Page:Déjacque - À bas les chefs !.djvu/13

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instruction obligatoire ou catéchismale, afin d’en torturer l’entendement !

L’autorité gouvernementale, la dictature, qu’elle s’appelle empire ou république, trône ou fauteuil, sauveur de l’ordre ou comité de salut public, qu’elle existe aujourd’hui sous le nom de Bonaparte ou demain sous le nom de Blanqui ; qu’elle sorte de Ham ou de Belle-Isle, qu’elle ait dans ses insignes un aigle ou un lion empaillé… la dictature n’est que le viol de la liberté par la virilité corrompue, par les syphilitiques ; c’est le mal césarien inoculé avec des semences de reproduction dans les organes intellectuels de la génération populaire. Ce n’est pas un baiser d’émancipation, une naturelle et féconde manifestation de la puberté, c’est une fornication de la virginité avec la décrépitude, un attentat aux mœurs, un crime comme d’abus du tuteur envers sa pupille… c’est un humanicide !

Il n’y a qu’une dictature révolutionnaire, qu’une dictature humanitaire : c’est la dictature intellectuelle et morale. Tout le monde n’est-il pas libre d’y participer ? Il suffit de le vouloir pour le pouvoir. Point n’est besoin autour d’elle, et pour la faire reconnaître, de bataillons de licteurs ni de trophées de baïonnettes ; elle ne marche escortée que de ses libres pensées, elle n’a pour sceptre que son faisceau de lumières. Elle ne fait pas la loi, elle la découvre ; elle n’est pas autorité, elle fait autorité. Elle n’existe que par la volonté du travail et le droit de la science. Qui la nie aujourd’hui l’affirmera demain. Car elle ne commande pas la manœuvre en se boutonnant dans son inertie, comme un colonel de régiment, mais elle ordonne le mouvement en prêchant d’exemple, elle démontre le progrès par le progrès.

— Tout le monde au même pas ! dit l’une, et c’est la dictature de la force brute, la dictature animale.

— Qui m’aime me suive ! dit l’autre, et c’est la dictature de la force intellectualisée, la dictature hominale.

L’une a pour appui tous les hommes bergers, tous les hommes troupeaux, tout ce qui commande et obéit au bercail, tout ce qui est domicilié dans la civilisation.

L’autre a pour elle les individualités faites hommes, les intelligences décivilisées.

L’une est la dernière représentation du paganisme moderne, le soir de clôture définitive, ses adieux au public.