Page:La Conque, 1891-1892.pdf/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.





LE RETOUR




PÉTRÉE, chère tête
Pareille au blond épi que la faucille guette,
Ô Pétréa, génisse indocile au servage,
Moins douce est la saveur de la pomme sauvage
Que ta bouche.

Contre des hommes belliqueux que la trompette enivre
Mes bras tendirent l’arc d’aubier où la sagette vibre ;
Mais ils sauront aussi s’illustrer d’une lutte
Plus bénigne, ô Pétrée, et j’appris les secrets
Des pertuisés roseaux et de la curve flûte.

C’est temps nouveau quand de ses traits
Diane n’ensanglante les forêts.
C’est quand jouvence fait à Dioné service.
Ô gracieuse enfant, que clairs et simples sont tes yeux !
Déjà l’astre de Bérénice
Guide vers l’occident le Bouvier paresseux.

Pour que tu cèdes à mes pleurs
Ma main a dévidé des fils de sept couleurs,
Chantant l’air redouté
J’ai répandu la cendre
Des herbes de bonté.
La voix du rossignol fait ton âme plus tendre,
Et le favone agace, comblant mes vœux,
La couronne de pin qui mêle tes cheveux.


JEAN MORÉAS.