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pétri d’excentricité que le fut Jonathan Swift, « le Doyen » comme, de coutume, on le désignait.

Dans les Voyages de Gulliver, la misanthropie atteint, selon l’expression d’un critique[1], à la hauteur d’une vertu cardinale. Tout le talent et aussi tout le mépris du satirique pour « cet animal qu’on appelle l’homme » s’y trouvent concentrés : on pourrait presque dire que c’est de la bile recuite.

La société le rebute plus encore que l’homme ; il ne se lasse jamais de la bafouer.

À Lilliput, on choisit pour ministres ceux qui dansent le mieux sur la corde ; à Laputa, le prince oblige tous ceux qui se présentent devant lui à ramper sur le ventre en léchant la poussière du parquet ; et lorsque ce doux tyran veut se débarrasser de qui le gêne, il fait répandre sur le parquet une certaine poudre brune, empoisonnée, qui tue infailliblement en vingt-quatre heures celui qui s’en frotte seulement les lèvres.

Swift fait un tableau des moins séduisants d’animaux au « corps singulier et difforme », dont les têtes et les poitrines étaient « couvertes d’un poil

    sement les effets qu’elle amène. C’est l’esprit, logique et technique, d’un constructeur qui, imaginant le raccourcissement ou l’agrandissement d’un rouage, aperçoit les suites de ce changement…, n’omettant aucun détail trivial et positif, expliquant la cuisine, l’écurie, la politique : là-dessus, sauf De Foë, il n’a pas d’égal. »

  1. Edmond Gosse.