naître que par expérience ; mais il est donné aux habiles d’expliquer sans peine les causes cachées qui l’excitent. Cependant bien des gens de goût n’ont pas cette facilité, et nombre de dissertateurs qui raisonnent à l’infini, manquent du sentiment, qui est la base des justes notions sur le goût.
13. — Du Langage et de l’Éloquence.
On peut dire en général de l’expression, qu’elle répond à la nature des idées et par conséquent aux divers caractères de l’esprit. Ce serait néanmoins une témérité de juger de tous les hommes par le langage. Il est rare peut-être de trouver une proportion exacte entre le don de penser et celui de s’exprimer. Les termes n’ont pas une liaison nécessaire avec les idées : on veut parler d’un homme qu’on connaît beaucoup, dont le caractère, la figure, le maintien, tout est présent à l’esprit, hors son nom qu’on ne peut rappeler ; de même de beaucoup de choses dont on a des idées fort nettes, mais que l’expression ne suit pas : de là vient que d’habiles gens manquent quelquefois de cette facilité à rendre leurs idées, que des hommes superficiels possèdent avec avantage.
La précision et la justesse du langage dépendent de la propriété des termes qu’on emploie.
La force ajoute à la justesse et à la brièveté ce qu’elle emprunte du sentiment : elle se caractérise d’ordinaire par le tour de l’expression.
La finesse emploie des termes qui laissent beaucoup à entendre ; La délicatesse cache sous le voile des paroles ce qu’il y a dans les choses de rebutant.
La noblesse a un air aisé, simple, précis, naturel.
Le sublime ajoute à la noblesse une force et une hauteur qui ébranlent l’esprit, qui l’étonnent et le jettent hors de lui-même ; c’est l’expression la plus propre d’un sentiment élevé, ou d’une grande et surprenante idée. On ne peut sentir le sublime d’une idée dans une faible expression ;