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DE PONTANGES.

tère élevé, grandiose, exalté de Laurence, avait donné aux sentiments de Lionel une impulsion vive, il est vrai, mais qui devait nécessairement se ralentir, se perdre même dans l’absence.

Et puis les continuelles contrariétés dans l’amour finissent par le lasser, l’éteindre. On lutte avec courage contre le malheur ; mais les tracasseries, les taquineries dans la passion, usent, désenchantent ; notre désespoir se tourne en mauvaise humeur et notre chagrin en ennui. L’âme enfin éprouve une courbature qui lui ôte la vie, et l’on sent le besoin de se débarrasser de sa passion, comme d’un fardeau trop pesant qui accable, comme d’un travail trop aride qu’on n’a plus le courage d’accomplir.


XI.

UNE SURPRISE.


Or, pendant ce temps, M. Bélin avait une idée.

L’ancien banquier, comme tous les hommes qui ont aimé sous l’Empire, avait conservé l’habitude des attentions délicates vulgarisées sous le nom de surprises.

M. Bélin excellait dans la surprise.

Sa femme, un jour, en se mettant à table, avait trouvé une clef sous sa serviette.

C’était la clef du beau château de Boismont, que nous avons habité avec lui naguère, à l’époque du mariage de Clémentine.

Ces attentions, dont on rit maintenant, avaient du bon : elles prouvaient d’abord de la générosité, puis le soin que l’on avait eu de penser à nous ; non-seulement on donnait avec plaisir, mais on se faisait une grande affaire de la manière ingénieuse avec laquelle on voulait faire parvenir un don.

On donne de nos jours avec autant de plaisir sans doute, mais avec moins d’importance ; on est gracieux avec dédain, on est généreux par hasard ; on dit : « J’ai rapporté cela de Londres, le voulez-vous ?… » La délicatesse est de paraître n’avoir point pensé à vous : c’est un raffinement très-recherché.

Donc M. Bélin aimait les surprises ; il avait fait des milliers