Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/111

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empire. Mais aux jours d’innocence succédèrent, par degrés, des jours moins purs, un siècle moins brillant, et la rage de la guerre, et la soif des richesses. Bientôt parurent les bandes ausoniennes et les fiers Sicaniens : la terre de Saturne changea vingt fois de nom. Des chefs étrangers l’asservirent : elle subit le joug de Thybris, tyran farouche, indomptable géant ; et c’est de lui que ce fleuve dominateur de l’Italie fut appelé le Tibre, et perdit ainsi son antique nom d’Albula. Pour moi, chassé de ma patrie, et cherchant des mers éloignées, la fortune toute-puissante et l’irrésistible destin m’ont poussé vers ces bords. Ici m’ont fixé les ordres adorables de la Nymphe dont je tiens le jour ; ici m’enchaînent les oracles d’Apollon. »

Il dit ; et, s’avançant toujours, il montre au héros et l’autel de Carmente, et la porte que Rome appela depuis Carmentale ; pieux hommage rendu jadis à la mère d’Évandre, à cette Nymphe inspirée, qui prophétisa la première les hauts faits des neveux d’Anchise et la splendeur future des remparts de Pallas. Ensuite il arrête Énée devant ce bois immense où le grand Romulus ouvrit un asyle : au pied du roc voisin est le froid Lupercal, fameux par le culte de Pan, et cher au dieu de l’Arcadie. Ailleurs se présente le bosquet sacré d’Argilète : Évandre en atteste les religieux abris, et raconte la mort tragique de l’infidèle Argus. Enfin ils découvrent la roche Tarpéienne, et ce Capitole brillant d’or aujourd’hui, mais alors hérissé de buissons incultes. Déjà la sainte