et les adjurations des débitans. D’éloquentes œillades et des rasades gratuites ont triomphé des convictions les plus radicales. La bière coule à pleins bords. Et ces flots généreux contribueront, plus que les menaces dirigées contre les écoles confessionnelles et les atteintes portées aux grosses fortunes, à assurer le réveil, et peut-être la victoire des forces conservatrices.


III

Les succès du parti, qui propose des tarifs protectionnistes et réclame des dépenses militaires, ont été enfin favorisés par la crise industrielle et la situation internationale.

Le commerce britannique, qui s’était ranimé progressivement en 1904 et 1905, connut en 1906 et 1907 deux années d’une extraordinaire activité. 1908 a vu reculer, avec une surprenante rapidité, ce flux bienfaisant. Le nombre des faillites a augmenté de 9 600 à 10 200. La valeur des effets envoyés aux chambres de compensation a diminué de plus de 17 milliards. Les voies ferrées ont constaté un recul de 50 millions dans les recettes-marchandises. Les achats de matières premières ont diminué de 15 et la vente de produits ouvrés de 13 pour 100. Importations et exportations ont reculé de 2 840 millions. Les chantiers de constructions navales ont lancé 750 000 tonnes de moins qu’en 1907.

Cette crise économique a exercé sur la vie politique du peuple anglais une double influence, également funeste pour les idées radicales. De même que les mauvaises années de 1885, 1897, 1901 avaient déjà provoqué une série d’attaques contre le libre-échange, le recul de 1908 a servi la cause protectionniste. Au cours des élections partielles, les candidats conservateurs ont fait miroiter aux yeux des industriels lésés et des boutiquiers inquiets les avantages dorés d’un régime protectionniste. Devant les armateurs de Newcastle et les tisseurs de laine de Pudsey, les fermiers de Chelmsford et les ébénistes de Haggerston, les unionistes ont évoqué les mêmes perspectives, avec un égal succès. En haut, le protectionnisme conquiert les industriels. En bas, le socialisme mord sur les chômeurs.

Une crise, sans précédens depuis 1892, rejette, dans la plèbe des sans-travail, 10 pour 100 des syndiqués et fait monter l’armée des pauvres secourus, dans le Royaume-Uni, de 1 136 000 à 1 200 000. Les possibilistes progressent. L’Independent Labour Party et la Fabian Society annoncent que leur effectif, stationnais de 1901 à 1904, est passé de 14 000 en 1906, à 16 000 en, 1906, 20 000 en 1907 et 22 260 en 1908. Les Marxistes ressuscitent. La Social democratic Federation retrouve des adhérens, reçoit de l’argent, et songe à poser douze candidatures aux prochaines élections D’ardentes paroles retentissent. Des orateurs réclament le pillage des magasins et justifient l’emploi des bombes. Des émeutes s’organisent. Le sang coule à Manchester, à Glasgow, à Birmingham, à Deptford, et à Trafalgar square.

L’ordre est maintenu. Les agitateurs sont poursuivis. Mais cette répression nécessaire coûte aux libéraux plusieurs sièges. Les candidats socialistes leur enlèvent les voix ouvrières, tandis que les conservateurs exploitent, avec succès, les inquiétudes bourgeoises.

L’horizon est sombre en Angleterre. Il ne l’est pas moins sur le continent européen. Et cependant les radicaux avaient promis, là aussi, une radieuse et pacifique éclaircie. Ils devaient obtenir la limitation des armemens maritimes et améliorer les relations anglo-allemandes. Jamais celles-ci n’ont été plus tendues. Les conversations diplomatiques n’ont servi qu’à aggraver la rivalité navale. Les économies réalisées n’ont eu pour résultat que d’affaiblir la supériorité britannique. Tandis que les radicaux réduisaient le montant alloué aux constructions neuves de 300 millions de francs, en 1906, à 250 en 1907, et 225 en 1908, l’Allemagne profitait de cet arrêt pour élever ce chapitre du budget de 125 millions à 150 et 200. Il sera de 275 millions en 1909 et de 300 en 1910. Si l’Angleterre veut conserver une flotte deux fois supérieure à celle du jeune Empire, elle devra, en tenant compte des unités qui conserveront toute leur, valeur en 1920, lancer, d’ici à neuf ans, 225 contre-torpilleurs, 64 croiseurs, 1 croiseur cuirassé, 28 cuirassés, au coût de 2 milliards et demi.

Ces économies inopportunes, dictées par des illusions idéalistes, ont inquiété et irrité. L’accroissement de la marine et de l’armée s’impose. L’incendie couve dans les Balkans. L’opinion britannique trouve qu’il est temps de confier la réorganisation de ses forces et la direction de sa diplomatie à des activités plus militaires et à des consciences moins scrupuleuses.

L’heure approche où les radicaux devront déposer leur bilan et solliciter le renouvellement de leur mandat.

Le peuple anglais aura-t-il à se prononcer au cours de la session qui s’ouvre, dès le mois de mars ? Des personnes bien renseignées n’hésitent pas à l’affirmer. Si, pour combler le déficit et faire face aux nouvelles dépenses, le farouche M. Lloyd George demande une partie des cinq cents millions de francs, dont il a besoin, à des droits sur les débits de boissons ou à l’élévation des taxes successorales, introduit le tarif progressif dans l’income-tax et crée un impôt draconien sur les propriétés foncières, le conflit leur paraît certain entre les Communes radicales et les Lords conservateurs. S’il ne se produit pas, grâce à des concessions arrachées au paysan gallois, par le Très Hon, H. M. Asquith, ce prudent juriste saxon, il éclatera, tôt ou tard, à propos de l’extension du droit de vote ou de la séparation des Églises et de l’Etat ; et les libéraux seront acculés, par les échecs successifs que leur ont infligés les Pairs, à faire appel au pays plus vite qu’ils ne l’avaient prévu.

Les Communes, élues en 1906, auront-elles une existence aussi brève que le Parlement radical, nommé en 1892 ? Aujourd’hui encore, trois années d’opposition suffiront-elles à redorer le blason et à restaurer le prestige du parti conservateur ? Quarante mois auront-ils de nouveau épuisé toutes les forces de la poussée démocratique ? C’est le secret de demain. Si, au cours du premier semestre de la nouvelle année, les statistiques commerciales restent mauvaises, les Lords hésiteront moins à brusquer les événemens. Si, au contraire, la crise industrielle s’atténue rapidement, les Pairs y regarderont à deux fois, avant de provoquer un conflit constitutionnel. L’histoire ne leur a-t-elle pas appris, en effet, que lorsque le baromètre économique est au beau fixe, le peuple anglais est plein d’indulgence pour les ardens démocrates et les apôtres pacifistes ? Dès que les mauvais jours font leur apparition, l’idéalisme fait banqueroute ; et J. Bull réclame un gouvernement conservateur et des diversions belliqueuses.

Quel que soit le jour où il sera appelé à se prononcer, un avenir prochain nous dira de quel poids pèseront, dans la balance électorale, les préoccupations militaires et le malaise économique, les lois impopulaires et les inquiétudes sociales, dont nous avons retrouvé l’influence dans les victoires unionistes d’aujourd’hui.


JACQUES BARDOUX.


  1. Small landholders bill (Scotland) ; Irish Land bill ; Housing and town planning bill ; Licensing bill.