Pétition présentée par la Délégation coréenne

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Exposé présenté par la Délégation Coréenne
à la Conférence de la Paix



La Nation et le Peuple Coréen demandent leur libération du joug japonais et le rétablissement de la Corée en État indépendant.


La Nation Coréenne.

1. — Le peuple coréen a toujours formé une nation homogène ayant une civilisation et une culture propres, et constitué un État historique en Extrême-Asie depuis plus de 4.200 ans. Durant ces 42 siècles la Corée a toujours joui de son indépendance nationale.

La Reconnaissance de l’Indépendance Coréenne.

2. — L’existence de la Corée comme État indépendant et souverain fut reconnue par le Japon, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, la Russie et les autres Puissances Étrangères par leurs Traités de Paix et de Commerce respectifs conclus avec le Gouvernement coréen.

Ainsi :

Dans le Traité avec les États-Unis, signé à Séoul le 22 Mai 1882, il fut expressément stipulé que : "Si une Puissance tierce agissait d’une manière injuste ou oppressive vis-à-vis de l’un des deux signataires de ce traité, l’autre emploierait tous ses bons offices, étant prévenu du cas, pour arriver à une solution amicale, comme témoignage de leurs sentiments d’amitié."

Dans le Traité de Shimonoseki, signé le 17 Avril 1895, le Japon insista pour que la Chine reconnût définitivement "l’entière et complète indépendance et autonomie de la Corée."

Dans le premier Traité d’Alliance Anglo-Japonaise, conclu le 30 Janvier 1902, le Japon et la Grande-Bretagne affirmaient et garantissaient substantiellement l’Indépendance de la Corée.

Enfin, dans le Traité d’Alliance Défensive et Offensive intervenu entre les Gouvernements du Japon et de la Corée en 1904, l’Indépendance et l’intégrité de la Corée étaient tout particulièrement garanties.

L’Indépendance Coréenne Doctrine Internationale.

3. — Ces Traités affirment et confirment, non seulement l’existence absolue de la Corée comme un État pleinement souverain, mais ils établissent nettement l’Indépendance coréenne sur les bases et les sanctions du Droit International qu’aucune Puissance ne peut violer sans être obligée de soumettre son acte à une révision éventuelle de la part des autres Puissances.

Violation de l’Indépendance Coréenne par le Japon.

4. — Une telle violation de l’Indépendance de la Corée fut perpétrée par le Japon lorsque le Gouvernement japonais — par un acte frauduleux appuyé de l’emploi de la force — imposa la conclusion du Traité du 22 Août 1910, par lequel le dit Empereur de Corée fut obligé de faire la cession d’une façon "complète et permanente à S. M. l’Empereur du Japon de tous ses droits de souveraineté sur la totalité de la Corée" (Art. I du traité.) et la remise de sa population de plus de 15 millions de Coréens.

Les Protestations Coréennes.

5. — Contre cette annihilation de la souveraineté coréenne et l’incorporation de leur pays en une province japonaise, le peuple coréen et la nation toute entière ont toujours protesté et protestent encore énergiquement.

6. — Ces protestations se renouvellent continuellement et se font plus véhémentes chaque jour devant les méthodes appliquées par le Japon dans l’administration de la Corée. Par leur rudesse et leur efficience ces méthodes dépassent de beaucoup celles employées par les Prussiens à Posen, au Schleswig-Holstein, en Alsace-Lorraine[1].

Le Japon, non seulement de nom mais de fait, est absolument décidé à transformer la Corée en une province japonaise. Il tend à arriver à ses fins en détruisant, sans aucun scrupule ni pitié, les racines les plus profondes du patriotisme coréen : l’amour du sol, la langue et l’histoire nationales ; en "contrôlant" sévèrement les deux forces : Éducation et Richesse, qui rendraient illusoire toute l’organisation dirigée en vue de la destruction du patriotisme coréen.

Le Contrôle Japonais de l’Éducation et de la Richesse Coréennes.

7. — Toute branche de l’éducation sujette à caution et pouvant encourager ce que le Comte Téraoutchi — ce pro-consul japonais qui annexa la Corée — appelait "Les idées dangereuses" est interdite ou enseignée dans un sens complètement dénaturé dans les écoles coréennes sous le contrôle du Gouvernement. Il est absolument interdit aux étudiants coréens de se rendre en Europe ou aux États-Unis pour parfaire leur éducation moderne même à leurs propres frais !

8. — Presque chaque Coréen un peu aisé est obligé de supporter dans sa maison un inspecteur japonais contrôlant ses propriétés et ses revenus. Les Coréens ayant des dépôts d’argent en banque — qui sont toutes des établissements japonais — ne peuvent en retirer des sommes un peu importantes sans être obligés de déclarer nettement l’emploi qu’ils veulent en faire !

Le Japon et le Christianisme.

9. — Tous les efforts sont faits par les autorités japonaises — particulièrement à l’aide de leurs agents de police — pour décourager et enrayer l’œuvre des missionnaires chrétiens en Corée qui est envisagée comme un danger pour les intérêts vitaux japonais dans la péninsule.

Ceci ne démontre-t-il pas péremptoirement l’œuvre du Japon en Corée que de considérer le christianisme comme hostile et contraire aux méthodes japonaises de gouvernement ?

La Corée aux Japonais.

10. — Les autorités japonaises crient à tous les échos que des réformes ont été faites en Corée ? Mais il ne faut pas oublier que : "la plupart de ces réformes, quelle qu’en soit la valeur, ont transformé le pays en une sorte de Colonie Pénitentiaire" ("l’Affaire de la conspiration Coréenne" New-York) ; et que toutes furent accomplies ou effectuées à la charge des pauvres contribuables Coréens, dans l’intérêt et pour le bénéfice des résidents japonais, à qui les autorités japonaises voudraient rendre le séjour en Corée très agréable et en faire une colonisation attractive.

11. — Les Japonais gouvernent et administrent la Corée avec un esprit et avec des méthodes de "Nation-Maîtresse" ou pis encore en "Nation-Profiteuse".

Le bien-être et la prospérité des Coréens ne sont pas des buts de gouvernement pour le Japon.

Le Japon contre le Monde.

12. — En conséquence de tous ces faits, l’intérêt primordial et vital du monde — tout particulièrement les intérêts de la France en Asie, ceux de la Grande-Bretagne et des États-Unis en Asie et dans le Pacifique — réclame la désannexion de la Corée et la libération de son peuple du joug japonais.

13. — Le Japon élimine progressivement les commerçants occidentaux qui sont en Corée et fait passer uniquement dans les mains des Japonais tout le marché coréen, lequel fut pourtant ouvert au commerce international par une suite de Traités de Paix et de Commerce conclus entre la Corée et les Puissances Étrangères.

Le Japon persévère dans cette élimination des influences occidentales, fidèle à son instinct d’exclusivisme qui, dans le passé, trouvait son expression dans l’isolation rigide qu’il gardait, et qui, aujourd’hui se manifeste encore par la menace qu’il tente de vouloir exclure les influences occidentales en Extrême-Asie par une application déplacée de la doctrine de Monroe en Extrême-Orient.

La Politique Continentale Japonaise.

14. — Mais c’est principalement dans les buts éloignés de la politique japonaise — réalisables éventuellement grâce à l’annexion de la Corée — que la France et aussi la Grande-Bretagne et les États-Unis sont vitalement intéressés.

Le danger pour toutes les Puissances consiste essentiellement dans la poursuite non réfrénée de la politique continentale du Japon.

Les buts de cette politique tendent à l’hégémonie en Asie, par la domination et le contrôle de la puissance et des ressources naturelles de la Chine — réalisable par le point d’appui qu’offre sur le continent la Corée aux Japonais — et en suite par la maîtrise du Pacifique qui, en détruisant les lois restrictives, permettrait l’entrée de l’immigrant japonais en Australie et aux États-Unis.

L’Exécution de cette Politique.

15. — La politique continentale du Japon a déjà trouvé son exécution :

(a) Dans deux guerres victorieuses qui ont fait de lui la plus grande puissance militaire en Asie, comme la Prusse fut, à la suite de ses victoires, celle de l’Europe.
(b) Dans l’annexion de la Corée.
(c) Dans la substitution méthodique par des Japonais dans les autorités chinoises de la Mandchourie Méridionale et de la Mongolie Orientale Intérieure.
(d) Dans la tentative qu’il fait actuellement auprès de la Conférence de la Paix afin d’obtenir que le Japon succède, dans la possession et les privilèges, aux Allemands dans la Province Sacrée du Chantoung, y compris le territoire de Kiao-Tcheou.
(e) Dans l’assujettissement progressif de la Chine, avec ses ressources d’hommes et ses richesses incalculables, à la domination japonaise, cela par les mêmes procédés qui firent de l’annexion de la Corée une nécessité politique.
(f) Par la possession des « Îles du Sud, au Nord de l’Équateur », qui rapprochent le Japon à moins de 2,000 miles de l’Australie, et qui procurent à la flotte japonaise une base navale de premier ordre dominant le Pacifique.

Le Soulèvement de la Corée.

16. — La protestation et l’opposition du peuple coréen contre l’annexion de son pays par le Japon et les procédés d’extermination employés par les agents du Mikado ont conduit les Coréens au soulèvement.

Le premier Mars 1919 dernier, à 1 heure de l’après-midi, l’indépendance de la Corée fut proclamée par la nation et le peuple Coréens tout entier.

Cette proclamation déclarait : « Il est de notre devoir solennel de sauver nos droits au libre et perpétuel développement de notre caractère national, nous adaptant aux principes de reconstitution universelle, de sauver notre indépendance, de balayer l’injure, de nous débarrasser de nos souffrances présentes et de laisser à nos enfants une éternelle et glorieuse liberté au lieu d’un héritage d’amertume et de honte ».

Cet acte tendant à l’indépendance avait déjà été accompli par l’Union pour l’indépendance nationale coréenne composée de plus de 3.000.000 de Coréens représentant et exprimant les vœux des 18.700.000 Coréens de Corée, de ceux résidant en Chine, en Sibérie, aux Îles Hawaï et aux États-Unis.

Les Progrès du Soulèvement National.

17. — La délégation coréenne — dûment accréditée par la Société de la Nouvelle Corée, par l’Union de l’Indépendance Nationale Coréenne, et par d’autres nombreux et puissants Groupements organisés en vue de l’indépendance coréenne, reçoit quotidiennement des dépêches la mettant au courant des progrès du soulèvement et du mouvement national vers l’indépendance.

Un télégramme de l’Union de l’Indépendance Nationale Coréenne, reçu à Paris, viâ Shanghaï, le 7 Avril courant, est ainsi conçu :

« Le 26 Mars, nous fîmes de grandes Manifestations à Séoul, nos Couleurs nationales flottèrent sur toutes les collines de la Ville. Les autorités japonaises firent 200 arrestations parmi nos manifestants. Il y eut des tués et des blessés de part et d’autre. Le Samnan (comprenant toutes les provinces du Sud de la Corée) se soulève chaque jour. Des démonstrations coréennes ont lieu également en Sibérie Orientale et en Mandchourie ».

La République Coréenne.

18. — Ce même télégramme mentionne la constitution d’un Gouvernement provisoire de la République de Corée composé d’un Président, d’un Vice-Président, d’un Secrétaire d’État, d’un Ministre des Affaires Intérieures, d’un Ministre des Finances, d’un Ministre de la Justice et d’un Ministre de la Guerre.

Les principales personnalités composant ce Gouvernement Républicain provisoire sont :

Le Prince Pak-Yung-Hyo,
MM. Rhe Syngman,
Ahn Chang-Ho,
Li-Tong-Whi.

Le Prince Pak Yong-Hye est un des cinq grands Leaders qui ont constitué le mouvement appelé dans l’histoire coréenne « le Coup d’État » du Parti Progressiste de 1884. Ce fut un des principaux progressistes de 1894 qui introduisirent les Réformes Modernes en Corée. Il fut un temps Ministre des Affaires Intérieures avant l’annexion.

Rhee Syngman est Licencié-ès-Sciences, de l’Université de Harvard (U.S.) et Docteur en Philosophie, de l’Université de Princeton (U.S.), leader, depuis 1894, de l’ancien Club de l’Indépendance Coréenne. Il fut emprisonné et mis à la torture par les Japonais.

Ahn Chang-Ho, fondateur du Sin Min Hueh (Société du Peuple Nouveau), est le Président de la Société Nationale Coréenne.

Li Tong-Whi, commandant dans la vieille armée coréenne et Leader des Nationalistes Coréens en Sibérie et en Mandchourie, fut également emprisonné et torturé par les autorités japonaises.

La Répression Japonaise.

19. — Une autre dépêche reçue par la Délégation Coréenne, le 10 Avril dernier, relate que :

"Depuis le 1er Mars, d’actives Manifestations pour l’Indépendance ont complètement réussi dans toute la Corée. Les Représentants préfèrent une révolution passive à l’aide de discours et de manifestes. Les femmes sont également très actives. Des grèves éclatent dans les manufactures ennemies (japonaises), etc… Nos Églises, nos Écoles, nos Magasins sont fermés d’autorité partout. 32.000 hommes et femmes ont été jetés en prison. Il y a près de 100.000 blessés, parmi eux, des vieillards, des femmes et des enfants. Le trafic intérieur, les communications, sont interrompus. L’ennemi (Japon) fait une terrible répression. Les missionnaires feront connaître la vérité au Monde".

Une autre dépêche du 11 Avril courant, reçue le lendemain par la Délégation coréenne, annonce les atrocités commises par les Japonais :

"Les Japonais commencent à massacrer en Corée. Le 28 Mars dernier plus de 1.000 personnes sans armes furent tuées pendant une démonstration qui dura trois heures, à Séoul. Les coups de fusil, les coups de baïonnette, les coups de fouet contre la population se propagent sans merci dans toute la Corée. Nos églises, nos écoles, les demeures de nos principaux chefs ont été détruites. Les femmes sont traînées nues et fouettées devant la foule, plus particulièrement celles appartenant aux familles des chefs du mouvement. Les prisonniers sont passés à la torture. Il est interdit aux médecins de porter secours aux blessés. Nous demandons d’urgence le secours des Croix-Rouges étrangères. Nous sommes décidés à lutter pour la liberté jusqu’au dernier Coréen. Nous demandons secours au nom de Dieu !"

D’après toutes les nouvelles reçues et publiées dans toute la presse américaine et européenne, il faut citer un article paru dans le "Times" de Londres, le 17 Avril dernier, d’un correspondant de Tokio, intitulé "Les Droits de la Corée" :

"Tandis qu’il est reconnu qu’il ne peut y avoir qu’une seule solution des troubles qui se produisent en Corée, les décisions du Gouvernement de renforcer l’Armée établie dans la Péninsule soulèvent de nombreux commentaires dans toute la Presse mondiale. On doit reconnaître qu’il ressort de tout ceci, qu’il sera inévitable, quand l’opportunité s’en présentera, de remplacer le Gouverneur Militaire par un Gouverneur Civil. Le Nichi-Nichi attribue les troubles principalement à une fausse conception dans les principes de détermination, ainsi qu’à l’influence inamicale des Missionnaires. Le Ji-Ji déclare évident que de nombreuses réformes sont absolument nécessaires en Corée. Un autre journal insiste sur le fait que les Coréens ne sont nullement un peuple inférieur…"

Abrogation du Traité d’Annexion.

20. — Le Peuple Coréen demande que le Traité d’Annexion du 22 Août 1910 soit déclaré NUL ET NON AVENU ou autrement abrogé par la Conférence de la Paix pour les raisons qui ont été exposées dans cette pétition, et qui sont développées plus longuement dans un mémoire annexé au présent Exposé ; et plus spécialement pour les raisons suivantes :

I. — Ledit Traité d’Annexion fut conclu dans des circonstances de fraude et de coup de force qui en vicient la validité en tant que document légal et international, même en affirmant que l’Empereur de Corée d’alors avait le droit de remettre dans les mains de "S. M. l’Empereur du Japon" 15.000.000 de Coréens et un pays qui avait toujours existé comme un État nettement séparé, délimité, et souverain durant plus de 4.200 ans.

II. — La Nation et le Peuple coréens ont constamment dénié le droit à l’Empereur de Corée, alors un enfant, de disposer d’eux dans les termes dudit Traité d’Annexion. Comme hommes, et non pas comme bétail, ils estiment que leur consentement aurait dû être une condition essentielle de la validité du Traité, et ce consentement ne fut jamais donné.

III. — Le dit Traité d’Annexion fut et est une violation directe, commise par les Japonais, des garanties internationales conclues par le Gouvernement japonais avec la Corée et les autres Puissances quant à l’indépendance et à l’intégrité de la Corée[2].

IV. — Dans les différents Traités conclus entre la Corée et le Japon et d’autres Puissances, ainsi que dans ceux intervenus entre le Japon et la Chine, la Russie et la Grande-Bretagne, au sujet de la Corée, l’existence de cette dernière comme État indépendant et souverain fut — ainsi que pour tous ces traités — explicitement garantie en des termes basés sur le droit public des nations et qu’aucune Puissance — plus spécialement le Japon — ne pourrait violer sans soumettre son action à une révision éventuelle par les Puissances assemblées en un Congrès International comme la présente Conférence de la Paix.

V. — La Conférence de la Paix s’est réunie en vue d’amener un règlement dans les affaires pendantes de la communauté internationale d’après les principes exprimés dans les quatorze articles de M. le Président Wilson, et dont les principes directeurs furent nettement définis par le Président dans son Message au Congrès le 8 Janvier 1918, comme : « les principes de justice pour tous les Peuples et toutes les Nationalités ainsi que leur droit de vivre sur un pied de même égalité ou de liberté et de sauvegarde les uns et les autres, qu’ils fussent forts ou faibles ».

Comme Allié et comme État Associé dans la Guerre, le Japon a expressément souscrit aux quatorze articles avec leurs principes de justice. Attendu que ces principes de justice sont absolument violés par le Mikado, par la continuité de l’exercice de « tous les droits de souveraineté sur toute la Corée », cela sans le consentement et contre la volonté de la nation et du peuple Coréens, il est de la compétence et du droit de la Conférence de la Paix de déclarer la nullité ou d’abroger le sus-dit Traité d’Annexion.

VI. — En vertu des règles fondamentales du Droit International Public et de la nouvelle justice qui redressera les torts des Nations, le Peuple coréen justifie sa demande pour le rétablissement de la Corée en État indépendant. À moins qu’il ne soit exclu de l’ensemble des principes qui ont déjà trouvé une réalisation dans la reconstitution de la Pologne après un siècle et demi de partages, d’annexions ; et dans la désannexion de l’Alsace-Lorraine après un demi-siècle environ de domination prussienne.

Il y a moins de dix ans que le Japon effectua l’annexion de la Corée. Et le fait qu’au moment de la Guerre le Japon ne se trouva pas l’Allié des Puissances Centrales — combinaison politique qui fut toujours envisagée par les Conseillers Politiques Allemands du Mikado — n’est pas une raison suffisante pour que la Conférence de la Paix puisse souffrir de laisser le peuple coréen continuer à vivre sous le joug d’un système de Gouvernement militaire qui serait un démenti offensant aux Principes pour lesquels tant de vies humaines sont tombées sur le sol de France !

Cette pétition est présentée au nom et sous la responsabilité du Gouvernement Républicain provisoire de Corée, au nom des dix-huit-millions-sept-cent-mille coréens, habitant la Corée même, la Chine, la Sibérie, les îles Hawaï, les États-Unis et autres lieux, et en celui des cinq mille Coréens et plus qui combattirent pour la cause des Alliés sur le Front Oriental avant le Traité de Brest-Litosvk — compris dans l’ensemble de « la nation et du peuple coréen » — par le soussigné John Kuisic Soho Kimm, Membre de la Délégation Coréenne, Délégué par le Gouvernement Provisoire de Corée et dûment Accrédité par la Société de la Nouvelle Corée., etc., etc.


Au nom du Peuple coréen :

signature de Kim Kyu-sik
Délégué par la Société de la Nouvelle Corée,
Délégué par l’Association Nationale Coréenne,

Délégué par le Gouvernement Provisoire de la République de Corée.

Paris, Avril 1919.




  1. 

    "Une organisation systématique d’espionnage est inaugurée en Corée. Chaque individu doit être enregistré sous un numéro matricule, connu de la police. Chaque fois qu’il quitte son village ou la ville il doit en faire la déclaration à la Police et donner toutes les explications nécessaires sur son déplacement, dire ce qu’il va faire ou entreprendre dans sa nouvelle résidence etc., le poste de Police téléphone immédiatement à ce nouvel endroit et, si la réponse n’est pas absolument conforme à la déclaration, l’individu est arrêté séance tenante et jeté en prison. Une stricte classification méthodique est faite de tous les individus d’après leur éducation, leur situation, leur influence etc… Aussitôt qu’un individu commence à montrer quelques aptitudes, qualités ou influences, on le classe immédiatement dans la catégorie "A" et des détectives sont mis à ses trousses. Il est comme un homme marqué-au-fer dont les moindres mouvements sont surveillés.

    Même les enfants sont également surveillés et questionnés comme moyen d’information. Si un Coréen parvient à s’échapper du Pays, son numéro matricule est tout de suite signalé, ses parents ou les membres de sa famille sont arrêtés, et soumis à la torture jusqu’à ce qu’ils révèlent l’endroit de sa retraite. D’autres fois, un individu disparaît subitement et on n’entend plus parler de lui. Ces procédés, tout prussiens, n’ont d’autre but que de détruire l’espoir et la conscience d’un peuple !

    Cette politique est aussi appliquée dans l’Éducation par l’interdiction d’enseigner l’Histoire et la Géographie Coréennes… Exclusion est également prononcée de toute Histoire et littérature européennes… Défense est faite aux étudiants coréens de se rendre à l’étranger pour s’instruire ; en somme, il est interdit d’exprimer, sous quelque forme que ce soit, les idées ou les aspirations coréennes. Un étudiant fut condamné à trois ans de prison et à 300 dollars d’amende pour avoir été surpris a chanter une chanson nationale coréenne."

    (Extrait d’un article de Journal paru récemment aux États-Unis, signé J. E. Moore, citoyen Américain, né en Corée.)

  2. Le Traité Japono-Coréen du 26 Février 1876 stipulait dans son Art. 1er : « Chosen (la Corée) étant un État indépendant jouit des mêmes droits de souveraineté que le Japon. »

    Dans le Protocole Russo-Japonais du 25 Avril 1898 on trouve à l’Art. 1er : « les Gouvernements Impériaux du Japon et de la Russie reconnaissent définitivement la souveraineté et l’entière Indépendance de la Corée, et s’engagent mutuellement à ne pas intervenir dans les affaires intérieures de ce pays. »

    Le Protocole Japono-Coréen du 23 Février 1904 dit dans son Art. 3 : « le Gouvernement Impérial du Japon garantit d’une façon expresse l’Indépendance et l’intégrité territoriale de l’Empire Coréen. »