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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/22

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nous mîmes tous les trois en route pour arriver.

Un soir, dans un café à côté du Gymnase, par manière de passe-temps, nous jetions en l’air des titres de journaux. « L’Éclair, » fait Villedeuil en riant, et continuant à rire : « À propos, si nous le fondions, ce journal, hein ? » Il nous quitte, bat les usuriers, imagine un frontispice où la foudre tombait sur l’Institut, avec les noms de Hugo, de Musset, de Sand dans les zigzags de l’éclair, achète un almanach Bottin, fait des bandes, et, le dernier coup de fusil du 2 décembre parti, le journal l’Éclair paraît. L’Institut l’échappa belle, la censure avait retenu le frontispice du journal.

Dimanche 21 décembre 1851. — Janin, dans la visite que nous lui avions faite, nous avait dit : « Pour arriver, voyez-vous, il n’y a que le théâtre ! » Au sortir de chez lui, il nous vient en chemin l’idée de faire pour le Théâtre-Français une revue de l’année dans une conversation, au coin d’une cheminée, entre un homme et une femme de la société, pendant la dernière heure du vieil an.

La petite chose finie et baptisée : La Nuit de la Saint-Sylvestre, Janin nous donne une lettre pour Mme Allan.

Et nous voici, rue Mogador, au cinquième, dans l’appartement de l’actrice qui a rapporté Musset de Russie, et où une vierge byzantine, au nimbe de cuivre doré, rappelle le long séjour de la femme là-bas. Elle est en train de donner le dernier coup à sa