Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/112

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nous soient pas assez connues, nous ne laissons pas d’entrevoir qu’il y en a. Sans ce grand principe, nous ne pourrions jamais prouver l’existence de Dieu, et nous perdrions une infinité de raisonnements très justes et très-utiles, dont il est le fondement : et il ne souffre aucune exception, autrement sa force serait affaiblie. Aussi n’est-il rien de si faible que ces systèmes, où tout est chancelant et plein d’exceptions. Ce n’est pas le défaut de celui que j’approuve, où tout va par règles générales, qui tout au plus se limitent entre elles.

45 Il ne faut donc pas s’imaginer avec quelques scolastiques, qui donnent un peu dans la chimère, que les futurs contingents libres soient privilégiés contre celte règle générale de la nature des choses. Il y a toujours une raison prévalente qui porte la volonté à son choix, et il suffit pour conserver sa liberté, que cette raison incline, sans nécessiter. C’est aussi le sentiment de tous les anciens : de Platon, d’Aristote, de saint Augustin. Jamais la volonté n’est portée à agir, que par la représentation du bien, qui prévaut aux représentations contraires. On en convient même à l’égard de Dieu, des bons anges et des âmes bienheureuses ; et l’on reconnaît qu’elles n’en sont pas moins libres. Dieu ne manque pas de choisir le meilleur, mais il n’est point contraint de le faire, et même il n’y a point de nécessité dans l’objet du choix de Dieu, car une autre suite des choses est également possible. C’est pour cela même que le choix est libre et indépendant de la nécessité, parce qu’il se fait entre plusieurs possibles, et que la volonté n’est déterminée que par la bonté prévalente de l’objet. Ce n’est donc pas un défaut par rapport à Dieu et aux saints : et au contraire ce serait un grand défaut, ou plutôt une absurdité manifeste, s’il en était autrement, même dans les hommes ici-bas, et s’ils étaient capables d’agir sans aucune raison inclinante. C’est de quoi on ne trouvera jamais aucun exemple, et lorsqu’on prend un parti par caprice, pour montrer sa liberté, le plaisir ou l’avantage qu’on croit trouver dans cette affectation, est une des raisons qui y portent.

46 Il y a donc une liberté de contingence ou en quelque façon d’indifférence, pourvu qu’on entende par l’indifférence, que rien ne nous nécessite pour l’un ou l’autre parti ; mais il n’y a jamais d’indifférence d’équilibre, c’est-à-dire où tout soit parfaitement égal de part et d’autre, sans qu’il y ait plus d’inclination vers un côté. Une infinité de grands et de petits mouvements internes et externes