Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/565

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ignorants, ni se persuader qu’ils rempliront bien leur devoir ; et, dût un nouvel Annibal les conduire, il succomberait lui-même sous un pareil fardeau ; car, dans un jour de bataille, un général ne pouvant se trouver sur tous les points à la fois, si d’abord il n’a pas pourvu à ce que tous les soldats de son armée soient pénétrés de son esprit, et connaissent ses dispositions et sa manière de se conduire, il court évidemment à sa perte.

Si donc un État s’arme et s’organise comme Rome ; si chaque jour ses citoyens, et en particulier et en public, doivent faire l’expérience de leur courage et du pouvoir de la fortune, on les verra toujours, dans quelques circonstances qu’ils se trouvent, conserver le même courage et garder la même dignité. Mais, s’ils ne sont point armés, et qu’ils ne s’appuient que sur les caprices de la fortune et non sur leur propre courage, ils subiront tous les changements auxquels elle est sujette, et ne donneront d’eux que l’exemple que nous ont donné les Vénitiens.


CHAPITRE XXXII.


Quels sont les moyens qu’ont employés quelques individus pour troubler une paix.


Circé et Vélitra, deux colonies romaines, s’étaient révoltées contre la métropole, dans l’espoir d’être secourues par les Latins ; mais ce peuple ayant été vaincu, leurs espérances s’évanouirent, et un assez grand nombre de citoyens conseillèrent alors d’envoyer à Rome des ambassadeurs pour se recommander à la clémence du sénat. Cet avis fut rejeté par les auteurs de la révolte, qui craignaient que tout le châtiment ne retombât sur leur tête ; et pour éloigner entièrement toute proposi-