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LES ROUGON-MACQUART.

de Catherine, agitée de fièvre, tourmentée à présent d’un besoin de paroles et de gestes. Les bourdonnements de ses oreilles étaient devenus des murmures d’eau courante, des chants d’oiseaux ; et elle sentait un violent parfum d’herbes écrasées, et elle voyait clair, de grandes taches jaunes volaient devant ses yeux, si larges, qu’elle se croyait dehors, près du canal, dans les blés, par une journée de beau soleil.

— Hein ? fait-il chaud !… Prends-moi donc, restons ensemble, oh ! toujours, toujours !

Il la serrait, elle se caressait contre lui, longuement, continuant dans un bavardage de fille heureuse :

— Avons-nous été bêtes d’attendre si longtemps ! Tout de suite, j’aurais bien voulu de toi, et tu n’as pas compris, tu as boudé… Puis, tu te rappelles, chez nous, la nuit, quand nous ne dormions pas, le nez en l’air, à nous écouter respirer, avec la grosse envie de nous prendre ?

Il fut gagné par sa gaieté, il plaisanta les souvenirs de leur muette tendresse.

— Tu m’as battu une fois, oui, oui ! des soufflets sur les deux joues !

— C’est que je t’aimais, murmura-t-elle. Vois-tu, je me défendais de songer à toi, je me disais que c’était bien fini ; et, au fond, je savais qu’un jour ou l’autre nous nous mettrions ensemble… Il ne fallait qu’une occasion, quelque chance heureuse, n’est-ce pas ?

Un frisson le glaçait, il voulut secouer ce rêve, puis il répéta lentement :

— Rien n’est jamais fini, il suffit d’un peu de bonheur pour que tout recommence.

— Alors, tu me gardes, c’est le bon coup, cette fois ?

Et, défaillante, elle glissa. Elle était si faible, que sa voix assourdie s’éteignait. Effrayé, il l’avait retenue sur son cœur.