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DE L’ENTENDEMENT.

simples, c’est-à-dire déduites d’idées absolument simples. Or qu’une idée absolument simple ne puisse être fausse, c’est ce que chacun pourra voir pourvu qu’il sache ce qu’est le vrai, c’est-à-dire l’entendement, et en même temps ce qu’est le faux.

Car, quant à ce qui concerne l’essence du vrai, il est certain que la pensée vraie ne se distingue pas de la fausse seulement par la dénomination extrinsèque, mais surtout par l’intrinsèque. En effet, si un artisan conçoit un instrument, bien que cet instrument n’ait jamais existé et ne doive jamais exister, néanmoins sa pensée est vraie ; et cette pensée est la même, que l’instrument existe ou non. Et au contraire, si quelqu’un dit que Pierre existe sans savoir si Pierre existe, sa pensée, par rapport à lui-même, est fausse, ou, si vous aimez mieux, n’est pas vraie, quoique Pierre existe réellement. Cette énonciation, Pierre existe, n’est pas vraie que rapport à celui qui sait certainement que Pierre existe. D’où il suit que dans les idées il y a quelque chose de réel qui distingue les vraies des fausses ; et c’est ce que nous devons chercher dès à présent, afin de posséder une excellente règle de vérité (car, comme nous l’avons dit, c’est d’après la règle des idées vraies que chacun doit déterminer ses pensées, et la méthode est une connaissance réflexive) et aussi afin de connaître les véritables propriétés de l’entendement. Et il ne faut pas croire que la différence entre les pensées vraies et les pensées fausses vienne de ce que la pensée vraie est la connaissance d’une chose par ses premières causes ; en quoi, je l’avoue, elle différerait beaucoup de la fausse, comme je l’ai dit plus haut. Car la pensée vraie est celle qui représente objectivement l’essence d’un principe qui ne relève pas d’une cause supérieure et qui est conçu en soi et par soi. Aussi l’essence de la pensée vraie doit-elle résider dans la pensée elle-même, sans aucun rapport à d’autres pensées ; elle ne reconnaît pas l’objet comme sa cause, mais elle doit dépendre de