Pétrifications recueillies en Amérique par Mr. Alexandre de Humboldt et par Mr. Charles Degenhardt, 1839

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PÉTRIFICATIONS

RECUEILLIES EN AMÉRIQUE

par

Mr ALEXANDRE de HUMBOLDT

et par

Mr CHARLES DEGENHARDT

décrites par

LÉOPOLD de BUCH.



BERLIN.
imprimerie de l’académie royale des sciences

1839.

À MONSIEUR

A. de HUMBOLDT.

Qui, plus que Vous s’est occupé, au milieu de tant d’autres recherches de la plus haute importance, à observer, à rechercher et à déterminer les formations géologiques, dont l’Amérique se compose ! Vous avez senti, pour y parvenir, le besoin du secours des caractères zoologiques. C’est dans ces vues, que Vous avez rassemblé avec une activité et une persévérance, digne de Votre nom la belle collection de pétrifications du Pérou et de la Nouvelle Grenade, que Votre libéralité a voulu déposer au cabinet de minéralogie de Berlin. Mais bien d’années se sont écoulées et Vos désirs n’ont pas été accomplis. Ces restes précieux, les premiers, qu’on ait vu de ces pays éloignés, n’ont pas encore été, ni dessinés, ni décrits. Peut-être surpris de la témérité, avec laquelle j’ose entreprendre cette tâche, veuillez la regarder comme une preuve de l’intérêt, que Vous savez inspirer pour tout, ce que Vous croyez utile et important pour l’avancement des sciences naturelles, et plus encore, comme une foible marque de l’attachement respectueux, qui ne m’abandonnera, qu’à la fin de mes jours.


LÉOPOLD de BUCH.

MR. de Buffon raporte (Époques de la nature note 20) que Mr  le Gentil lui avoit communiqué par écrit le 4. Décembre 1771, qu’ayant vu Don Antonio d’Ulloa lors de son passage a Cadix, celui ci l’avoit chargé de remettre de sa part a l’Académie deux coquilles petrifiées, qu’il tira l’année 1761 d’un banc fort epais, de la montagne ou est le vif argent, près de Guanca-Velica au Perou et sous 13 a 14° S. et d’une hauteur de 2222⅓ toises au dessus du niveau de la mer. Ces coquilles sont du genre des peignes ou des grandes pélerines. Il est donc certain, ajoute Mr. de Buffon, que le diamètre de la terre jadis avoit deux lieux de plus, puisqu’il etoit enveloppé d’eau jusqu’à deux milles toises de hauteur ; et cet état a dû se conserver assez longtems, parce que les coquilles ont vecues dans ces endroits elevés et s’y sont multipliées. Cette conclusion a perdue sa conviction de nos jours, car depuis que les idées du soulèvement des montagnes sont devenues assez générales, on ne s’étonne plus de la hauteur a laquelle les coquilles peuvent se trouver, et on n’est pas plus surpris de deux mille toises de hauteur, qu’on ne le seroit de quelques centaines de toises.

Don Antonio d’Ulloa lui même dans ses Noticias Americanas (Madrid 1772 p.293) s’étend fort au long sur ce phénomène curieux et si important pour la théorie des montagnes. Il observe Judicieusement, que les coquilles ne sont pas jettées au hazard sur ces hauteurs, ni rassemblées en collines sans etre changées, comme a la Concepcion du Chili, mais qu’elles font corps avec la masse des couches de la montagne, d’où les pluyes et les torrents les detachent et les entraînent vers la base des rocs escarpés ; qu’elles doivent donc dater de la même époque, que la montagne elle même. La plupart de ces coquilles, dit-il, sont des Peignes, de l’espèce, qu’on nomme peigne des Pélérins, de la longueur d’un pouce et de moins, jusqu’à celle de quatre pouces et plus. Mais d’autres univalves de trois a quatre circonvolutions, dans lesquelles on ne peut meconnoitre les ammonites, se melent assez fréquemment a ces Peignes, quoique toujours en quantité bien moins considérable.

J’etois d’autant plus surpris de ce fait, dit Ulloa, que pendant le long séjour, que j’avois fait dans les contrées traversées par l’Équateur et illustrées par les travaux des Académiciens françois, nous avions portés une attention particulière, dans nos courses de montagnes fréquentes et multipliées a rechercher, si nous pourrions trouver quelq’indication d’un sejour des eaux sur ces hauteurs ; mais toujours sans succès, quoique nos travaux embrassoient un espace de plus de 90 lieux de longueur, depuis quelques lieux au Nord de l’Équateur jusqu’au Sud de la ville de Cuenca. Cette circonstance imprevuë nous faisoit naître l’idée, qu’elle pourroit être particulière a tout, ce pays élevé, qui s’étend sur 60 degrés d’etendue depuis le détroit de Magellan jusqu’à l’isthme de Panama. La decouverte des coquilles de Guanca-Velica a detruite cette erreur.

Mais ces mêmes coquilles sont devenues un vrai flambeau, pour la détermination des formations de ces régions, depuis que les recherches et les relations de Mr  de Humboldt ont developpées avec la plus grande clarté la nature de ces montagnes et les rapports des roches, dont elles sont composées. Car il a non seulement recueilli lui même, mais il a encore reçu ces coquilles et de la plus grande beauté, d’un grand nombre d’endroits ; de manière qu’elles peuvent etre caracterisées tres exactement, et qu’elles prouvent en même tems une identité de formation sur une etendue immense de la chaine des Andes.

Effectivement, elles apartiennent toutes à la section des Peignes, que Mr  Drouot a separée en genre particulier sous le nom de Neithea (Mém. de la soc. Linnéenne de Paris 1824. 183. Bronn Lethaea 679.), ou une des valves est extremement bombée, et a crochet fort saillant sur le bord cardinal, l’autre toute plate ou même concave, section, qui toute entière est particulière a la formation de la craie, même en Amérique, ou le Pecten quinquecostatus de cette section, se trouve tout le long de la formation crayeuse, depuis le New Yersey jusqu’à la province d’Alabama et du Missouri (S. G. Morton Synopsis of the organic remains of the cretaceous group of the United states. Phil. 1834.). Il y aura donc la plus grande vraisemblance et presque certitude, que les for-mations secondaires des Andes doivent etre rangées parmi celles de la craie, et on n’aura droit d’abandonner cette opinion, que lorsque des faits sans replique demontrent la nature et les particularités d’une formation differente. Or, la collection de Mr  de Humboldt et ses observations prouvent, a ce qu’il paroit, que de tels fait n’existent pas et font voir, que dans les montagne des Andes équatoriales la formation crayeuse est tout à fait prépondérante, et développée sur une échelle gigantesque.


1

PECTEN ALATUS.

Fig. 1. 2. 3. 4.


Ce Peigne est inéquilateral, ce qui le distingue éminemment du Pecten aequicostatus. Le coté anterieur de la valve bombée s’élargit considerablement vers sa base et forme une espèce d’aile ; de manière, que l’axe de la valve est plus raprochée vers le coté posterieur, d’un tiers de la largeur entière. L’épaisseur de la valve surpasse le tiers de sa longueur. La surface de cette valve est ornée de quatorze plis simples, assez elevés, mais aplatis vers le haut, les espaces, qui les séparent sont du double plus larges, et les un et les autres sont finement striés par les stries d’accroissemens, qui sur les plis, s’élèvent en petites écailles. Le bord au dessous de la charnière est replié vers l’interieur, et comme la valve plane l’est également, il en resulte une lunule marquée des deux cotés de la charnière, qui s’étend jusqu’à peu pres un quart de la longueur de l’axe. Ces bords repliés sont traversés par des stries, qui s’élevent en diagonales et qui s’entrecoupent avec les stries d’accroissement. Le crochet de la valve s’avance considerablement sur le bord cardinal, comme en géneral dans toute cette section. La valve plane est un peu enfoncée vers le milieu, et couverte de douze plis assez étroits, dont la largeur n’atteint par le quart de la largeur de leurs interstices. Ils sont également traversés par des stries d’accroissement fines et regulières. Le bord cardinal de la valve bombée est un peu recourbé et n’arrive pas jusqu’à la moitié de la longueur de l’axe ; c’est le coté du Byssus, ou le coté non ailé. Le bord du coté opposé, au contraire descend en ligne droite jusqu’au de la des trois quarts de la longueur de l’axe. Les oreillettes sont petites ; celle du bord anterieur de la valve bombée est échancrée, pour faire sortir le Byssus. La forme de la fossette du ligament n’a pas pu etre observée.

C’est ce Peigne qui forme des montagnes entières, a peu près de la même manière, comme en Sicile beaucoup de collines ne sont composées, que du pecten opercularis. Mr  de Humboldt l’a observé en immense quantité à la hauteur de 8400 pieds (2728 mètres) entre Guambos et Montan, sur la route de la rivière des Amazones vers Lima. Il l’a reçu des montagnes de Guanca-Velica, et enfin, d’une grande beauté des hauteurs de Copiapò, sous 26 degrés de latitude Sud, étendue immense dont du moins la partie, située entre la province de S. Juan de Bracamoros et Cuzco, présente ces couches coquillières sans interruption ; c’est à dire sur 250 lieux de longueur. C’est ce qu’on à lieu de présumer d’après les details renfermés dans un extrait de ses journaux, que Mr  de Humboldt a eu la bonté de me comuniquer.

Partis de Tomependa sur la rivière des Amazones, pour nous élever vers Caxamarca, dit l’illustre voyageur, nous arrivâmes au pied de la chaine sur les bords du Rio Chamaya, le 5 septembre 1802. Nous montâmes vers la crête par les vallées du Choto et de Queracotillo, puis en passant le long des montagnes, par Sigues, Mollobamba, Guambos jusqu’à Montan, endroit, qui est deja situé sur le penchant opposé de la chaine. Cette crête ou le partage des eaux, ne s’élève ici, que jusqu’à 1300 ou 1400 toises de hauteur, et elle est composée de trachyte, qui contient une abondance de crystaux d’amphibole. Mais cette roche ne se trouve, qu’à la plus grande hauteur même. Depuis les bords de la rivière des Amazones jusqu’à la hauteur nous n’avions rencontrés, que des couches gris-bleuâtres de calcaire compacte, d’une puissance de deux pieds au plus, qui s’inclinent ordinairement de 50 degrés vers le Nord ou le Nord-Est. Ces couches alternent avec des couches de marne, d’une épaisseur de 5 pouces jusqu’à celle de 18 pieds. Les coquilles ne sont pas distribuées uniformement dans ces couches, mais elles paroissent être accumulées en bancs ou en agglomerats dans les endroits, ou on les rencontre. Tels sont les environs de S. Felipe (5½ deg. S.) et les collines entre Guambos et Montan ; et a Montan même on les trouve combinées avec une immense quantité d’huîtres, et assez souvent avec des ammonites de 8 a 10 pouces de diamètre. Ces couches coquillières ont été retrouvées tout le long de la chaine par Micuipampa et Gualgajoc vers Guamachuco, Patar, Conchuco, Gùailas, Guamalies jusqu’à Caxatombo, ou on rencontre une immense quantité de coquilles à plus de 12000 pieds de hauteur. Puis suivent immédiatement les rocs coquilliers de Guanca-Velica et leur continuation vers Cuzco. Ces champs coquilliers sont fort connus dans le pays. Depuis longtems on les a designés sous le nom de Choropampas, et c’est sur le plateau de Gualgajoc qu’on en à retiré une quantité considerable d’argent rouge (Rothgiltigertz).

Les pectens de Montan, comme ceux de Guanca-Velica sont enveloppés d’un grès quarzeux a grain tres fin et a ciment calcaire. Il est assez vraisemblable, que c’est ce même grès qui prend l’aspect de quarz compacte a Gualgajoc ou la mine d’argent se trouve dans les coquilles mêmes ; et que par consequent toute la masse immense de quarz, que Mr  de Humboldt a vu former les montagnes sous 8 degrés de lat. sud n’est autre chose qu’un grès pareil consolidé, par conséquent une dependance ou la partie inferieure de la formation crayeuse, ce qui est aussi l’opinion de Mr  de Humboldt lui même.

2.

EXOGYRA POLYGONA.

Fig. 18. 19.


Elle ressemble un peu a l’Exogyra laciniata. Mais les impressions du bord inferieur ne sont pas très profondes, et les côtes, qui les bordent sont continuées jusqu’au comencement du crochet. La coquille ne présente donc pas une arête mediane tres prononcée, mais elle paroit plutôt partagée en differentes sections. Le côté, vers lequel le crochet est retourné est néammoins, comme dans toutes les Exogyres, moins bombé, que le côté opposé et un peu concave dans toute sa longueur. C’est sur cette partie concave, qui est un renflement dans l’interieur, que se trouve constamment l’impression musculaire, caractère qui distingue les Exogyres des Gryphées et des Huitres ou cette impression musculaire est toujours plus avancée vers le milieu de la valve et hors des limites du renflement ou de la depression exterieure. La coquille s’étend peu en largeur ; elle est très raboteuse a l’exterieur par des lames d’accroissement relevées et ces crochets sont tres fortement recourbés en spirale, de manière, que la fossette du ligament reste entièrement cachée. Cette Exogyre se trouve entremelée avec les pectens a Montan, et elle rappelleroit également la formation de la craie.

3.

AMMONITES PERUVIANUS.

Fig. 5. 6. 7.
(La coupe Fig. 7 étant la partie inférieure, il est clair, que les enfoncemens sont les selles, les protuberances les lobes, comme le bas de la Fig. 6 le fait remarquer.)


De Montan. Ce sont de très gros fragmens, de plus d’un pied de longueur sur un demi pied de largeur. On ne peut donc s’assurer au juste, si réellement ces fragmens auroient faits des circonvolutions entières, ou si la courbure de la partie inferieure se seroit arretée et que le reste auroit été continué en ligne droite, ou si effectivement c’est une Ammonite ou non pas plutôt une Hamite. En effet la coupe Fig. 7. ne decouvre pas une impression tres marquée d’un tour précedent enveloppé, comme on devroit s’y attendre sur des fragmens d’ammonite. Ces fragmens sont couverts de plis simples, légèrement courbés en avant vers le dos, élevés et beaucoup moins larges, que les intervalles, qui les séparent ; si le plus gros des fragmens auroit fait un tour entier de 14 pouces de diamètre, on l’auroit vu orné de 62 plis. Les lobes sont tres larges ; le lobe lateral superieur est placé sur le milieu du coté, et le lobe lateral inferieur touche presque le bord même. Il n’y a donc point de lobe auxiliaire, ce qui parleroit encore pour une Hamite, qui naturellement ne peut jamais avoir des lobes auxiliaires. Le syphon s’élève plus haut, que le dos, et il n’est pas traversé par les plis. Tous ces caractères feroient entrer cette Ammonite dans la section des Capricornées ; et elle ne se distingueroit de l’Ammonites angulatus Schlotth. du Nord de l’Allemagne, qu’en ce qu’elle n’est pas du tout enveloppée.

Mais si c’est réellement une Hamite, elle seroit d’une forme gigantesque.

Cette coquille est entièrement couverte d’une petite huitre, qui se fait particulièrement remarquer par un bec tres long et tres étroit, de manière, que la hauteur de la fossette du ligament surpasse du double la largeur de sa base. La forme du reste est entièrement dépendante de la forme du corps sur lequel la coquille s’est attachée ; tantôt on la voit plus large que longue, tantôt plus longue que large, et il ne reste de constant, que le caractère tres vague, d’une largeur qui augmente très rapidement depuis les crochets. La coquille est sans plis a l’exterieur et ornée de petites dents ou plis des deux cotés de la fossette du ligament. Elle rappelleroit assez bien l’Ostrea curvirostris Goldfus Tab. 82. Fig. 2. qui se trouve dans la craie de Maastrich et dans celle de la Scanie.

4.

ISOCARDIA.

Fig. 8. 9.


De Montan. Bivalve singulière, trop mutilée, et trop peu caracterisée, pour pouvoir déterminer, même le genre auquel elle pourroit apartenir. Il semble, qu’elle se termine en crochets, placés au bout du coté anterieur. L’une et l’autre valve, très larges sont couvertes de plis, qui ne suivent ni les bords, ni la direction de l’axe, mais qui se bifurquent et se combinent assez souvent, comme dans l’Isocardia excentrica du Jura.

Tomependa, près de S. Juan de Bracamoros sur la rivière des Amazones même, peu éloigné de l’angle qu’elle fait pour traverser la Cordillère orientale, a fourni a Mr  de Humboldt un Cidaris, qui ne diffère en rien d’après un examen attentif et soigné, du Cidaris variolaris, que Mr  Alex. Brongniart aà fait connoître le premier, et qui s’etoit trouvé dans les couches inferieures de la craie près de la perte du Rhône. V. Goldfus Tab. 40. Fig. 9. On a retiré ce même Echinoderme de couches, qui forment la plus grande hauteur des Andes, près de Micuipampa.

Une Exogyre se présente, a ce qu’il paroit, assez abondamment, non loin de Tomependa, mais elle est différente de l’Exogyra polygona. Car elle possède une carène très marquée et très decidée. Elle est toute lisse a l’exterieur, et le coté du crochet contourné s’étend vers le bord inferieur, comme a peu près feroit l’Exogyra Columba. Les exemplaires sont trop enveloppés de la roche calcaire noire et compacte, pour s’assurer si d’autres caractères pourroient soutenir un tel raprochement. Leur grandeur varie d’un demi pouce jusqu’à celle de 5 jusqu’à 8 pouces de longueur.

La route de Tomependa vers le Nord ou vers la vallée de Quito, remonte la vallée du Rio de Guancabamba, et au milieu de cette vallée est située la ville de S. Felipe. Avant de l’atteindre et au dessous de cette ville Mr  de Humboldt a decouvert de nouveau un immense champ de coquilles, un « Choro-pampa » dans une roche calcaire noire, compacte, traversée par des veines nombreuses de spath calcaire blanc. Ces coquilles s’y trouvent a la hauteur de 5880 pieds (1909 mètres) au dessus du niveau de la mer (Humboldt Niv. barom. p. 34.). On traverse a Chamaya ou la rivière se jette dans celle des Amazones, une formation de grès, analogue a celle, qui a Montan contient les Pectens. Peu après on voit paroître du Granit ; et celui-ci est suivi au Paso de Pucara d’un trachyte à crystaux nombreux d’amphibole. À Yamoca on ren-contre des schistes et à ceux-ci sont immediatement superposées les couches calcaires coquillières. Elles ont fournies à la collection quelques pièces très remarquables.

5.

AMMONITES RHOTOMAGENSIS.

Fig. 15.


Des Fragments et quelques impressions. Placé sur le coté d’un exemplaire de la montagne de St Catherine près de Rouen, un de ces fragmens le couvre si exactement, qu’on l’en croiroit detaché. Trois rangées de nœuds s’élèvent sur le coté, dont la supérieure, qui forme l’arête du dos, a tout a fait le caractère d’une rangée de dents. Les plis sont simples et très forts, ils disparaissent vers le bord interieur arrondi, mais se relèvent vers l’arête en nœuds un peu allongés. Un vide, sans nœuds, reste sur la face plane du coté, comme dans toute la section des Armées, et la seconde rangée ne récommence, que près du dos et non loin de la rangée des dents, obliques a la direction des plis. Un tour entier d’un pouce et demi de diamètre serait garni de vingt plis. Les nœuds, qui suivent le syphon au milieu du dos, n’étant pas apparents, il pourrait encore rester quelqu’incertitude, si l’espèce ne devroit pas etre rangée avec l’Ammonites Delawariensis (Morton Tab. 2. Fig. 5.) ; qui au reste ne diffère que peu, de l’Am. rhotomagensis.

6.

TRIGONIA ALAEFORMIS.

Fig. 10.


La figure est faite d’après un exemplaire de Zipaquira près de St. Fé de Bogota. Mais elle ne marque pas les stries d’accroissemens nombreuses, qui s’élèvent en petites écailles sur les cotés, comme à peu près sur le Pecten alatus Fig. 3. La Trigonie de St. Felipe est exactement la même. Elle se distingue par la direction tres oblique du coté anterieur vers l’axe des valves jusqu’au delà du milieu du coté. La pointe, qui termine la partie postérieure manque aux exemplaires. Quinze plis a peu près, assez forts, mais moins larges, que leurs interstices descendent un peu obliquement de l’arête, supérieure vers le bord inférieur. Ils ne commencent à se courber, et à se retourner, que sur l’arête même, du coté antérieur, ou enfin ceux de chaque valve se combinent en angle très obtus ou presqu’en ligne horizontale. L’Area du coté posterieur est finement striée en travers, et les crochets sont fortement retournés vers le coté posterieur. Il ne peut y avoir de doute, que c’est la même coquille, que Mr  Morton a figurée (Tab. 15. Fig. 13.) de Prairie Bluff, province d’Alabama, et qu’il a nommée Trigonia thoracica. Elle serait donc caractéristique pour la formation de la craie aussi bien en Amérique, qu’elle l’est a Rouen, en Sussex ou à Quedlinbourg.

7.

TRIGONIA HUMBOLDTH.

Fig. 28. 29. 30.


Trigonie fort remarquable de S. Felipe. Les crochets tournés en arrière, les côtes horizontales sur le coté anterieur, l’area grande et plane, garnie de deux plis perpendiculaires, et separée du plan des cotés par une arête aigue, ne laissent aucun doute, qu’elle ne doit etre rangée parmi les trigonies. Mais une lunule profonde (Fig. 30.) au dessous des crochets lui donne un caractère tout particulier, et la distingue de toutes les trigonies jusqu’à ce jour connues. Le coté anterieur est très peu incliné ou presque parallele a l’axe, l’angle qu’il fait avec le bord inférieur est formé par un arc très large, qui commence deja au dessous de la lunule. Ce coté anterieur est couvert d’une vingtaine de plis ou de côtes larges et un peu relevées vers les crochets a la jonction des deux valves ; elles continuent de l’autre coté en faisant une legère courbe et en remontant vers les côtes longitudinales. Mais avant de les atteindre elles deviennent onduleuses, et finissent abruptement, sans poursuivre leur cours le long des ces côtes (comme malheureusement la figure le feroit croire). Les côtes longitudinales sont extrêmement serrées, mais elles s’élargissent considerablement vers le bord inférieur. Elles sont très obliques a l’axe, de manière que la première côte, qui depuis les crochets atteint le bord inferieur, n’y arrive qu’un peu au delà de la moitié de ce bord. Il y aura seixe côtes a peu près, dont les dernières ne remontent pas jusqu’aux crochets. L’area du coté posterieur est entourée et circonscrite par une arête très aigue et écailleuse, par les stries d’accroissement. Elle n’est relevée, que vers la jonction des valves. Le bord inférieur des côtes est peu bombé et presque parallele au bord supérieur. Longueur 100, largeur 128, épaisseur au dessous des crochets 83.

Les couches crayeuses n’ont pas presentées jusqu’ici une forme semblable.

8.

PLEUROTOMARIA HUMBOLDTH.

Fig. 26.


De S. Felipe. Belle et grande espèce, inconnue jusqu’ici dans la craie. Il n’y a, parmi tous les Pleurotomaires decrits, qu’un seul, qui ait de l’analogie avec celui-ci, c’est le trochus imbricatus de Sowerby (Tab. 272. Fig. 3. 4.) de l’oolite inférieure près de Cheltenham. Chaque tour suivant paroit un cone, enfoncé dans celui qui le précède, et il en est separé par une petite face plane, qui deborde ; ce qui donne a la coquille la forme d’une vis. L’ouverture est plus large, que longue et pointue vers l’extrémité anterieure ; le Pleurotomaire de Sowerby est plus haut que large et le dernier tour est par conséquent, beaucoup plus bombé, superieurement.

Cette coquille a la longueur de 2½ pouces (67 millimètres) ; la longueur est à la largeur, verticalement sur l’axe, comme 100 : 89 ; les hauteurs des tours de spire, depuis l’ouverture se suivent vers la pointe dans la proportion de 100 : 74 : 66. Le coté de ces tours est tout a fait plan, un leger debordement de la carène excepté. Il est couvert de stries assez fortes, parallélles au tour, dont la carène elle même est la plus forte. Des stries beaucoup plus fines les traversent en lignes obliques ondulées, qui se redressent vers le haut, et font sous la carène un sinus assez large, la convexité en arrière, designant la place, qu’occupoit la fente de l’ouverture. Les stries s’avancent de nouveau sur le bourrelet de la carène et lui donnent une structure granuleuse. Les stries transverses continuent sur le plan, qui entoure la columelle, et s’y élèvent encore plus, que sur le coté. La première, et la plus forte, est la seule, qui reste decouverte ; les autres, au nombre de huit a dix sont cachées a mésure, que le tour avance. Les stries verticales les traversent et les séparent en petits grains larges, mais très apparents. Un bord columellaire assez large, s’étend depuis l’ombilic, sur ce plan.

9.

ROSTELLARIA.

Fig. 27.


De S. Felipe. Moule, qui ne permèt pas une détermination très précise. La carène sur le milieu du dernier tour paroit lui designer sa place parmi les Rostellaires ou peut-être plutôt parmi les Pterocères. Le dernier tour occupe plus que la moitié de la spire entière, leur proportion est, comme 63 : 100. La largeur égale la hauteur du dernier tour. Un leger indice indique des côtes longitudinales sur les premiers tours. Cinq tours sont visibles. Mr  Degenhardt a trouvé cette même coquille a Socorro, dans la Nouvelle Grenade.

Un grand espace, de plus de neuf degrés de latitude, depuis 5° 46′ lat. S. jusqu’à peu près 4° 30′ lat. N. sépare S. Felipe ou les environs de la rivière des Amazones de S. Fé de Bogota, ou on recommence à rencontrer des coquilles ou leurs empreintes dans les roches. Quoiqu’on observe encore des grès, des schistes et des argilles interposées, qui peut-être apertiennent aux mêmes formations crayeuses, comme encore le schiste micacé même, changé dans sa nature primitive par les agens souterrains (Humboldt Niv. barom. p. 32. 212.), quoiqu’on les retrouve jusqu’au delà de Cuenca, on n’y voit plus de couches calcaires, ni de pétrifications. Mais c’est précisément sur cette même étendue, que reparaissent les volcans, dont les derniers, montant du sud vers l’Équateur, avoient etés ceux, qui entourent le lac de Titicaca (sous 15 dég. lat. S.) ; et dès cette nouvelle apparition le terrain entier s’élève considérablement. C’est un phénomène fort remarquable, qui a conduit Mr  de Humboldt a faire l’observation frappante, que tout le plateau de Quito doit etre regardé comme un dome volcanique gigantesque, sur lequel les cônes des volcans s’élèvent comme des soupiraux, a peu près de la même manière, comme en Islande les volcans suivent la bande trachytique, qui traverse le centre de l’isle. La chaine des volcans de Quito, ou du moins les pics de trachyte, se prolongent sans interruption sur la crête des montagnes elevées, qui séparent la vallée de la rivière de la Madelaine de celle du Cauca ; mais ils se perdent longtems avant d’avoir atteint la jonction des deux rivières. Deux autres chaines s’en détachent aux environs et au dessus de Popayan, l’une vers l’ouest, l’autre du côté oriental, et cette dernière combine les Andes avec la chaine des montagnes de Caracas ; configuration remarquable, que Mr  de Humboldt a fait clairement ressortir sur les cartes qu’il a publiées de cette partie de l’Amérique. Or, les formations secondaires, surtout celles, qui renferment des pétrifications, composent presqu’en entier la chaine orientale, ou la chaine du plateau de Bogotà ; mais on n’en voit, que de foibles traces sans couches calcaires et sans coquilles sur la chaine trachytique centrale.

On s’élève vers Bogotà depuis Honda ou depuis le fond de la vallée de la Madelaine, à 1048 pieds sur le niveau de la mer, sur des couches de grès, suivies par des couches de schiste, qu’on voit paraître a Villetta a 3340 pieds de hauteur, et ces couches schisteuses alternent fréquemment avec des couches calcaires, qui, a la fin, prennent le dessus et forment, a elles seules le corps des montagnes, sur un prolongement de plus de soixante lieux vers le Nord ; c’est à dire jusqu’au delà de Socorro et de la rivière de Sogomozo, et jusqu’aux environs de Pamplona sous 8 degrés de lat. N. C’est avec ces couches calcaires, qu’on entre dans la plaine du plateau de Bogota, pour y rencontrer encore d’autres couches superposées. Un mémoire non publié de Mr  de Humboldt sur les mines de sel de Zipaquira près de Bogota prouve, qu’aux environs de ces mines le calcaire est combiné avec le gypse, qui à son tour, suporte le sel gemme même, qu’on voit paroître au jour. Il est donc clair qu’une détermination sure et précise de l’époque de la formation du calcaire et du schiste entraine en même tems celle de l’apparition du sel gemme, vû que celui-ci est essentiellement combiné et attaché au couches calcaires.

Or, Mr  Charles Degenhardt, directeur des mines de Marmato, dans la vallée du Cauca, nous aprend, autant par des notes instructives, que par des collections deposées a Berlin et a Clausthal, que le calcaire de Villetta dans toute son étendue jusqu’à Pamplona, ne peut être separé des schistes, que l’un et l’autre doivent faire partie d’une seule et même formation, et que dès que la place dans la serie des formations de l’un est connu celle de l’autre le doit être également. Ce schiste est donc très different de celui, qui sur les bords du lac de Titicaca forme les plus hautes sommités des Andes, l’Illimani et le Sorata, et qui est entièrement caracterisé par les Productus et les Spirifer qu’il renferme, comme faisant partie des couches supérieures de la formation de transition ou du système silurien. Car le calcaire de Villetta renferme beaucoup de pétrifications, qui ne peuvent apartenir qu’à des formations beaucoup plus récentes, surtout une abondance d’Ammonites a lobes persillés, apparemment les mêmes, que celles, qu’on trouve a Tocayma au Sudouest de Bogota, ou Mr  de Humboldt a vu les premières Ammonites dans les Andes. La plus grande partie de ces Ammonites apartient a une espèce, qui n’a pas encore eté decrite.

10.

AMMONITES GALEATUS.

Fig. 20.


Elle est entièrement enveloppée et se distingue au premier coup d’œil par les larges côtes, qui couvrent les tours, et qui ne laissent presque point d’intervalles entre elles ; de manière qu’elles semblent être superposées comme les tuiles d’un toit. On en compte vingt sur un exemplaire d’un pouce de diamètre. Ces côtes ne passent pas le dôs, mais s’y élèvent en grosses dents, laissant une rainure profonde, dans laquelle le syphon reste caché. Les cotés sont bombées dans leur moitié inférieure, et se perdent vers l’ombilic sans arête saillante. Les lobes ne sont visibles, que sur la coupe, on ne peut donc ni les dessiner, ni les décrire ; quoiqu’on en voit assez, pour se persuader, qu’ils sont dentelés dans leur contour. La hauteur du dernier tour est a celui qui le précède comme 100 : 42, ce qui est un accroissement très considérable ; cette hauteur est au diamètre dans la proportion de 60 : 100. L’ammonite apartient donc a la section des dentées, et il est visible, qu’elle à une très grande analogie avec l’ammonites canteriatus Brgnt. (Descr. géol. de Paris Tab. VI. Fig. 7.), autant par les grosses côtes simples, que par la forme du dôs, a syphon enfoncé, et par celle du coté, gonflé dans sa partie inférieure, arrondi et sans arête saillante vers l’ombilic. Mais celle-ci diffère de l’Ammonite américaine en ce qu’elle n’est pas du tout enveloppée, et que la hauteur du dernier tour n’est au diamètre entier, que dans la proportion de 40 : 100. L’analogie pourra néammoins servir, d’arrêter les supositions sur la formation a laquelle l’ammonites galeatus pourroit apartenir, et comme l’ammonites canteriatus de la perte du Rhône, est tirée des couches inférieures de la formation de la craie, il sera permis de croire, que l’ammonites galeatus apartienne a des couches semblables. Cette ammonite est très fréquente. La roche calcaire en est entièrement remplie ; car en observant attentivement les petits contours, qu’on remarque partout dans l’intérieur de la pierre, on peut facilement se convaincre, que c’est presque constamment cette ammonite, qui se présente, ou par les dents du dos, qui paroissent, ou par les proportions des parties ; et on peut poursuivre ces contours, jusqu’à ce qu’ils échappent entièrement a la vue. Mr  Degenhardt assure d’en avoir observé assez souvent des exemplaires d’un pied de diamètre, enchassés dans le roc. Serait ce bien de la même éspèces ? Mr. Roulin les a vu sur le chemin de Bogota a Honda entre Hatillo et Guadar de huit a dix pouces de diamètre. Humboldt sur le plateau de Bogota, Cotta Quartalschrift V. 18.

ASTARTE TRUNCATA.

Fig. 17. (mala).


Elle ressemble beaucoup plus à la figure de Sowerby (Pl. 521. Fig. 4. à droite, Astarte oblonga), autant, qu’il faudrait comparer les originaux, pour s’assurer qu’il existe une différence essentielle entre ces formes. Le coté posté-rieur est tronqué verticalement, mais le coté antérieur et le bord inférieur se combinent par une courbe élegante en forme d’ellipse. Les crochets se trouvent à peu près au milieu de la valve et les bords cardinaux s’en séparent sous un angle très obtus. Douze stries concentriques et assez elevées designent des périodes différentes d’accroissements ; elles sont traversées par des stries verticales, extrêmement fines, a peine visibles. Le bord des valves est crenélé. Cette coquille se trouve toujours combinée avec l’ammonites galeatus, et même assez abondamment ; mais elle paroit encore dans beaucoup d’autres endroits ; la trigonia alaeformis de Zipaquira en est couverte. Mais cette trigonie est particulièrement caracteristique pour les couches inférieures de la craie, donc l’Astarte, commune a la trigonie et a l’ammonite, doit naturellement placer cette dernière dans la même formation générale, et par conséquent aussi les schistes de Villetta.

Les pétrifications de ces couches sont noires et comme vernies ; il paroit qu’une enveloppe d’hydrate d’oxide de fer se soit moulée sur la coquille même.

Des fragmens d’un pecten a larges côtes, mais donc la forme générale n’est pas reconnoissable se montrent souvent sur ces calcaires.

Le gyps, le sel gemme de Zipaquira sont placés sur ces mêmes couches, qui contiennent la trigonia alaeformis ; ce sel doit donc faire partie de la même formation, c’est à dire, il est comme a Wieliczka, une dépendance de la craie.

12

ARCA ROSTELLATA.

Fig. 16.


Cette arche accompagne la trigonie de Zipaquira. Elle paroit se confondre avec l’arca rostellata des couches crayeuses de la province d’Alabama, aux États-Unis, figurée par Morton Tab. 3. Fig. 11. Elle se distingue par le parallellisme du bord inférieur avec le bord de la charnière ; puis par une inflexion sur le coté dans une direction oblique, qui part des crochets et se termine au bord inférieur, un peu au delà de la moitié, vers la partie postérieure, et non dans la partie antérieure, comme dans les nucules. Le bord antérieur est arqué, mais perpendiculaire au bord inférieur. Une arête très prononcée combine les crochets avec l’extrémité du bord inférieur. Les crochets même ne s’avancent que peu du milieu vers le coté antérieur. Longueur 100, largeur 145, épaisseur 115. Mr  Degenhardt a trouvé cette même arche a St. Gil près de Socorro. Elle est accompagnée dans ces endroits d’une Nucula, qui ressemble parfaitement a la Nucula nitida Goldfuss Tab. 125 Fig. 12., non seulement pour la forme, mais encore pour la grandeur.

Il n’est pas très clair si le grès, qui compose la plus grande partie des Andes de Bogota, et qui s’élève depuis Honda jusqu’au plus hautes sommités entre le plateau de Bogota et les sources du Rio Meta (Humboldt Cotta Quartalschrift V. 17.) doit être regardé comme superposé, ou comme la base et le suport de la formation calcaire. Mr  de Humboldt se décide pour la seconde de ces opinions, quoique la base et le pied de la montagne de Guadeloupe soit composée de couches calcaires, la cime de grès. Il les croit simplement adossées. La détermination précise de ce gisement n’est pas sans interêt, car le grès renferme fréquemment des couches de très bonne houille, qui sont même exploitées près de Zipaquira et dans d’autres endroits. Cette houille est noire, brillante et schisteuse, et elle est recouverte d’une argile schisteuse, qui contient un grand nombre d’impressions de feuilles dycotiledones. On s’en assure facilement par leur largeur et surtout par les nervures transversales, qui se combinent sur toute la largeur de la feuille entre les nervures principales. Ce fait rappellerait les feuilles de Credneria qu’on trouve en si grande abondance dans le grès inférieur crayeux (Quadersandstein) des environs de Blanckenburg, ou encore celles, qu’on a découvert a Nieder-Schöna près de Freyberg dans une formation analogue ; ce qui prouve, que la houille de Zipaquira et de Tausa pourrait très bien être regardée, comme apartenante au grès de la craie (green-sand, Quadersandstein).

13.

AMMONITES AEQUATORIALIS.

Fig. 11. 12. (la moitié de la grandeur naturelle.)


De Tausa, importée par Mr  Degenhardt. C’est presque la seule forme, qui rappellerait des formations plus anciennes. En effet, on la croirait tirée de quelque couche du Jura ; car elle a une très grande analogie avec l’ammonites colubratus Schlt. (Ziethen Pétrific. du Wurtemberg Pl. 3.), qui se trouve dans le Lias. Elle s’en distingue néammoins suffisamment par son accroissement beaucoup plus lent, et en ce qu’elle n’est pas enveloppée. Elle n’a donc pas ces lobes auxiliaires, qui sont si marqués sur l’ammonite du Lias. La hauteur du dernier tour serait a celle de l’avant dernier comme 100 : 70 ; elle est 100 : 30 pour l’Amm. colubratus. Une impression sur la partie ventrale du fragment, du tour, qui a precédé le dernier, ne laisse au reste aucun doute, sur sa vraie nature d’Ammonite et ne permèt pas, de le prendre pour une Hamite. Les cotés sont assez plans, peu bombés, et surpassent du double en hauteur la largeur du dôs vouté, de manière, que le profil présente la forme d’une ellipse très comprimée dans le sens de sa petite axe (Fig. 11.). Des plis larges s’élèvent du bord inférieur, continuent vèrs le dôs, en faisant un légère courbure en avant vèrs le milieu du coté ; ils se rejettent en arrière et réprennent leur direction en avant, sur le dos même. Des plis auxiliaires s’en detachent sur le milieu du coté, en s’interposant dans les intervalles, sans nœud saillant. Si l’ammonite avoit été complète, elle auroit eu un diamètre de 6 pouces ; 68 plis auroient couvertes le tour vèrs la partie dorsale, 38 plis vèrs le bord inférieur. Les lobes ont la forme de ceux, qu’on observe ordinairement dans la famille des Amalthées ; leur largeur égale presque leur profondeur, et ils sont plus larges, que les selles. Le lobe latéral supérieur se trouve presq’au milieu du coté (Fig. 11.) ; le lobe latéral inférieur vèrs le bord. On peut suposer, qu’on retrouvera cette ammonite assez souvent, et peut être aussi, dans des endroits fort eloignés l’un de l’autre.

13.

ARCA PEROBLIQUA.

Fig. 13. 14.


Quoique simplement un moule, sans reste, et même sans impression quelconque des caractères extérieurs de la coquille, sa forme et son pourtour paroissent suffisant, pour faire reconnoître une éspèce particulière. Le coté antérieur descend si obliquement vèrs le bord inférieur, qu’il n’y arrive, qu’au delà de la moitié de la largeur. Les crochets sont en même tems si eloignés l’un de l’autre, que cet eloignement égale presque la largeur entière. Longueur 100, largeur 150, épaisseur 143. Mr  Degenhardt l’à trouvée a Tunja, toujours encore sur le plateau de Bogota, mais plus vèrs le nord, que Tausa.

Mr  Degenhardt, en poursuivant la route vèrs Pamplona, par la province de Socorro et jusqu’à l’embouchure du Rio Sogomozo ou Galinaro dans celui de la Madelaine, rémarque expréssement, que tout le calcaire et les schistes, qu’on rencontre sur cette route sont une continuation de la chaine entre Villetta et la ville de Bogota, et qu’ils apartiennent a une seule et même formation générale. Mais les restes organiques, qu’on a trouvés dans ces calcaires portent encore beaucoup plus l’empreinte des formations crayeuses, que tout ce que les environs de Bogota ont produits jusqu’ici.

15.

HAMITES DEGENHARDTII.

Fig. 23. 24. 25.


Beau et grand fragment d’une espèce, qui ne peut être rapportée avec certitude a aucune, de celles qui ont été decrites jusqu’ici ; quoiqu’elle ait une très grande ressemblance avec une hamite de plusieurs pieds de longueur, qu’on trouve dans le grès inférieur, Quadersandstein, du Teutoburger Wald, près de Gütersloh, pays de Lippe.

Deux rangées de nœuds s’étendent le long du dôs, deux autres rangées sont placées sur le milieu du coté et une troisième paroit non loin du bord inférieur. Ces nœuds sont combinés par des plis simples, qui traversent le dôs, et qui s’élèvent vers le bord ventral. D’autres plis, moins élevés, s’y interposent, et passent également et le dôs, et la partie ventrale. Le lobe latéral supérieur s’enfonce précisement au milieu du coté, mais sa forme est aussi peu a saisir, que celle d’aucun autre lobe. La hauteur est à la plus grande largeur, comme 100 : 54. Elle est tirée du fond de la vallée de Rio Sogomozo, peu eloigné de la ville de Socorro.

Il est sur, qu’une telle Hamite parle plus hautement pour la formation de la craie, que l’ammonites aequatorialis pourroit s’y opposer.

L’arca rostellata, semblable à celle des environs de Bogota, n’est pas rare près de Socorro, elle s’est retrouvée surtout près du Rio Monte grande, qui se perd dans le Rio Sogomozo près de la Suve. La « trigonia alaeformis » si caractèristique pour la craie s’y rencontre également, comme à Bogota et vèrs la rivière des Amazones. Mais une autre Trigonie de ces contrées n’a jamais encore été décrite.

16.

TRIGONIA ABRUPTA.

Fig. 21. 22.


Les plis verticaux, qui descendent tout droit, sans aucune inflexion, depuis le bord supérieur vers l’inférieur, lui donnent un caractère particulier et facile a saisir. Ces plis se raccourcissent a mesure qu’ils s’avancent, vers l’extrémité du coté postérieur, et enfin s’évanouissent. On en compte dix, peu eloignés l’un de l’autre. Ils couvrent les trois quarts de la largeur du coté. En aprochant vers les crochets ils comencent a se tourner tant vers les crochets, que vers le coté antérieur et ils finissent par se changer en plis horizontaux, ou courbés, qui traversent le coté antérieur. Ils sont alors granulés par des stries d’accroissemens ; le reste des plis est lisse. Mais il n’y a qu’un petit nombre des plis horizontaux, qui soit combiné ainsi avec les plis verticaux au dessous des crochets. Arrivés à la moitié de la longueur de la valve, ils ne tournent plus, mais se terminent abruptement aux plis verticaux. Ils disparoissent entièrement vers le bord inférieur. Cette disposition peu fréquente se rétrouve, d’une manière assez remarquable sur la « Trigonia sulcata » Goldfuss Tab. 137. Fig. 7., de la craie près du Havre. Mais la trigonie américaine n’a que cinq plis horizontaux sans courbure : la trigonie du Havre en fait observer un nombre considérable, et ils s’avancent jusque vers la moitié du coté.

Le contour de la trigonia abrupta est un triangle rectangle, dont l’angle droit est arrondi. La hauteur est a la largeur comme 4 : 5. Le coté postérieur (Fig. 22.) fait rémarquer un gros pli des deux cotés de l’écusson, on n’y observe de plus que des stries d’accroissement très fines et transverses, mais point de stries verticales.

Le calcaire de Chitasaque près de Socorro contient des ammonites, parmi lesquelles on ne peut méconnoitre l’ammonites galeatus. Une autre pièce des bords du Rio Monte grande fait apercevoir des fragmens d’un Pecten, qui entre encore dans la section des Nethea, particulière a la craie. Ils rappellent le pecten quinquecostatus, mais un pli fort s’élève au milieu des intervalles entre les gros plis, et il est accompagné des deux cotés d’un pli de moindre hauteur.

Il paroit donc certain, d’après les pétrifications les plus caractèristiques et d’après les relations de Mr  de Humboldt, que toutes les formations sécon-daires des Andes, depuis le golfe du Mexique jusqu’à Cuzco, ou depuis 10 degrés lat. N. jusqu’à 15 degrès lat. Sud doivent être rangées dans la formation de la craie. Il s’en suit, que toutes les couches de houille de Zipaquira, de Tausa et du Rio Lucio près de Popayan sont de cette même formation ; qu’elle enveloppe encore le sel gemme de Zipaquira, comme celui de Wieliczka ; enfin que toute la masse énorme de grès, qui s’étend sur le plateau élevé de Cuenca, comme encore celui de Montan et des sommités dans le parallelle de Lima entrent dans cette même formation, et que les montagnes entières de quarz, que Mr  de Humboldt à observées entre 7° et 8° lat. Sud ne peuvent être régardées, que comme ce même grès, changé et consolidé par des agens souterains. Si effectivement le schiste de Villetta près de Bogota se trouve au dessous du grès, ce qui n’est pas prouvé, il pourroit réprésenter en quelque manière le « weald-clay » des anglois. Le grès seroit la partie inférieure de la formation crayeuse, Quadersandstein, greensand ; le calcaire prendroit la place des couches de craie inférieure.

Ce développement étonnant de la formation crayeuse est un phénomène, qui doit exciter au plus haut degré notre attention et notre surprise. La formation jurassique ou est elle donc restée ? c’est en vain, qu’on la cherche. Au Sud de Cuzco s’élève le nœud immense de l’Amérique méridionale, le grand plateau du pays de Bolivia, ou les montagnes les plus élevées des Andes entourent le grand lac de Titicaca ; et dès cette élévation la nature et la composition des montagnes paroit entièrement changée. Mais ce n’est pas la formation jurassique qui se montre ; les observations et les recherches de Mrs  Pentland et Alcide d’Orbigny nous ont apris, que toute la chaine orientale du plateau est formée de schistes et de calcaires de transition, parfaitement caracterisées, par les productus et les spirifers qu’ils renferment. La chaine occidentale au contraire, ou celle, qui sépare la grande vallée intérieure de la mer, est composée, d’après les observations de Mrs  Meyen de Berlin, de porphyre quarzifère, de grès rouge et d’un calcaire aparténant a ces formations antijurassiques. Aucune des pétrifications de la craie n’y a été observée. Ce nœud de formations anciennes se termine entre Salta et Tucuman latit. 24° Sud, et le granit réparoit au pied des montagnes. La Sierra nevada de Salta continue cette limite d’une manière tranchée vèrs la chaine des volcans et vèrs Copiapò ; les Pampas de Chiquitos près de Chiquisaca et celles de Moxos la déterminent du coté de l’Est et du Nordouest. Une grande partie de l’Amérique méridionale jusqu’à la mer atlantique vers les côtes du Gran-Para doit sa configuration et sa forme a ce nœud rémarquable, qui peut très bien avoir préexisté a la chaine des Andes. Car les montagnes de cette chaine s’en détachent comme d’un centre, dans des directions différentes. Les montagnes entre Cuzco et Lima arrivent au plateau de Bolivia avec une direction du Nordouest au Sud Est ; mais partant de ce plateau vèrs le Sud, la direction de la chaine est éxactément du Nord vèrs le Sud, comme celle des volcans de Quito ; elle fait donc un angle considérable avec celle, de la chaine du Perou.

Le « pecten alatus » que Mr  de Humboldt a reçu des montagnes de Copiapô prouve a lui seul, que la constitution des sommités de Guanca Velica se répète vèrs le Sud et que ce sont encore les mêmes couches crayeuses, qui entourent les pics de trachyte ou d’andésite du Chili. Les pétrifications, que Mr  Meyen a raportées de la cime du volcan de Maypo vers S. Jago du Chili, et même celles, que Mr  Pentland a recueillies au pont de l’Inca, sur le passage de Mendoza a S. Jago confirment à peu près le même résultat (Buch Déscr. phys. des Canaries p. 472.). L’Exogyra aquila (Couloni) ressemble parfaitement a celle, qu’on trouve fréquemment avec la trigonia alaeformis à Neuf-chatel en Suisse, dans les couches inférieures de la craie, et une Pholadomye a côtes fines et nombreuses de la collection de Mr  Pentland, du pont de l’Inca, paroit ne différer que peu, de la belle Pholadomya occidentalis, des bords du canal du Delaware dans le pays de New York, que Mr  Morton à décrite et figurée (Tab. VIII. Fig. 3.). Les autres restes organiques, tirés de ces montagnes du Chili ne déterminent pas plus la formation jurassique qu’elle ne l’est par ces restes dans la Nouvelle Grenade ou au Perou.

Depuis que tant de naturalistes distingués ont traversés et recherchés le Brésil, dans toute son immense étendue et a travèrs ses chaines de montagnes nombreuses, on peut être persuadé, que la formation jurassique n’éxiste point dans cette partie de l’Amérique ; il est même peu probable, que les couches de craie y soient deposées quelque part. Aucune collection, aucune rélation de ces pays ont fait connoître des pétrifications ou des coquilles de ces formations, malgré l’attention particulière que les observateurs ont portés aux objets de cette nature. Mais « l’Amblypterus Olfersii » de la Serra dos Cayriris (lat. S. 5°) décrit par Mr  Agassiz (Tom. II. p. 40.) nous prouve, que des formations plus anciennes ne sont pas étrangères a ces pays, formations, qui seront vraisemblablement de même nature, que celles, qu’on voit s’étendre du coté occidental du lac le Titicaca.

On peut encore être beaucoup plus decidé sur le manque total de formations jurassiques dans l’Amérique du Nord. Les géologues des États-Unis ont si bien recherchés et décrits les productions des différents états et jusque dans les points, les plus réculés, qu’on peut être très persuadé maintenant, que depuis le pied des « Rocky montains », depuis les sources du Missouri jusque sur les bords de la mer atlantique, et depuis les bords des lacs du Canada jusqu’au golfe du Mexique il n’existe pas une trace d’une couche jurassique. Les formations crayeuses réposent immédiatement sur les roches de transition ou sur le schiste micacé ou le granite. Ces couches de craie, à ce que nous aprend Mr  Morton (Synopsis of the Rem. of the cretac. group.) comencent aux environs de Boston, Massachuset lat. 41° N. et forment, depuis cette province une bande non interrompue, qui s’étend en arc immense, sur la longueur de 3000 milles anglois, par le New Yersey, Delaware, Maryland, Virginia, Caroline du Nord et du Sud, Georgie, Alabama, Mississipi, Tenessee, Louisiana, Arkansas et jusqu’à la province de Missouri. Ce ne sont pas simplement des productions analogues, qu’on rétrouve sur cette énorme étendue, mais les espèces sont absolument identiques, comme Ammonites placenta, Baculites ovatus, Gryphâea vomer, Gryphaea mutabilis (vesicularis Lam.), Ostrea falcata. Plus au Nord du 41 degré il n’y a plus de craie.

La formation oolitique ou jurassique est effectivement une formation rare sur le globe et les conditions sous lesquelles elle paroit méritent, pour cela même, d’etre étudiées avec le plus grand soin et avec la plus grande exactitude. On n’a aucun exemple que les couches de cette formation aient dépassées le 60me degré de latitude Nord. Elles finissent en Scanie, et s’arrêtent bien au dessous de la latitude de Pétersbourg ou de Perm, dans la Russie européenne. Les couches inférieures sont celles, qui s’avancent le plus, les couches supérieures (au dessus de l’Oxford-clay), restent en arrière. Elles manquent absolument les unes et les autres dans toute l’étendue de la Sibérie. La température des latitudes élévées auroit elle eu une influence sur cette distribution rémarquable ? Cette formation réparoit dans l’intérieur de l’Asie, avec les mêmes caractères, qui la distinguent en Europe. Car elle s’étend en grande et haute chaine au Nord Est ou au révers des montagnes de l’Himalaya, ce qui est prouvé avec la dernière évidence par les pétrifications rapportées par Mr  Gérard des montagnes, qui entourent la vallée de Spiti, et qui ont été décrites et figurées par Mr  Everest dans le Vol. 18. des Mémoires de la société de Calcutta ; et encore par Mr  Hamilton Royle dans son grand ouvrage sur l’Inde. On réconnoit dans ces figures et ces descriptions l’ammonites annulatus Sow. (Pl. 1. Fig. 5.) l’ammonites amaltheus (Royle Fig. 22.), l’ammonites heterophyllus (Fig. 9.), la Nucula Hammeri Goldf. (Pl. 2. Fig. 28.), l’Avicula monotis (Royle Tab. 3. Fig. 19.) du Lias, l’Astarte planata (Fig. 26. et Royle Fig. 16.), l’ammonites Murchisonae (Fig. 7.) de l’étage jurassique inférieure, l’ammonites polygyratus (Royle Fig. 24.), le belemnites canaliculatus (Fig. 16. 17. et Royle Fig. 27.) de l’étage moyenne et supérieure. On peut présumer, que c’est la même chaine calcaire, que Mr  Alexandre Burnes a traversé après avoir passé les montagnes de l’Hindoo-Khoo près de Bamyan. Mais ces calcaires ne réparoissent pas au Sud de la chaine centrale et ne descendent point dans la péninsule de l’Inde. Depuis le Cachemire ou depuis le Kumaon jusqu’au cap Comorin et depuis Calcutta jusqu’à Cochin ou Bombay on n’à rien vu, qui auroit pû être raporté avec quelque confiance aux formations jurassiques, car ce que Mr  Mac-Cleland a cru reconnoître dans les montagnes du Kumaon apartient certainement au calcaire houiller (mountain limestone) ou aux formations siluriennes et ce que Mrs  Voisy et Francklin ont décrits dans le pays de Bundelcund et vers les sources du Nerbudda, n’à aucun des caractères des formations, qu’ils y croient réconnoître. Les premières indications certaines de couches jurassiques au Sud de la grande chaine conduisent déjà presq’entièrement hors des limites géologiques de la Peninsule de l’Inde. Elles ont été désignées par les pétrifications, que le capitaine Smee a raporté du Run de Cutch et parmi lesquelles on a reconnu la gryphaea dilatata et la trigonie costata entièrement identiques avec celles, qu’on trouve dans les couches d’Angleterre. Proceed. of the Geol. Soc. Vol. II. 77.

Si donc les conditions nécessaires pour le développement de la formation jurassique ont manquées dans le Nouveau Continent, les différentes parties de la formation de la craie s’y observent sur une échelle d’autant plus grande, et la collection de Mr  de Humboldt nous fait entrevoir, que les découvertes zoologiques des naturalistes, qui rechercheront les montagnes des Andes seront encore pour longtems proportionnées, à l’étendue et à la puissance des couches qui les composent.