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OU DEUX AMOURS

avec ses petits bras convulsivement crispés. Il criait d’une voix forte et résolue : « Non ! je ne veux pas descendre ! je ne veux pas ! je ne descendrai pas !… »

À l’aspect d’Étienne, il se tut. M. d’Arzac regarda Gaston rapidement ; mais il comprit, à une certaine quiétude de l’enfant qui se trahissait à travers ses craintes, que Gaston n’avait pas été mordu par la louve.

— Il n’y a pas un moment à perdre, disait M. Berthault, il faut absolument cautériser la plaie.

Et M. Berthault s’apprêtait à monter dans l’arbre ; alors Gaston grimpait plus haut, et comme on craignait qu’il ne tombât du sommet de l’arbre ou que l’arbre, trop jeune, ne se brisât, on recommençait à parlementer.

— Tu n’as pas été mordu, n’est-ce pas ? lui dit Étienne.

— Mais non ! mais non ! ils ne veulent pas me croire… ils veulent me brûler tout de même !…

— N’aie pas peur, Gaston ; viens voir ta mère, elle est bien inquiète ; tu vas encore la rendre malade… viens vite la rassurer.

— Vous me promettez qu’on ne me brûlera pas ?

— Je te le promets ; descends vite.

Et Gaston se laissa tomber dans les bras d’Étienne. Il regardait autour de lui avec effroi. À peine fut-il à terre, qu’on lui ôta ses habits : il n’avait ni une morsure ni une égratignure ; sa blouse était déchirée, mais il l’avait accrochée dans l’arbre en se défendant contre ceux qui voulaient le forcer à en descendre.

M. Berthault essaya de raconter à Étienne l’événement ; mais M. d’Arzac ne pensait qu’à Marguerite, à ses craintes, à tout ce qu’elle devait éprouver pendant cette attente mortelle ; il savait de l’événement ce qu’il en désirait savoir, c’est-à-dire que Gaston était sain et sauf, et il retourna en hâte au château, emportant sur ses épaules Gaston, qui faisait des signaux à sa mère et agitait sa petite cravate blanche et rose au-dessus de sa tête comme un pavillon de bon augure.

À la moitié de l’avenue, Gaston, voyant distinctement Marguerite sur le perron, lui envoya des baisers. Marguerite, qui comprit ce gentil langage, tomba assise sur un fauteuil, n’ayant plus la force de supporter sa joie après une si violente inquié-