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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

de style troubadour, publiée sous le titre : Garat à Bordeaux, dans le recueil de 1830[1], l’autre retrouvée dans les Albums à Pauline et qu’a imprimée M. Boyer d’Agen[2]. Elle y évoquait la jeunesse du chanteur qui fut la coqueluche de l’époque du Directoire et du premier Empire. Garat était mort à Paris le 1er mars 1823 : les deux pièces de Marceline paraissent donc être des hommages posthumes à sa mémoire. Mais elle connut à Bordeaux son frère consanguin, Jean-Dominique, chanteur, lui aussi[3].

Elle prenait des leçons d’anglais avec un original, nommé Williams, qui faisait admirablement les puddings, qui s’imaginait que l’âme d’un de ses cousins avait passé dans le corps de son chien Azor, et que les polissons poursuivaient dans les rues. « Plein d’excentricité, de naïveté, de ridicule et de bon sens, raconte Hippolyte Valmore, il allait jusqu’à croire que, pendant un voyage du Havre à Bordeaux, partout on le havé pris pour un Francé[4]. » Marceline s’était attachée à son professeur : elle l’appelait en plaisantant « ce gros Parisien, le plus indulgent des hommes[5] ». Elle le suivit par la pensée et par le cœur dans ses voyages et ses traverses, car ce Williams avait le tempérament d’un errant. En 1827, il avait quitté Bordeaux pour aller à Toulouse[6]. En août 1830, Marceline le retrouva à Lyon. Il venait de Paris et s’en allait à Marseille chercher quelque moyen de gagner Alger. Elle le recommanda à Lyon à Léon Boitel[7], à Marseille à Frédéric Lepeytre :

C’est un pauvre pèlerin, d’un caractère si candide, malgré son âge, que j’appelle sur lui l’intérêt de ceux qui en ressentent un peu pour moi et qui se trouvent sur la route aventureuse de ce digne homme… Depuis douze ans que je connais l’honnête M. Williams, j’ai eu tant de fois l’occasion de le plaindre et d’estimer son infortune que c’est un bonheur pour moi quand je peux arracher quelque épine à sa route. Ce qui peut lui arriver de mieux, c’est un climat sans hiver, et je recommande (à Dieu) son passage à Alger[8].

  1. T. II, p. 109-112.
  2. Lettre à Gergerès, 14 décembre 1828 (Lettres inédites, éd. Boyer d’Agen, p. 32)
  3. Œuvres manuscrites, p. 50-51.
  4. Ibid., p. 25, note 1.
  5. Ibid., 30 août 1827, p. 25.
  6. Ibid, p. 42.
  7. Lettre du 30 août 1830, cité par E. Vial, op. cit. (La Connaissance, juin 1921, p. 463-464).
  8. Lettres inédites, p. 90-91.