Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/439

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aurait pu prendre pour son salut se trouvent rompues. Mais, en réglant ainsi la destinée de Rome, elle prépare tout ce qui pouvait l’arracher aux mains de l’ennemi ; elle conduit une armée entière à Véïes, et place Camille dans Ardée ; de manière que, réunie sous un chef que n’avait déshonoré aucune défaite, et dont la réputation brillait sans mélange, elle pût reconquérir la patrie.

Je pourrais appuyer ce que je viens d’avancer de quelques exemples modernes ; mais comme ils me paraissent inutiles, celui que j’ai cité pouvant répondre à toutes les objections, je les laisserai de côté. Seulement je me contenterai d’affirmer de nouveau, d’après le spectacle qu’offrent toutes les histoires, que les hommes peuvent bien seconder la fortune, mais non s’opposer à ses décrets ; qu’elle leur permet d’ourdir ses trames, mais non d’en briser les fils. Aussi ne doivent-ils jamais désespérer ; car les décrets de la fortune sont toujours enveloppés d’un nuage ; elle dérobe sa marche dans des routes obliques et inconnues : ils doivent donc espérer sans cesse, et, dans cette espérance, ne point s’abandonner eux-mêmes, quels que soient leur sort et les maux qui les accablent.



CHAPITRE XXX.


Les républiques ou les princes dont la puissance est réelle n’achètent point des amis à prix d’argent, mais les acquièrent par leur courage et la réputation de leurs forces.


Les Romains étaient assiégés dans le Capitole ; et, quoiqu’ils attendissent le secours de Véïes et de Camille, contraints par la famine, ils entrèrent en négociation avec les Gaulois, et convinrent de leur donner une certaine quantité d’or pour rançon. En exécution de ce