Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/221

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époque, parut tellement glorieuse à Manlius, que cet ambitieux, excité par la jalousie, ou par ses penchants criminels, entreprit de faire naître une sédition dans Rome ; mais lorsqu’il cherchait à soulever le peuple, il fut, sans égard pour ses services passés, précipité du haut de ce Capitole qu’il avait sauvé jadis avec tant de gloire.



CHAPITRE XXV.


Quiconque veut réformer l’ancienne constitution dans un pays libre doit y conserver au moins l’ombre des antiques usages.


Celui qui, prétendant réformer le gouvernement d’un État, veut voir ses projets accueillis et ses nouvelles institutions soutenues par l’assentiment général, doit nécessairement conserver au moins l’ombre des antiques usages, afin que le peuple ne puisse soupçonner aucun changement, quand même, en effet, la nouvelle constitution différerait entièrement de l’ancienne ; car l’universalité des hommes se repaît de l’apparence aussi bien que de la réalité ; et souvent même l’erreur a plus de pouvoir que la vérité. Aussi, lorsqu’ils commencèrent à jouir des prémices de la liberté, les Romains, convaincus d’une telle nécessité, avaient créé deux consuls à la place d’un roi ; mais ils ne voulurent pas que ces consuls eussent plus de douze licteurs, pour ne pas outrepasser le nombre de ceux qui servaient les rois. Bien plus, lorsque l’on célébrait dans Rome un certain sacrifice annuel, qui ne pouvait être fait que par le roi en personne, les Romains, pour empêcher l’absence des rois de faire regretter au peuple quelques cérémonies des temps antiques, créèrent, pour présider à cette solennité, un chef auquel ils donnèrent le nom de roi du sacrifice, et le subordonnèrent au souverain pontife : de