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«  Ses renseignemens, » dit Cambray, « je les lui ai gobés. Sois tranquille, j’ai son secret : c’est tout ce qu’il nous faut. Il voulait l’évaluer à trop haut prix… ! »

— « Ça lui apprendra à découvrir son nid de merle, » dit Mathieu ; « par ma foi ! c’est un fin tour de cueillir la poire en son absence, lui qui la comptait dans son sac depuis si long-temps. Holà ! Stewart, Lemire, venez ici, mes enfans ! »

Deux hommes sortirent à cet appel du groupe de brigands qui se tenaient à une petite distance, jaloux de n’être point dans le secret du complot qui paraissait se former, et vinrent joindre les trois amis. L’un était un homme d’environ trente-six ans, de petite taille, bien pris pourtant, et d’une figure assez passable, excepté qu’elle était un peu dure et allait à merveille à son caractère ; cet homme était un vieux délinquant du nom de Stewart ; ce n’était pas tant un grand criminel, qu’un homme profondément vicieux et corrompu. L’autre avait une physionomie beaucoup plus caractéristique et beaucoup plus révoltante. Son teint cuivré comme celui des Indiens, ses yeux étincelans, sa tête pointue et mal-contournée, ses traits aigus et minces, sa démarche, son expression, sa contenance, tout en lui trahissait la noirceur et l’énergie d’une âme faite pour le crime : cet homme ou plutôt ce monstre n’avait que vingt-deux ans, et se nommait Lemire, il avait déjà paru plusieurs fois au banc des criminels, accusé de crimes commis avec une audace épouvantable, et avait entendu prononcer sur sa tête la solennelle sentence de mort, qu’il avait accueillie d’un sourire moqueur. L’on se rappelle qu’il y a quelques années un Irlandais, traversant les Plaines, avec sa chère moitié, qu’il avait épousée le matin et qu’il allait introduire à son logis, fut attaqué en plein jour par quatre bandits. Heureusement que l’époux était de bonne taille, et avait du nerf et de la bravoure ; il désarma l’un de ces adversaires, et en terrassa trois qu’il fit prisonniers. Lemire était de cette bande et avait commencé l’attaque.

— « Allons, vrais gibiers de potence, approchez donc, » leur dit Mathieu ; on a besoin de vos services ; voulez-vous vous distinguer ? Ce soir, c’est chez…

— « Chut ! chut ! » interrompit Cambray lui mettant la main sur la bouche ; « Mathieu ! le secret ou la mort ! souviens-toi… ! Vous viendrez tous chez moi ce soir, et vous saurez le reste ; Mathieu vous amènera ; vous vous cacherez sur le fénil, et nous vous rejoindrons de bonne heure. Que le Diable vous donne de la disposition ! adieu ! »

Et il s’éloigna avec son compagnon, laissant les trois brigands soudoyés qui allèrent rejoindre le groupe.