Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/587

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consul l’ayant envoyé en effet, avec trois mille soldats, pour s’emparer de cette colline, il sauva de cette manière l’armée romaine ; mais, à l’approche de la nuit, voulant à son tour s’éloigner et se sauver lui et les siens, il tint ce discours à ses soldats : Ite mecum, ut dum lucis aliquid superest, quibus locis (hostes) prœsidia ponant, qua pateat hinc exitus, exploremus. Hœc omnia sagulo gregali amictus, ne ducem circumire hostes notarent, perlustravit.

Si l’on examine attentivement ce récit, on verra combien il est utile et nécessaire qu’un capitaine connaisse la nature des pays. Si Decius, en effet, n’avait connu les localités, il n’aurait pu savoir combien il importait aux Romains de se rendre maîtres de cette colline, ni juger de loin si elle était accessible ou non ; et lorsqu’il fut parvenu à son sommet, et qu’il entreprit de s’en éloigner pour rejoindre le consul, entouré d’ennemis comme il l’était, il n’aurait pu de loin explorer les chemins ouverts à son passage, et ceux que gardaient les ennemis. Il fallait donc que Decius eût une connaissance si parfaite du terrain, qu’elle lui fournît le moyen, en s’emparant de cette colline, de sauver l’armée romaine ; et, quoiqu’il fût environné de toutes parts, d’échapper ensuite à l’ennemi, lui et tous ceux qui l’avaient suivi.


CHAPITRE XL.


Se servir de la ruse dans la conduite de la guerre est une chose glorieuse.


Quoique ce soit une action détestable d’employer la fraude dans la conduite de la vie, néanmoins, dans la conduite de la guerre, elle devient une chose louable et glorieuse ; et celui qui triomphe par elle de ses ennemis ne mérite guère moins de louanges que celui qui