Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant à pleine voix la chanson. Ho Regnault reveille toy veille, o Regnault reveille toy. Quand tous furent esveillez, il dist. Messieurs l’on dict, que matines commencent par tousser, & souper par boyre. Faisons au rebours, commenczons maintenant noz matines, par boyre, & de soir à l’entrée de souper nous tousserons à qui mieulx mieulx. Dont dist Gargantua. Boyre si toust après le dormir ? Ce n’est pas vescu en diète de medicine. Il se fault premier escurer l’estomach des superfluitez & excremens. C’est (dist le Moyne) bien mediciné. Cent diables me saultent au corps s’il n’y a plus de vieulx hyvroignes, qu’il n’y a de vieulx medicins. Rendez tant que vouldrez voz cures, ie m’en voys après mon tyrouer. Quel tyrouer (dist Gargantua) entendez vous ? Mon breviare, dist le Moyne. Car tout ainsi que les faulconniers davant que paistre leurs oyseaulx les font tyrer quelque pied de poulle, pour leurs purger le cerveau des phlegmes, & pour les mettre en appetit, ainsi prenant ce ioyeux petit breviare au matin, ie m’escure tout le poulmon, & voy me là prest à boyre. A quel usaige (dist Gargantua) dictez vous ces belles heures ? A l’usaige (dist le Moyne) de Fecan, à troys psaulmes & troys leczons, ou rien du tout qui ne veult. Iamais ie ne me assubiectoys à heures. Les heures sont faictez pour l’homme, & non l’homme pour