Péril jaune et Japon

La bibliothèque libre.
Austin de CROZE
PÉRIL JAUNE
et
JAPON
Les causes de la guerre — Le guet-apens japonais. — Japonophobie. — Péril jaune. — Péril japonais. — Petit Japon. — Japon sauvage. — Agriculture. — Industrie. — Commerce. — La ques­tion sociale. — Russie ou Japon ?


APPENDICE. — DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
ET
EPHÉMÉRIDES DE TROIS MOIS DE GUERRE
(DEPUIS LA FIN DES NÉGOCIATIONS JUSQU’AU 8 MAI)

S. M. l’Empereur du Japon, Mutzu-Hito DU MEME AUTEUR :

Ouvrages parus :

La Bretagne alcoolique (épuisé). Alphonse XIII intime. Le clergé et les congrégations en Bretagne (épuisé).

Sous presse :

Le bluff russe (avec continuation des éphémérides de la guerre russo-japonaise).

À paraître prochainement :

La Chanson et la Poésie populaires de l’île de Corse. La Bretagne noire (Étude documentaire). L’évolution de l’Amour (en collaboration). Poèmes magiques (épuisé). La Cour d’Espagne intime. La Bretagne païenne (épuise).


Avis. — L'auteur. protestant contre la souscrip­tion pour les blessés russes seulement, affectera la moi­tié du produit de la vente de cet ouvrage à la souscrip­tion

de la Croix-Rouge, pour les blessés japonais. S. M. le Tsar Nicolas ii
Austin de CROZE
PÉRIL JAUNE
et
JAPON
Les causes de la guerre — Le guet-apens japonais. — Japonophobie. — Péril jaune. — Péril japonais. — Petit Japon. — Japon sauvage. — Agriculture. — Industrie. — Commerce. — La ques­tion sociale. — Russie ou Japon ?


APPENDICE. — DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
ET
EPHÉMÉRIDES DE TROIS MOIS DE GUERRE
(DEPUIS LA FIN DES NÉGOCIATIONS JUSQU’AU 8 MAI)
TABLE DES MATIÈRES
avant-propos 
 7
I. — 
Causes du conflit russo-japonais 
 13
II. — 
Le « guet-apens » japonais 
 24
III. — 
Japonophobie 
 37
IV. — 
Le « péril jaune » 
 45
V. — 
Le « péril japonais » 
 59
VI. — 
Le « petit » Japon 
 65
VII. — 
Le Japon sauvage 
 71
VIII. — 
Le Japon agricole 
 82
IX. — 
Industrie, commerce 
 86
X. — 
La question sociale et la loi ouvrière 
 91
XI. — 
Russie ou Japon ? 
 98
conclusion 
 104
APPENDICE
I. — 
Documents diplomatiques 
 111
II. — 
Ephémérides de la guerre jusqu’au 8 mai 
 130
AVANT-PROPOS

Je n’ai pas pour but de faire ici un cours de géogra­phie, ni d expliquer comment l’archipel qui compose le Japon s’étendant du 50°56’ au 22°10’, le climat y est différent et influence très diversement les usages des habitants aussi bien que l’agriculture et l’industrie.

Nous savons tous qu’après la Révolution de 1867-68, qui a mis fin au régime des daïmios, ces grands sei­gneurs féodaux, brisé le pouvoir du shogun ou taïcoun, sorte de maire du palais qui tenait en tutelle le mikado, réduit au rôle de simple « roi fainéant », et restauré l’autorité impériale, le Japon, désirant faire table rase de son passé politique, a rompu net avec l’ancienne ère.

Prenant exemple de la Révolution française, qui avait fait dater l’ère nouvelle de la proclamation de la République, le Japon prit pour point de départ l’an­née 1867, qui vit la chute des daïmios et l’avènement de l’empire rénové ; l’année 1868 est devenue, obliga­toirement dans tous les actes officiels, l’an i de Meidji.

Nous savons, enfin, comment depuis celle date cet empire, qui florissait déjà 333 ans avant la conquête des Indes par Alexandre-le-Grand, s’est résolument lancé dans la voie du progrès.

D’ailleurs, depuis plus de trois mois, les journaux nous ont assez renseigné a cet égard, en admettant que nous ayons oublié un peu notre géographie et notre histoire.

Pour qu’il n’y ait aucun malentendu, j’avoue tout de suite que, ayant vécu en Extrême-Orient, je suis japonophile et que mon but est de démontrer combien nous devons nous métier de l’engouement latin qui nous porte à nous emballer pour ou contre des choses et des gens que nous connaissons à peine.

Plus que jamais, en France, nous crions : « Vive la Russie ! »

« Vive la Russie ! » parfait. Mais pourquoi ajou­ter : « À bas le Japon ! » alors que le Japon est un des meilleurs disciples de la Révolution française ?

Que penseriez-vous de passants qui, voyant deux hommes en venir aux mains dans la rue, ne trouve­raient rien de mieux que de les exciter à se battre ? Vous penseriez, avec raison, qu’ils manquent à leur devoir d’humanité en ne cherchant point à séparer et à calmer les combattants. Et vous trouveriez bon qu’à l’heure actuelle, dans l’atroce conflit qui ensanglante le pays du Malin-Calme, nous n’avions qu’à exciter frénétiquement les Russes contre les Japonais ?

Je ne parlerai pas des épisodes de cette guerre qui a fait dire dernièrement à notre apôtre de l’arbitrage international, M. d’Estournelles de Constant : « Nous récoltons ce que nous avons semé ».

Je n’en parlerai pas car, à vrai dire, nous ne savons que longtemps après, et seulement par les rapports officiels, le résultat des opérations et, trop souvent, les journaux doivent démentir le lendemain ce qu’ils an­nonçaient la veille.

Eux-mêmes nous prémunissent contre le danger de croire tout au moins aux premiers télégrammes et surtout — dirai je — aux télégrammes de source russe. C’est, par exemple, le Figaro, où nous pouvions lire ceci, à la veille des hostilités :

Si les télégrammes de Pétersbourg se mettent à être aussi fantaisistes que ceux de Tokio, nous finirons par ne plus rien savoir de ce qui se passe sur le théâtre de la guerre.

Voici en effet qu’un télégramme russe nous annonce que l’amiral Makarof est sorti du port avec 11 navires de son escadre, le 10 de grand matin, et qu’il est revenu le lendemain dans la matinée reprendre son mouillage.

Mais où le télégramme dont nous parlons devient d’une fantaisie excessive, c’est quand il dit que l’escadre russe a exploré la mer Jaune jusqu’en vue de Kousan, par 32° de latitude, c’est-à-dire bien au delà de Weï-Haï-Weï et de Kiau Tchéou, et presque tout près de Shanghaï.

Aussi bien il y a une raison péremptoire qui démontre la fausseté de l’information lancée par cette dépêche russe, et cette raison la voici : de Port-Arthur à Kousan, situé sur la côte de Chine, par 32°, il y a 960 milles, aller et retour. Pour que l’escadre de l’amiral Makarof ait effectué ce raid en vingt-quatre heures, elle aurait dû filer 40 nœuds, et c’est une performance dont les navires, même les plus modernes et les plus rapides, sont incapables.

Russes, amis et alliés, de grâce, ne vous livrez pas à a excentriques informations. Laissez cela à vos ennemis.

Au fond, malgré les chemins de fer, les paquebots et faillite de l’information mili­taire, sensationnelle et véridique ; les malheureux cor­respondants, parqués loin de la côte, sous l’œil jaloux de la police russe, qui verrait volontiers en eux des espions ou des révolutionnaires, sont réduits au silence ou doivent accepter de contresigner et d’expédier les dépêches que l’état-major russe daigne leur rédiger. Avec moins d’hypocrisie et autant de prudence, l’état-major japonais s’est contenté d’écarter[1]les journa­listes du théâtre des opérations. N’est-ce pas plus franc ?

De quoi parlerai-je donc ?

Des causes de celle guerre malheureuse pour tous, plus encore, peut-être, pour l’Europe que pour le Japon.

Je parlerai de cet épouvantail : « le Péril jaune ».

Je parlerai surtout de ce Japon, qui lut l’élève volon­taire de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne et dont la civilisation égale aujourd’hui la nôtre.

J’en dirai, non pas les mœurs simples, pittoresques et charmantes, mais son esprit, sa culture intellec­tuelle, ses ressources agricoles, industrielles et com­merciales, sa situation ouvrière.

Alors, opposant la liberté qui règne au pays du Soleil-Levant au despotisme qui pèse sur nos frères de Russie, on pourra conclure que le Japon est, endroit et en tait, une grande et noble puissance mon­diale, vis-à-vis de nous, la Septième Puissance.

Ainsi débutait la conférence sur « le Japon, Sep­tième puissance », qu’au nom de ma revue la Vie Cos mopolite, je donnais, le 7 avril dernier, à l’université populaire, la Coopération des Idées, sous la pré­sidence de l’illustre japonisant, Léon de Rosny, direc­teur de l’école des Hautes-Études, qui, pour ouvrir et clôturer cette séance, prononça les plus belles et les plus ardentes paroles à la gloire du Japon.

Mes auditeurs, et le vénéré maître lui-même, me demandèrent de publier ma conférence.

Je ne me suis résolu à le faire que devant la partia­lité révoltante de la presse russophile, qui persiste à nous montrer un ennemi dans le - Japon et à nous hypnotiser sur un « péril jaune », qu’elle est la seule à créer.

Ma conférence est devenue livre : car, depuis, les événements ont marché et ont prouvé au monde étonné que le « petit » Japon était digne de ses anciens maîtres, au nombre desquels la France est en pre­mière ligne.

Je livre ces pages à la discussion, même la plus pas­sionnée, car je sais qu’elles contiennent un peu des généreuses pensées qui animent une grande partie de la France — la plus grande, peut-être — et parce que j’estime, enfin, qu’en dépit de l’adage, toute vérité est bonne à dire.

Austin de Croze.
Directeur de La Vie Cosmopolite, ancien chargé de mission en Extrême-Orient par le Ministère de l’Instruction publi­que et des Beaux-Arts.

Paris, 8 mai 1904.


Tous droits de reproduction et de traduction réservés. (S’adresser à la Société des Gens de Lettres.)

CHAPITRE PREMIER


Causes du Conflit Russo-Japonais


L’enjeu de la partie russo-japonaise n’est pas seule­ment, comme le déplorait le député anglais Sinclair, la possession de la Corée pour l’un ou l’autre des ri­vaux.

« L’enjeu véritable — disait mieux, en février der­nier, le philosophe Alfred Fouillée — c’est la prépon­dérance présente en Chine et la future possession de la Chine. C’est une guerre d’intérêts, qui menace de deve­nir une guerre de races et de religions. Les Russes, après avoir refusé aux Japonais la Mandchourie par respect de l’intégralité chinoise, l’ont prise pour eux : de là, la colère ! »

Cela est assez vrai, mais ce n’est pas tout

La contestation des influences sur la Corée et la Mandchourie, les atermoiements de la Russie, l’im­patience du Japon devant sa rivale qui, depuis avril 1903, renforçait ses forces navales et militaires en Extrême-Orient de 19 navires de guerre et de 40.000 hommes, tout cela ne constitue, en réalité, que les causes diplomatiques et immédiates du conflit. Comme telles, examinons-les d’abord.

Le soulèvement des Boxers et l’intervention euro­péenne en Chine, permirent à la Russie de s’emparer en fait de la Mandchourie au mépris de tous les engage­ments formels.

Cette audacieuse spoliation est tellement insoute­nable que la Novoïe Vrémia devait bien l’avouer, le 30 janvier dernier : « La question de la Mandchourie doit être absolument exclue des négociations russo-japonaises, car la Mandchourie est une province chi­noise au sujet de laquelle le Japon ne saurait rien né­gocier ailleurs qu’à Pékin. »

Néanmoins, la Russie se montre et reste nettement intransigeante quant à ses « intérêts » en Mandchourie.

Puis, la Corée ayant excité son extravagante bou­limie territoriale, la Russie déclare qu’elle est, malgré tout, prète à s’entendre avec le Japon sur la base d’une répartition de sphères d’influence, mais uniquement d’influence économique : la Russie dans le Nord jus­qu’à la ligne de Port-Arthur, le Japon dans le Sud, à condition, toutefois, que ce dernier n’y construise pas de fortifications. L’existence de ces fortifications consti­tuerait, en effet, une menace sur le littoral pour les communications maritimes russes entre Vladivostok et Port-Arthur, et à l’intérieur pour le développement du commerce russe en Corée et en Mandchourie.

Que si on lui oppose les fortifications — menaçantes au premier degré pour le Japon et, on l’avouera, plus encore pour la Chine — de Vladivostok, de Port-Arthur. de Niou-Chouang. de Kharbin et surtout de Moukden qui devait toujours rester intégralement à la Chine, la Russie se taira ; ego nominor leo, la raison du plus fort lui semble la meilleure, et après la Corée, elle espérait bien avoir le Japon, le « petit Japon ».

Vous en doutez ?

Relisez l’interview d’un haut personnage russe, pu­bliée dans le Figaro du 7 avril, sous la signature de M. G. Bourdon, et surtout ce passage :

On a tort en Europe de considérer ce qui se passe comme une guerre normale, et de juger les mouve­ments de la Russie contre le Japon comme si elle se mobilisait contre l’Allemagne, par exemple. Ce n’est pas une guerre ordinaire que nous entreprenons : c’est une « expédition coloniale », tout à fait analogue à l’expédition anglaise du Transvaal, à l’expédition fran­çaise de Madagascar — et plus difficile encore, en rai­son de la masse d’hommes qu’elle exige.

Ce mot est celui qu’il faut répéter et propager. C’est une expédition coloniale où la Russie est présentement engagée.

Quant au Japon, au « petit Japon »,

Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal,

il déclarait aux quatre vents de sa chancellerie qu’il admettait le bien fondé de la requête russe, tendant à ce que le Japon ne fortifiât pas le littoral méri­dional de la Corée. En revanche, il insistait pour que la Russie reconnût, en Mandchourie, la souveraineté intégrale de la Chine. De plus, comme la Russie avait dépensé des sommes énormes pour le chemin de fer dans celle province, le Japon — qui, au reste, n’avait aucune arrière-pensée de s’annexer ce territoire — ne s’opposait nullement à ce que la Russie y maintint les troupes nécessaires à la protection de sa voie ferrée. Enfin, le Japon avait garanti, bien avant l’envoi de ses dernières notes à la Russie, la neutralité de la Chine.

Pendant ces négociations, la Russie concentrait ses troupes et avançait sur le territoire coréen au-delà du Yalou, nous le verrons plus loin.

Telles furent les causes diplomatiques et immédiates du conflit.

Il est d’autres causes plus vastes.

Le privilège du marché de l’Extrême-Orient.

Privilège considéré :

par la Russie, comme fins de sa politique en Extrême-Orient :

par le Japon, comme facteur de ce terme — la réno­vation de l’Asie.

Pour la Russie : accroissement fantastique de terri­toire et de richesses ; possibilité de dominer toutes les nations par la puissance économique et militaire.

Pour le Japon : expansion économique ; accession au rang de grande puissance : et, par lui, restauration, modernisation si l’on veut, de la Chine.

D’un côté, domination despotique : de l’autre, relè­vement social. Lequel des deux peuples est le cham­pion de la civilisation ? Nous ne citerons que pour mémoire celle dépêche que publia le New York Herald, journal dont tout le monde connait la valeur de ses informations ;

La cause du conflit

Saint-Pétersbourg, 14 février. — Je tiens d’excellente source que la cause de la guerre fut un ukase privé signé fin décembre, et que l’ambassade américaine arriva à connaître. L’empereur ordonnait l’application. le long de tout le rivage mandchourien, des tarifs de protection russes qui devaient entrer en vigueur à dater du 1er janvier, vieux style, c’est-à-dire le 13 de notre calendrier.

Ceci fut la cause approximative de la guerre, qui amena une si grande pression des États-Unis et du Japon pour la ratifi­cation des traités avec la Chine.

L’Amérique insiste pour que l’indépendance de la Chine soit reconnue ce qui signifie l'évacuation par les Russes de la Mandchourie.

La teneur de cette dépêche n’est pas pour nous éton­ner et tous les agissements de la Russie — comme, du reste, ceux des États-Unis — n’ont fait que la confir­mer.

Mais, puisque d’aucuns — chez nous, où nous devrions envisager les événements avec impartialité — persistent à représenter les Japonais comme d’odieux agresseurs, rappelons brièvement l’histoire.

En 1893-94, le Japon voulait moins un protectorat qu’une alliance économique et politique avec la Corée ; la Corée qu’il pouvait bien, après tout, considérer comme sa Tunisie, son Maroc ou son Égypte. Mais la Chine voulait relie Corée comme tributaire, pour en tirer toutes les ressources possibles.

Et ce fut la guerre sino-japonaise.

Et le Japon, le petit Japon, vainquit la grande Chine.

Alors, les puissances intervinrent. Il paraît mauvais à notre civilisation que la force ne prime pas toujours le droit ! Elles intervinrent pour arrêter la prépondé­rance du Japon, et pour demander des concessions ter­ritoriales.

La Chine elle-même sollicita l’intervention de la Russie, et eut la naïveté et la duplicité de lui demander de l’aider à conserver le territoire de Liao-Tong qu’elle venait de céder au Japon par le traité de paix. La Rus­sie exigea donc l’évacuation des Japonais, prétextant que l’occupation de Liao-Tong aurait pour effet de mettre en danger la capitale de la Chine — (qu’elle menace aujourd’hui par le Transmandchourien) — de ruiner l’indépendance de la Corée — (qu’elle tente d’an­nexer depuis) — et de compromettre la paix de l’Extrême-Orient — (qu’elle ne désira jamais).

Le Japon dut s’exécuter.

Mais la Chine comprit trop tard qu’elle avait appelé le loup dans sa bergerie. La Russie s’emparait de Liao-Tong et les autres nations d’autres territoires. L’intégralité chinoise était attaquée de toutes parts. On appelle cela le péril jaune !

Au surplus, « l’Allemagne et l’Angleterre n’étaient pas restées inactives. »

« Depuis longtemps, la première guettait une occa­sion pour se tailler sa part dans le vif de la Chine. Le 1er novembre 1897, deux missionnaires catholiques, mais d’origine allemande, étaient massacrés dans la province du Chantoung. La France pouvait se réserver le droit d’intervenir seule dans le règlement de cet incident, puisqu’elle avait le droit exclusif et séculaire de protéger les catholiques, à quelque nation qu’ils appartinssent. Elle hésita. L’empereur Guillaume ii n’admit pas d’hésitation. Le 17 du même mois, il ordonnait aux croiseurs allemands d’occuper Kiao-tchéou ; puis, dans le mémorable discours de Kiel, il délégua son frère, le prince Henri de Prusse, pour se rendre à Pékin, et réclamer réparation. L’Allemagne exigea la cession à bail de Kiao-tchéou et de tout le bassin intérieur, avec faculté de relier Kiao-tchéou à Tsinan par deux voies ferrées, l’une passant au nord et l’autre au sud de la contrée afin de faciliter l’exploitation des richesses minières réservées à des Allemands. — (Jacques Daurelle, l’Européen, février 1904.)

L’Europe a compris la faiblesse militaire du géant chinois, elle n’a plus qu’un souci : le dépouiller.

Le Japon a tiré les marrons du feu !

Aujourd’hui, ayant réclamé la neutralité absolue de la Chine, la Russie envahit son territoire, occupe Niou-Chouang, le fortifie et le met en état de siège.

Les Chinois acceptent la loi du plus fort et, silencieux, s’inclinent.

Et l’on épilogue sur les causes de la guerre actuelle !

Et l’on n’ose pas avouer, comme l’a noblement fait M. Sigismond Lacroix (Radical, 8 février), qu’il est évident que cette guerre d’aujourd’hui a


pour cause réelle l’insatiable ambition russe, à qui tout le continent asiatique fait envie : la Sibérie n’est pour elle qu’une base d’opérations : déjà, par le Caucase, elle est en Perse ; la voilà qui prend un pied en Chine ; demain, elle fondra sur l’empire anglais des Indes. L’Asie ne sera plus qu’une province russe : l’Europe n’aura qu’à bien se tenir.

Et l’on feint de ne pas comprendre le facteur bien humain qui détermina le Japon à ne pas tolérer plus longtemps les envahissements de la Russie !

Oui, certes, la lutte qui met aux prises un peuple de race jaune confie un peuple hybride, bien plus asiatique qu’européen, la lutte a un caractère grandiose — de la part du Japon.

D’un côté, nous le répétons, domination despotique, Russie ; de l’autre, relèvement social, Japon. Lequel des deux peuples est le champion de la civilisation ?

Car, il nous faut bien admettre que, depuis la guerre sino-japonaise — que termina le fallacieux traité de Simonoséki, imposé au Japon par la Russie — et le dépouillait, au profit de cette dernière puissance, du fruit de ses victoires — Japonais et Chinois ne nourrissent aucun sentiment de haine ou de jalousie les uns à l’égard des autres.

M. Edmond Théry, qui n’est pas suspect de tendresse pour la race jaune, l’exposait fort bien dans un article « le Péril jaune », son dada favori, dont nous parlerons tout à l’heure :

Les Japonais n’ont pas préparé la guerre de 1894 dans le secret espoir de s’emparer de la Chine, comme les nations européennes l’ont fait pour leurs colonies : leur désir était en apparence plus modeste : Maîtres de la Corée, qui ne se trouve qu’à 200 kilomètres de leurs côtes et de la presqu’île du Leaotong, qui commande, avec Port-Arthur, le golfe du Petchili, ils pouvaient espérer prendre la direction politique de la Cour de Pékin et associer, par des liens étroits d'intérêts communs à l'égard des étrangers, les destinées du Céleste Empire à celles de l'Empire du Levant. Ce programme a été nettement formulé dans la presse et au Parlement japonais, en 1892 et 1893, pendant le ministère du marquis Ito, qui préparait le Japon à la guerre. Il eut un commencement d'exécution après les défaites de l'armée chinoise, mais on sait comment il fut contrecarré par l'intervention de la Russie, à laquelle vinrent se joindre la France et l'Allemagne.

De fait, nous pouvons regretter, avec M. Clémenceau, d'avoir contribué aux causes de la guerre actuelle en appuyant à Simonoséki la diplomatie russe qui, depuis plus de deux siècles, vise à la suprématie sur tout le continent asiatique.

Si vous doutez, en dépit de l'évidence, de ces visées belliqueuses, méditez cet article du Sviei, de Saint- Pétersbourg (23 avril 1904) :

La Russie n'a jamais profité d'aucune aide, quoiqu'elle ait aidé souvent les autres. La Russie ne demande aucun secours, aucune intervention. Ce n'est que la parole de l'empereur qui a de l'importance pour la Russie. Dans le télégramme à l'amiral Alexeïeff, l'empereur caractérise notre lutte avec le Japon dans ces termes : « Cette lutte devra définitivement assurer la prépondérance de la Russie sur les rives du Pacifique. »

Or, pour atteindre ce but, il est indispensable de vaincre complètement le Japon, de le forcer à se soumettre définitivement, de lui ôter pour plusieurs années l'envie des aventures militaires risquées. Si nous n'agissons pas ainsi, nous perdrons tout prestige en Orient ; même si nous sommes vainqueurs. La guerre actuelle se résume en cette question : Qui aura la suprématie sur les rives asiatiques du Pacifique, la Russie ou le Japon ? Partager, s'accommoder est impossible. Donc, une intervention porterait atteinte seulement au prestige et à l'honneur de la Russie, et par conséquent est impossible On avoue aujourd'hui les agissements de toujours. On est presque heureux d'avoir enfin le prétexte d'envahir celle Corée (d'où, cependant, il a bien fallu sortir, refoulé par l'armée japonaise) et de faire trembler la Chine.

Et les apologistes de la politique moscovite s'extasient sur le Transsibérien.

Or, le Transsibérien — qui n'aurait dû être qu'un admirable instrument de progrès pacifique — le Transsibérien est-il une œuvre internationale, utile à tous, comme Suez ou comme, bientôt, Panama ? N'est-il pas seulement, en réalité, une simple route stratégique par où la Russie entraînera chez elle la richesse chinoise et imposera sa suprématie au vieux continent, du Pacifique à l'Atlantique ?

En vain, les plus sages russophiles plaideront-ils au moins les circonstances atténuantes — pour le Japon !

On admet volontiers que la perspective de l'absorption de ce territoire dans l'immense empire des tsars offre un caractère particulièrement alarmant au Japon. On reconnait que la Russie a pris à plusieurs reprises, et solennellement, l'engagement de ne pas annexer la Mandchourie, celui enfin d'y respecter, pendant une occupation partielle et provisoire, la liberté du commerce et les droits des tiers. On convient sans peine qu'il doit y avoir quelque chose de particulièrement exaspérant pour le pays qui s'est vu arracher le fruit de sa victoire en Mandchourie par le quos ego de puissances au premier rang desquelles figurait la Russie, à voir cette même Russie sans souci du grand et sacré principe de l'indépendance et de l'intégrité du Céleste Empire, se tailler un long morceau en pleine Mandchourie.

(Temps, 6 février 1904.)

On ne veut pas admettre que le Japon ait, au même titre que la Russie, les coudées franches. On craint que les Japonais fusionnent avec les Chi­nois, les modernisent, en fassent des « citoyens » et ne deviennent ainsi la première puissance du monde.

C’est ce qu’on appelle le Péril jaune, péril dont nous démontrerons la puérilité.

Or, comme la Grèce civilisa le Latium ; comme les Arabes civilisèrent l’Andalousie ; comme l’Espagne civilisa l’Amérique latine et l’Europe les États-Unis ; comme l’Angleterre civilisa l’Australie : le Japon, lui aussi, mais fraternellement, veut civiliser la Chine, pour qu’à son tour la Chine, alliée du Japon, soit une nation riche et forte, heureuse dans l’indépendance politique et la liberté sociale.

Voilà la vraie et splendide cause du conflit qui, par la faute de la Russie, ensanglante la terre où bouil­lonne le ferment de toutes les races.

La Russie combat non pas pour conserver son rang de grande puissance, mais pour acquérir, pour domi­ner, pour truster — qu’on nous pardonne ce néolo­gisme — des territoires, des soldats et de la main-d’œuvre.

Le Japon combat autant pour son existence écono­mique extérieure que pour l’affranchissement de la race jaune.

À laquelle des deux nations un esprit libre accor­dera-t-il ses vœux, si ce n’est au Japon, au « petit » Japon qui s’est mis au travers de la route sanglante tracée par la grande Russie ?


CHAPITRE ii


Le guet-apens japonais


De 1700 à 1870, sur 117 guerres, 107 furent commencées sans déclaration de guerre préalable. (Colonel Maurice.)

Jules Ferry qui — le remarquait spirituellement M. Clemenceau — fit la guerre à la Chine (à preuve Lang-son), expliqua jadis à la tribune qu'il n'était pas pour cela besoin d'une déclaration de guerre.

En 1808, la Russie envahissait l’État indépendant la Finlande avant d'avoir rompu les relations diplomatiques.

En 1853, la Russie, sans déclaration de guerre, détruisait la flotte turque en plein port de Sinope.

Le 9 avril 1877, le général Ignatieff, ambassadeur de Russie à Constantinople écrivait à son souverain : « Accomplissant les efforts les plus extrêmes, la Turquie ne pourra lever, pour la défense vitale de son empire, que tout au plus 80 à 100.000 combattants, mal équipés, mal nourris et non soldés. Sous les premiers coups des Russes, les peuples chrétiens de la presqu’île balkanique se lèveront en masse, l’empire ottoman croulera et les armées du tsar ne feront, du Danube à Constantinople, qu’une marche triomphale. » (La guerre russo-turque, par le marquis Van de Woestyne.)

Le 24 avril 1877, sans déclaration de guerre, l’empe­reur Alexandre ii donnait — de Kichineff — l’ordre à son armée de franchir les frontières turques et de com­mencer les hostilités, — qui durèrent, malgré le flair du général Ignatieff, jusqu’au 10 janvier 1878 et furent un peu plus pénibles qu’une marche triomphale.

Le 8 février 1904, à 5 heures du soir, à Chemulpo, la canonnière russe Koreïetz tirait le premier coup de canon de la guerre, contre deux torpilleurs japonais.

Aujourd’hui — ô revers de la fortune ! — la Russie dénonce au monde entier l’infamie du Japon qui com­mença contre elle les hostilités, sans avoir notifié une déclaration de guerre.

Le reproche serait profondément burlesque, s’il n’était le contraire de la vérité.

Nous avons exposé les causes du conflit, n’exami­nons, dans ce chapitre, que les faits.

C’est le 31 juillet 1903 que parvint le mémorandum adressé par le Gouvernement japonais au Gouverne­ment russe : I. En ce qui concerne la Corée, le Japon ne peut permettre que la péninsule ou une partie de la péninsule tombe dans les mains d’une autre puissance, surtout dans celles de la Russie, pour les raisons suivantes :

1o Pour la sécurité du Japon et pour d’autres considéra­tions politiques :

2o À cause de la prépondérance des intérêts industriels et commerciaux du Japon dans la presqu’île.

II. En ce qui concerne la Mandchourie, le Japon ne peut pas permettre que la Mandchourie soit occupée d’une façon permanente par la Russie :

1o A. Parce que, à considérer cette affaire dans ses rap­ports avec la question coréenne, le Japon doit sauvegarder ses droits vitaux et légitimes en Corée ;

B. Parce qu’il est nécessaire d’éviter les menaces dan­gereuses au point de vue d’une invasion du Japon, que cette occupation constituerait ;

2o Parce que le Japon a en Mandchourie des droits recon­nus par traités et des intérêts qu’il doit maintenir ;

3o Parce qu’il est nécessaire que le principe de la porte ouverte et celui de l’égalité soient maintenus et que ces principes seraient considérés comme en péril si la Mand­chourie était abandonnée à l’occupation russe ;

4o Parce que le Japon, entre toutes les puissances, est tenu de maintenir l’indépendance de l’empire chinois ;

5o Parce que le prestige du Japon diminuerait aux yeux des Chinois s’il laissait faire la Russie, en dépit des engage­ments qu’il a pris vis-à-vis de la Chine.

La Russie répond qu’elle examinera la question.

Les semaines et les mois s’écoulent, n’apportant au­cune solution.

Le 3 octobre suivant, contre-propositions de la Rus­sie au Japon.

Le 13 octobre, le Japon présente à la Russie ses amendements définitifs.

La Russie y répond de façon ambiguë deux mois après, le 11 décembre. Mais le parti de la guerre, tout-puissant auprès du tsar, pousse aux armements et envoie des forces extra­ordinaires en Extrême-Orient ; le vice-roi Alexeïef affirme, comme jadis le maréchal Lebœuf, que tout est prêt pour mâter définitivement le Japon et s’emparer de la Corée.

La Russie affirme, depuis la guerre, qu’elle ne de­ mandait pas mieux que d’abandonner la Corée au Japon.

Or, le 24 janvier, M. Plançon, chef du bureau diplo­matique à Port-Arthur, déclarait ceci au correspon­dant du New York Herald : « Les Japonais sont insen­sés et veulent mettre la main sur la Corée, tout en persuadant à l’univers que c’est la Russie qui est cou­pable.

« Le Japon veut forcer la Russie à l’attaquer par sa conduite étrange en Corée ; mais la Russie restera im­passible. »

Donc, la Russie voulait parfaitement s’annexer aussi la Corée.

Une preuve encore ?

Cette dépêche de Saint-Pétersbourg, le 25 janvier : « L’influence russe est, dit-on, actuellement, prédomi­nante en Corée, où la majeure partie de la population manifeste une vive irritation contre les Japonais. »

Est-ce assez tendancieux ?

Dans les milieux diplomatiques de Pékin, on ne se dissimulait pas, du reste, les intentions russes et le 2 février, le Times du beaucoup plus en Russie qu’en France, et surtout au Japon, recevait celle dépêche de son correspondant de Pékin :

Dans les conditions actuelles, il ne semble pas qu’il y ait lieu d’échanger de nouvelles dépêches. La note russe en réponse à la dépêche japonaise du 13 janvier devrait parvenir demain à l’amiral Alexeïeff. On sait qu’elle est peu favorable et qu’elle repousse définitivement la thèse japonaise, d’après laquelle la Russie doit prendre l’engagement de reconnaître la souveraineté chinoise en Mandchourie. Le Japon ne sau­rait accepter cette réponse.

Le Japon n’a pas modifié le minimum irréductible de ses demandes, et l’on soutient que, pour qu’il reçût pleine satis­faction, il faudrait que la Russie retirât de la Mandchourie toutes ses troupes autres que celles dont on a besoin pour protéger le chemin de fer et la frontière. C’est là une mesure que la Russie n’est pas décidée à prendre.

C’est le Japon qui voulait la guerre ?

Relisez cette constatation parue dans le Petit Parisien, journal essentiellement russophile, le 5 mars 1904 :

la guerre forcée

Ce sera du moins à l’honneur du gouvernement japonais d’avoir su résister assez longtemps avant de s’engager dans cette lutte pleine d’incertitudes, d’aléas, mais il y est entré avec la satisfaction d’avoir su préparer avec un soin jaloux tout ce qui pouvait assurer son triomphe final sur son redou­table adversaire.

{{t|Si la lutte avait éclaté huit ou dix mois plus tôt, on eût pu pronostiquer presque à coup sûr le succès japonais. À l’heure actuelle, tout est incertain, mais les ressources im­menses de l’empire russe rendent les chances de l’empire du Soleil-Levant bien faibles et comme l’ours moscovite le veut sérieusement, il viendra facilement à bout de son ardent adversaire.|90}}

Jacques de Baiglie.

Ou bien, encore, celle interview d’un diplomate japonais parue dans le Matin du 6 février :

Mais je proteste avec énergie contre le désir de la guerre attribué au Japon et contre le prétendu excès de nos pré­tentions.

Les premières demandes du Japon étaient inspirées par un esprit d’extrême modération. Au cours des négociations, le Japon ne s’en est pas départi. Il ne serait pas tout à fait exact de dire que ces premières demandes n’ont reçu abso­lument aucune modification. Les réponses de la Russie ont donné lieu à de nouveaux échanges de vues, à des proposi­tions nouvelles et à des contre-propositions.

Que réclamons-nous, d’ailleurs ? Une assurance écrite, spé­cialement adressée au Japon, que la Russie s’en tient aux termes des accords qu’elle a conclus avec la France en 1902, termes qui énoncent en toutes lettres le principe de l’intégrité de l’empire chinois. Nos exigences ne vont pas plus loin, et nous n’avons jamais demandé à la Russie d’évacuer la Mandchourie.

Nous ne croyons pas que la Russie, sans se démentir elle-même, puisse nous refuser cette satisfaction.

La Russie prétend que le Japon qui attendait depuis trois mois une réponse à sa note diplomatique, pou­vait bien attendre encore.

Et — inconséquence des russophiles — c’est juste­ment le procédé dilatoire qu’on reproche tant, et avec juste raison, au gouvernement ottoman qu’on prétend légitime pour la Russie ! Cependant, le Japon fait savoir ses intentions, car — en dépit de toutes les allégations « intéressées » — il montre jusqu'au bout sa bonne foi et son désir de régler, mais définitivement, la question coreo-mandchourienne. Le 2 février, agissant sur les instructions de son gouvernement, le ministre du Japon se rend chez le comte Lamsdorf et lui demande si la réponse de la Russie est prête. Il ajoute que, dans le cas contraire, il avait l'ordre d’insister pour que l'expédition en soit hûtée, et enfin que, si elle ne parvenait pas d'ici i quelques jours à son gouvernement, celui-ci se verrait obligé de prendre les mesures actives.

Mais, la Russie ne perd pas son temps aux parlottes qui se livrent entre le comte Lamsdori et M. Kurino ; pacifique à l'excès, elle arme à outrance.

Relisez les dépèches, et seulement dans les journaux tout dévoués à la Russie :

Télégramme de M. Ludovic Naudeau au Journal :

Port-arthur, 2 février, 11 h. 20 du matin. — L'appareillage de l'escadre est terminé. Elle est maintenant tout entière embossée dans la rade. Le Césarewitch est sorti le dernier du port aujourd'hui à 11 heures du matin.

Le spectacle qu'offre ce magnifique déploiement naval est maintenant de toute beauté.

Les opinions et interprétations sont très diverses et très hésitantes ici quant au sens plus ou moins décisif de ces préparatifs militaires. Le fait certain c'est qu'ils coïncident, ainsi que je vous l'ai déjà dit, avec d'importants mouvements de troupes entre Port-Arthur, Moukden et Kharbine.

ou dans la Liberté :

Saint-pétersbourg, 2 février. On mande de Vladivostock, 2 février, que les vaisseaux de guerre Gromoboï, Rossia, Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/33 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/34 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/35 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/36 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/37 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/38 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/39 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/40 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/41 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/42 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/43 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/44 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/45 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/46 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/47 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/48 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/49 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/50 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/51 Page:Croze - Péril jaune et Japon, 1904.pdf/52 Page:Croze - 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  1. Jusqu’à la fin de mars.